L’application StopCovid va voir le jour, mais pour quelle efficacité et quels risques ? C’est tout l’enjeu des longs débats qui agitent le secrétariat d’État au Numérique, depuis le début des mesures de confinement de mars qui visent à endiguer la pandémie de coronavirus. Et certains éléments de communication du gouvernement n’aident pas à y voir plus clair, comme Numerama a pu le remarquer en épluchant le nouveau site officiel dédié à StopCovid, mis en ligne le 21 mai 2020 et accompagné d’un communiqué de presse.
Dans cette foire aux questions, le ministère de l’Économie assurait que « le taux d’équipement en smartphone a, par ailleurs, beaucoup progressé en France ces dernières années : il était de 95% en 2019 », ce qui est faux. Comme on peut le lire dans le Baromètre du numérique de 2019, réalisé en partie par l’Arcep et hébergé par le même ministère de l’Économie, seuls 77 % des Français étaient équipés d’un smartphone en 2019.
Tout porte à croire qu’il s’agissait d’une erreur d’interprétation des données du Baromètre du numérique de 2019 : 77 % de la population dispose d’un smartphone, tandis que 95 % a un téléphone mobile (smartphone + téléphone classique). Le site officiel a d’ailleurs corrigé cette donnée, une heure après que nous avons mentionné l’existence de cette coquille sur Twitter, et juste avant publication de cet article.
Les erreurs, surtout lorsqu’elles concernent des données chiffrées, peuvent arriver. Toutefois, cette différence est loin d’être anecdotique : si 23 % de la population n’a pas de smartphone, cela représente près d’un Français sur quatre qui sera, de facto, exclu de l’outil StopCovid. Et cette mise à la marge est en fait encore plus forte selon les tranches d’âge.
Toujours selon les données du Baromètre du numérique en 2019, la proportion des Français équipés en smartphones décline à mesure que l’âge de la personne augmente : au-delà de 60 ans, ils ne sont plus que 62 % à avoir un smartphone, et ce pourcentage baisse à 44 % pour les plus de 70 ans.
Or les plus de 60 ans sont justement les personnes les plus « à risque » de développer des complications après avoir été infectées par le coronavirus : on peut se le représenter grâce à cet excellent graphique de France Info, mis à jour en temps réel chaque jour à partir des données de Santé publique France. Les plus de 60 ans représentent près de 95 % des décès liés au coronavirus, 85 % des hospitalisations et 70 % des transferts en réanimation.
En résumé, l’application StopCovid, qui vise à aider à réaliser le traçage du potentiel cheminement de la maladie à travers les Français (qui est de toute manière réalisé depuis le début de l’épidémie, de base, sans outil numérique, par des moyens humains), sera majoritairement utilisée par les tranches d’âges qui sont le moins à risque de développer des complications de la maladie.
Ceci étant dit, il convient de rappeler que le but du contact tracing est à la fois d’avertir une personne sur sa possible contamination, mais aussi de lui éviter de contaminer d’autres citoyens. Une personne jeune et qui a peu de risques d’être très malade peut contaminer des personnes plus âgées, plus sensibles : l’app StopCovid permettrait donc, si elle fonctionne, de réduire les risques de ce côté-là. Il s’agira donc moins d’avertir des personnes âgées (au vu du faible taux de pénétration des smartphones dans cette tranche d’âge, et sans compter un plus faible degré de compréhension des outils numériques) que d’éviter que des personnes moins à risque ne leur transmettent le virus.
L’adoption, clé de StopCovid ?
StopCovid est une application, censée être disponible à partir de juin, si son fonctionnement était accepté par un vote au Parlement, qui permettrait d’alerter des utilisateurs s’ils ont été en contact avec une personne testée positive au virus SARS-CoV-2. Il s’agit d’un outil technologique qui fonctionnera par Bluetooth, selon un protocole centralisé que la France est un des rares pays à avoir choisi, contre une solution décentralisée proposée par Apple et Google. De nombreuses inconnues, notamment technologiques et sur les risques de faux positifs ou négatifs, demeurent.
Pour balayer les inquiétudes sur la possible inefficacité d’un dispositif qui a déjà coûté beaucoup en termes de développement, mais aussi d’occupation de l’espace médiatique et de temps politique, Cédric O a un argument-massue : l’app StopCovid peut être efficace à partir d’une très faible quantité d’utilisateurs. En somme, si l’on arrive à sauver une poignée de vies grâce à ce système de détection, alors StopCovid sera jugée efficace. À ce jour, en Europe, les apps d’aide au tracing peinent en tout cas à prouver leur utilité.
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