Dans les bureaux états-uniens de Google, les tensions autour de la diversité continuent de grimper. En France, la situation est bien différente.

Le 16 juin, Sundar Pichai, le PDG de Google et d’Alphabet, a fini par annoncer des mesures pour lutter contre le racisme dans ses bureaux états-uniens. En mai dernier, des employés et employées avaient contacté la presse pour les avertir de la suppression progressive et discrète de formations visant à lutter contre les discriminations au sein de l’entreprise, notamment le très apprécié programme appelé Sojourn. Selon des sources internes qui se sont confiées à la journaliste April Glazer, il s’agirait d’un geste pour apaiser les « employés blancs conservateurs, qui affirmeraient que Google les discrimine », des employés qui se reconnaissent dans le mémo de James Damore et menacent de porter plainte contre l’entreprise.

La direction de Google nie une telle motivation et parle de refonte de ses programmes. Mais la justification n’a pas convaincu les personnes inquiètes. La colère est encore montée d’un cran ces dernières semaines. Des employées et employés noirs ont dénoncé dans la presse la timide réponse de Google au mouvement Black Lives Matter qui secoue le pays depuis la mort de George Floyd, et l’inefficacité de ses programmes de lutte contre les biais raciaux. C’est ce climat tendu qui a poussé Sundar Pichai à débloquer 175 millions de dollars pour soutenir les business et créateurs et créatrices noires et annoncer des mesures de grande ampleur pour renforcer « l’équité racial et et l’inclusion ».

Le moteur de recherche de Google, se trouve au cœur de la procédure. // Source : Capture d'écran Numerama.

Le moteur de recherche de Google, se trouve au cœur de la procédure.

Source : Capture d'écran Numerama.

Pas de tumulte en France

En France, ces conflits sont loin des esprits des googlers. « Très honnêtement, je n’avais jamais entendu parler de ce programme [Sojourn] », a expliqué Antoine*, un employé du bureau parisien qui a préféré rester anonyme. Un constat partagé par les autres employés que nous avons contactés. « En France, c’est plutôt l’inverse, continue-t-il. Les trainings pour favoriser l’inclusion ont été multipliés l’an dernier et cette année ». Les budgets alloués aux événements annulés en raison du coronavirus ont été distribués à des associations, ajoute-t-il.

« La diversité est fondamentale chez Google et fait partie de notre ADN. C’est un
sujet qui se retrouve partout », expliquait Julien* à Numerama l’an dernier lors de notre enquête sur les conditions de travail des personnes LGBTQ+ dans les entreprises tech en France. La direction n’a pas souhaité nous en dire plus sur leurs programmes en faveur de la diversité, mais Antoine a listé pour Numerama les mesures principales mises en place en France : recherche active de candidats aux profils différents, formation obligatoire sur les biais inconscients, prise de parole régulière de la direction, mise en place d’un système renforcé de signalement de comportements ou paroles discriminatoires et communication sur toutes les promotions.

Antoine est revenu aussi sur les ERG, pour Employee Resource Groups. Ces associations internes qui existent dans tous les bureaux Google et permettent à des communautés, notamment les LGBTQ+, les femmes et les personnes racisées, de se retrouver dans un espace safe, de lutter contre les discriminations dont elles peuvent être victimes en interne et de conseiller les équipes lors de la production de nouveaux produits ou fonctionnalités. « Leur poids a été renforcé », estime Antoine. Ces groupes, portés par les employés eux-mêmes, ont d’ailleurs été regroupés dans un conseil afin de mieux gérer la vie de bureau. D’après nos sources, un nombre grandissant de salariés auraient rejoint l’association LGBT interne. Nous n’avons pas eu de réponses de l’ERG réunissant des personnes racisées.

Différence de culture

En France, il ne semble pas y avoir de division sur la légitimité de ces actions en faveur de la diversité interne. « Je pense que ce sont des débats très US », explique Antoine. Il note qu’il n’y aurait pas d’affrontement interne entre une droite conservatrice et une gauche progressiste comme aux Etats-Unis, ni même de débat de nature politique, en dehors de sujets qui touchent directement leur cœur de métier, comme la taxe GAFA. Il explique l’intensité du débat dans le bureau américain par l’attitude de Donald Trump qui « politise la position des GAFA et leur présupposé biais à « gauche » » et la faible discussion dans le bureau français par « une plus grande homogénéité des employés ». Pour le trentenaire, ce serait le résultat de « la méritocratie à la française ». Comme dans de nombreuses entreprises technologiques parisiennes, la plupart des employés « un parcours souvent similaire : bonnes écoles d’ingé ou de commerce, milieu bourgeois, formant des familles héterosexuelles blanches

Ainsi, on arrive à des paradoxes. Google France ne serait pas très LGBT-friendly en raison des milieux sociaux de certains employés mais aurait en même temps « des années-lumières d’avance sur les droits des LGBT », estime Antoine. L’entreprise propose par exemple des congés parentaux identiques pour les femmes enceintes et les pères de famille homoparentale, ainsi ue des toilettes non-genrés.

Le géant américain réussit-il, en France, à offrir de meilleures conditions de travail aux minorités que ce qui se fait ailleurs ? C’est en tout cas que le ressenti des salariés et salariées françaises. Reste l’enjeu d’avoir des équipes aux origines et vies diverses, que l’entreprise à encore du mal à résoudre, comme un grand nombre d’entreprises tech dans le monde.

*Les prénoms ont été modifié pour assurer l’anonymat des employés

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