La nouvelle a été officialisée le 16 juin. Les États membres de l’Union européenne sont tombés d’accord pour assurer l’interopérabilité des différentes applications destinées au traçage des contacts, afin que chaque StopCovid national puisse communiquer avec les autres. Un développement rendu nécessaire à l’heure où les frontières internes de l’Union rouvrent après des mois de fermeture.
Mais le Diable se cache toujours dans les détails.
Parce que tous les pays européens n’ont pas fait les mêmes choix techniques, il sera en fait délicat, voire impossible, de faire dialoguer toutes ces applications entre elles. Ce souci affecte au premier chef la solution française, appelée StopCovid. Des indices suggèrent qu’elle ne pourra s’interfacer à ses homologues, y compris celles qui sont limitrophes de l’Hexagone, comme l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne.
Centralisé pour la France, décentralisé pour les autres
La raison ? La France a fait le choix ce printemps d’une architecture centralisée, quand il a fallu réfléchir à une réponse numérique à la crise sanitaire engendrée par l’épidémie de coronavirus. Une orientation technique qui se défend, avec ses atouts et ses faiblesses, mais qui s’articule mal avec l’approche décentralisée, une piste suivie majoritairement en Europe.
Mi-mai, Bruxelles plaidait pourtant pour une approche commune afin de s’assurer que les dispositifs puissent s’envoyer des informations. Cette stratégie permettrait de « faciliter le traçage des chaînes transfrontières de transmission de l’infection », observait-elle, et ainsi prévenir les touristes en cas d’une éventuelle exposition au coronavirus pendant un voyage au sein de l’Union.
Cette interopérabilité est aussi mentionnée dans une documentation technique, publiée mi-avril.
Au sein du Vieux Continent, du moins des grands pays, seul le Royaume-Uni a aussi opté pour un système décentralisé.
Certes, l’Inria, qui supervise le développement de StopCovid, a souvent assuré que les technologies qui seront proposées par son équipe et ses partenaires « [garantiront] une interopérabilité au niveau européen pour le déploiement d’une application », avec un travail « en liens étroits » avec des pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne et Norvège, à travers l’initiative PEPP-PT.
En outre, la Commission européenne ajoute qu’elle continue de soutenir les travaux des États membres pour étendre l’interopérabilité également aux applications de traçage centralisées. La France n’est pas citée, mais elle est concernée au premier chef. Plus que le Royaume-Uni d’ailleurs, puisque le pays est en train de quitter l’Union et qu’il ne figurera plus vraiment dans l’équation finale.
Sauf que pour l’heure, rien n’est acté. Dans la communication de la Commission, il apparaît que cette interopérabilité européenne ne concerne que les applications nationales de traçage des contacts reposant sur une architecture décentralisée. « Cela concerne la vaste majorité des applications de traçage déjà lancées dans l’UE ou sur le point de l’être », est-il indiqué. Et donc, pas la France.
Margrethe Vestager l’a d’ailleurs signifié aux parlementaires français, lors d’un échange par visioconférence. La vice-présidente de la Commission chargée du numérique a prévenu « qu’il est un peu plus délicat de développer des normes techniques d’interopérabilité entre les systèmes décentralisés ». Ces derniers seront d’ailleurs la norme en Europe, tandis que la France fait bande à part.
Ce décalage a été régulièrement commenté dans nos colonnes, notamment pour mettre en lumière les raisons politiques qui ont sous-tendu la décision française de faire cavalier seul et ne pas accorder un quelconque crédit à la proposition de Google et Apple au nom d’une certaine vision de la souveraineté nationale. Nous écrivions ainsi le 20 mai, lors du lancement de la solution de traçage des contacts d’Apple et de Google dans 22 pays, en évoquant le cas de l’Italie.
La ministre Paola Pisano, en charge de l’innovation et des technologies, déclarait que « la solution [de Google et Apple] offre une interopérabilité accrue avec d’autres applications des pays frontaliers. Cela facilite également le partage des clés de citoyens étrangers de manière sécurisée et respectueuse de la vie privée ». Crucial pour un pays touristique. Et une capacité d’autant plus pertinente au regard du caractère international de la pandémie.
Cette situation est d’autant plus ubuesque si l’on songe à la fois la position géographique de la France, qui se trouve au carrefour de l’Europe, mais aussi à sa place dans le tourisme mondial. Paradoxalement, à moins qu’une solution technique miraculeuse finisse par être trouvée, les applications des touristes européens communiqueront entre elles en France, mais pas avec les locaux. Un comble.
Mais peut-être que ce débat se résoudra d’une autre façon : outre le fait que l’épidémie soit en train de progressivement disparaître en Europe, les applications de traçage de contact n’ont pas réussi à démontrer leur efficacité. Quant à la France, elle semble ne pas se passionner pour StopCovid. Moins de 2 % de la population l’aurait téléchargée, selon France TV Info — ce qui implique un nombre d’utilisateurs actifs encore plus faible.
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