C’est un petit bouleversement dans le monde des supercalculateurs. Pour la première fois en près de dix ans, ni les USA ni la Chine n’occupent la tête du classement des plus puissants superordinateurs de la planète. Ce privilège revient au Japon, avec sa toute nouvelle machine construite par Fujitsu. Elle se trouve à Kobe, dans le sud du pays, dans les locaux du RIKEN Center for Computational Science.
Cette nouvelle machine est, pour ainsi dire, surpuissante. Elle « surpasse de 2,8 fois le système Summit, désormais deuxième », explique le site Top 500, qui tient depuis 1993 un tableau listant les 500 supercalculateurs les plus performants au monde, avec une mise à jour deux fois l’an. Summit, un projet américain inauguré en novembre 2018 et fabriquée par IBM, est pourtant un monstre de puissance.
Un monstre de puissance 2,8 fois plus performance que l’ancien numéro un
Lors du lancement de Summit, il avait été mis en avant sa capacité d’effectuer 200 millions de milliards de calculs par seconde, selon le magazine du MIT, Technology Review. Pour avoir une idée du volume de travail abattu par Summit, il faudrait que tout le monde sur Terre fasse un calcul par seconde, tous les jours et pendant 305 jours, notait le New York Times. Et pour une personne seule, il faudrait 6,3 milliards d’années.
Dans le calcul de haute performance, les opérations sont décrites par la notion de flops, un acronyme anglais décrivant un volume d’opérations en virgule flottante par seconde. Un pétaflops équivaut à un million de milliards d’opérations par seconde, car le préfixe -péta représente 1015, c’est à dire un 1 suivi de quinze 0. Avec 100 pétaflops, on atteint cent millions de milliards d’opérations par seconde.
Baptisée Fugaku, en hommage au mont Fuji, puisqu’il s’agit d’une autre manière de désigner le célèbre point culminant du Japon, cet ordinateur rompt donc avec l’espèce de duopole qui s’était structuré entre l’Amérique et la Chine. Le premier avait trusté la première place avec trois installations (Sequoia, Titan et Summit) et le second avec deux programmes, Tianhe et Sunway.
La dernière fois qu’un autre pays était premier du Top 500, c’était en novembre 2011 — et d’ailleurs, c’était déjà le Japon, avec le K computer, dont la conception avait déjà confiée également à Fujitsu. Mais si le Japon a ravi la première place, le pays du Soleil Levant reste modeste par rapport aux deux superpuissances, qui ont pour la Chine 226 machines dans le top et pour les USA 114. Le Japon en a 30.
À titre de comparaison, la France est la quatrième nation la plus présente dans ce top, avec 18 installations. La plus performante d’entre elles, opérée par Total, se situe à la 15e place.
Les performances de Fugaku ont été flashées à 415,5 pétaflops, indique Top 500, c’est-à-dire qu’il est en mesure de réaliser un peu plus de 415 millions de milliards de calculs par seconde. Et encore, Fugaku n’est même pas encore totalement construit. Comme le pointe le Quai d’Orsay, il ne dispose que de 15 % de la puissance totale qu’il doit avoir à terme. Le chantier doit être terminé en 2021.
D’ailleurs, Fugaku doit prochainement entrer dans l’ère de l’exaflops, avec 1 000 pétaflops (ou 1 exaflops) c’est-à-dire qu’il va pouvoir produire un milliard de milliards de calculs par seconde (1018). Une course à la puissance dont le Japon, les USA et la Chine ne sont pas les seuls compétiteurs : l’Union européenne est aussi dans le coup, ainsi qu’une poignée d’autres pays dans le monde.
Autre particularité de Fugaku, il repose sur une architecture ARM — ce qui n’a pas manqué d’être souligné par l’entreprise britannique sur les réseaux sociaux. Elle permet une forte parallélisation des calculs, assure un haut niveau de fiabilité, supporte une large variété de logiciels et, enfin, entraîne une faible consommation énergétique. Un point crucial pour ces monstres de calcul, par nature très énergivores.
Un mastodonte mobilisé contre le covid-19
Actualité oblige, c’est d’abord sur les besoins immédiats de la recherche de pointe contre le coronavirus que Fugaku est mobilisé, pour mieux révéler les caractéristiques de cette maladie et du virus qui la cause, étudier des composants médicamenteux pouvant être utilisés comme agents thérapeutiques ou encore améliorer le diagnostic et le traitement en cas de contamination.
Par exemple, Fugaku peut examiner 2 000 traitements existants simultanément, dont des approches qui ne figurent dans aucun essai clinique actuellement en cours, pour estimer leurs effets sur le virus au niveau moléculaire. Il peut aussi travailler sur des simulations de comportements humains en situation de pandémie, pour révéler des facteurs positifs ou négatifs, en testant différents cas de figure socio-économiques.
Un exemple concret a été donné par Satoshi Matsuoka, le directeur du RIKEN Center for Computational Science. En se basant sur les évaluations de Fugaku, il indique que les applications comme StopCovid doivent être installées par au moins 60 % de la population pour qu’elles soient efficaces — une statistique qui est toutefois disputée par d’autres scientifiques.
Autre chantier sur lequel planche le nouveau supercalculateur japonais, la propagation des gouttelettes et des postillons dans des environnements clos, comme un bureau ou une chambre d’hôpital, mais aussi l’impact de la circulation de l’air sur ces projections, quand il y a par exemple un courant d’air parce que des fenêtres sont ouvertes ou bien du fait de l’action d’un climatiseur.
Mais une fois la crise sanitaire passée, Fugaku pourra se reconcentrer sur d’autres enjeux pour lesquels sa conception s’est avérée nécessaire, surtout pour un pays confronté non seulement à des aléas climatiques particuliers (tsunamis, séismes, activités volcaniques, prévisions météorologiques), mais aussi à un un vieillissement notable de la population, ce qui nécessite des progrès dans la santé.
https://www.youtube.com/watch?v=9xWx27GrjEc
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