« Les entreprises tech qui construisent les technologies qui dominent notre monde aujourd’hui sont globalement composées de personnes ayant le même profil. Cela explique que les technologies que l’on construit sont discriminantes, qu’on le veuille ou non. » Awa Ndiaye et Tolúlọpẹ́ Ògúnrẹ̀mí ont créé Akwaaba Fest, un festival tech afro-caribéen qui doit avoir lieu en 2021 à Paris.
Cette initiative commune est née de leurs expériences professionnelles et d’un même constat : le manque d’ouverture et de diversité de la tech a des conséquences bien concrètes pour les personnes afro-caribéennes. « De mes expériences professionnelles, associatives, comme chez Diversidays, j’ai pu constater et vivre le manque de diversité qu’il y avait dans la tech, de façon globale : diversité de genre, de race, de sexualité, de neurodiversité, de handicap. Ce sont des sujets peu abordés. Beaucoup de personnes qui se reconnaissent dans cette diversité ne sont pas forcément incluses dans la tech », résume Awa Ndiaye.
Les conséquences de ce manque de diversité se retrouvent aussi dans les productions de l’univers de la tech, mettant potentiellement les usagers afro-caribéens de ces outils dans des situations délicates. « On a des exemples de ces discriminations : des algorithmes qui prennent des décisions qui sont 3 fois plus incriminantes pour les personnes noires ou racisées, ou des apps telles que Uber ou Lyft qui font payer plus cher des courses dans ou vers des quartiers non blancs », énumère Awa Ndiaye.
Un moment de rencontre
Les bonnes intentions parfois affichées par les entreprises ne sont bien souvent pas suffisantes. « Les entreprises tech qui se disent bienveillantes, accueillantes, ne le sont pas forcément. Une fois qu’on est dans ces entreprises, on n’est absolument pas traités de la même façon. Tout cela est su, aujourd’hui c’est sur la place publique, et c’est pour cela qu’on a décidé de créer ce festival », poursuivent les organisatrices de l’Akwaaba Fest.
À l’origine, le festival devait être organisé en juin 2020. Comme bon nombre d’événements, il a été reporté en raison de la pandémie de coronavirus, au mois de juin 2021. « On tient absolument à ce qu’il soit fait en présentiel, pour que ce soit un vrai moment de rencontre pour voir des gens qui nous ressemblent et travaillent dans ce domaine, souligne Awa Ndiaye. On voudrait créer une communauté de gens qui peuvent prendre le temps de répondre aux questions des autres ou simplement partager leurs expériences.»
Des événements organisés avant le festival
Awa Ndiaye et Tolúlọpẹ́ Ògúnrẹ̀mí ajoutent que, même si le festival est au cœur du projet Akwaaba Fest, d’autres événements et actions l’accompagnent. Le 1er juillet, le festival a ainsi été lancé par une réunion sur Zoom, baptisée « Être afro-caribéen.ne dans la tech » (une centaine de personnes y ont assisté). Les intervenants et intervenantes ont pu partager leurs conseils sur des sujets aussi variés que la formation, le travail en freelance ou les salaires. « On a commencé avec ce premier événement en ligne, pour ouvrir la parole, et on va organiser d’autres événements tout au long de l’année jusqu’au festival », annoncent les organisatrices.
Le projet Akwaaba Fest sera aussi l’occasion de travailler en concertation avec d’autres organisations. Ainsi, un atelier avec Noircir Wikipédia (une initiative visant à améliorer la visibilité des personnalités africaines ou afro-descendantes sur la plateforme) devrait être organisé. En association avec l’équipe de Noir&Tech, un atelier sur les projets personnels (qui peuvent s’avérer importants pour entrer dans ce milieu lorsque l’on a peu d’expérience) est au programme. Le prochain événement en ligne est prévu pour le 29 juillet : il devrait ouvrir une série de rencontres avec plusieurs personnalités du milieu de la tech.
Puisque ses organisatrices Awa Ndiaye et Tolúlọpẹ́ Ògúnrẹ̀mí travaillent respectivement en France et en Angleterre, le festival sera bilingue. Ses créatrices tiennent à ce qu’il soit le plus inclusif possible : « On présente le festival comme un festival tech afro-caribéen : toutes les personnes sur scène, qui organiseront des ateliers, seront des personnes afro-caribéennes. Mais le festival est ouvert à tous, y compris abordable sur le plan financier, et accessible pour les personnes en situation de handicap. On fera aussi attention à avoir des personnes capables de signer, pour l’accessibilité des personnes malentendantes, en français et en anglais. »
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