Le tweet avait suscité des moqueries. Le 21 février 2019, Donald Trump déclarait vouloir la 5G le plus vite possible pour les États-Unis, et même la 6G tant qu’à faire. « Les entreprises américaines doivent redoubler d’efforts, sinon elles seront laissées pour compte. Il n’y a aucune raison que nous soyons à la traîne », avait-il écrit. Beaucoup se demandaient alors si le président américain savait de quoi il parlait.
Mais le fait est que cette hypothétique norme de téléphonie mobile devient un vrai sujet. Preuve en est avec la publication, le 14 juillet, d’un livre blanc sur ce thème. Rédigé par Samsung, il présente un titre plein de promesses : « La prochaine expérience hyper-connectée pour tous ». Alors, la 5G est-elle déjà en voie d’obsolescence alors même qu’elle est loin d’être déployée partout ?
C’est aller un peu vite en besogne. D’abord, parce que Samsung lui-même ne sait pas très bien quand cette 6G verrait le jour, si elle se concrétise. Le calendrier du géant sud-coréen évoque l’arrivée des tout premiers réseaux en 2028, mais table sur un déploiement de masse deux ans plus tard, en 2030. En somme, nous serions à dix ans d’un nouveau bond dans les télécommunications mobiles.
Cela étant, Samsung juge qu’il faut préparer dès à présent le terrain pour la suite.
« Bien que la commercialisation de la 5G soit encore dans sa phase initiale, il n’est jamais trop tôt pour commencer à préparer la 6G, car il faut généralement environ 10 ans entre le début de la recherche et la commercialisation d’une nouvelle génération de technologies de communication », fait observer Sunghyun Choi, le responsable du centre de recherche de Samsung dédié aux communications avancées.
Une 5G battue dans tous les domaines
Évidemment, qui dit nouvelle génération de téléphonie mobile dit nouvelles capacités de liaison sans fil. Et alors que la 5G promet déjà de multiplier par dix les débits et de diviser d’autant la latence, Samsung assure que la 6G sera encore plus extraordinaire. Quelle que soit la comparaison, la 5G n’a pour ainsi dire aucune chance : fiabilité, latence, économie d’énergie, efficacité, débits… c’est un sans faute.
Un graphique fourni par Samsung donne une idée du saut qualitatif qu’il y aurait avec la 6G : les débits passeraient de 20 Gbit/s avec la 6G à 1 000 Gbit/s, en pointe — dans les faits, le mobinaute aurait un débit de 1 Gbit/s, contre 0,1 Gbit/s (100 Mbit/s) en 5G. La latence chuterait à 0,1 ms, contre 1 ms, et l’efficacité énergétique et spectrale serait deux fois plus importante.
Si avec son document de 46 pages, Samsung a développé substantiellement sa vision auprès du public, d’autres sociétés sont aussi sur le coup. Début 2019, on apprenait le partenariat entre LG Electronics et l’Institut des sciences et technologies avancées de Corée sur la 6G. De son côté, l’université du Jiangsu, en Chine, a aussi mis en place un groupe de recherche dédié. Sans parler de Huawei.
Mais de la 6G pour quoi faire ? La question est légitime, d’autant que l’on n’est déjà pas totalement certains de mesurer tout ce qu’il sera possible d’accomplir en 5G. Samsung évoque des usages tout à fait futuristes : des répliques virtuelles hautement fidèles, hologrammes générés depuis un smartphone, réalité mixte accrue, une technique qui mêle la réalité augmentée et la réalité virtuelle.
L’ère du Térahertz
Pour mettre tout ça en musique, Samsung suggère de se positionner à tout autre niveau du spectre électromagnétique — puisqu’il s’agit de liaisons sans fil, il est nécessaire d’utiliser des ondes radio pour acheminer les communications. La 6G devrait donc se déployer dans la bande dite Térahertz, c’est-à-dire allant de quelques centaines de Gigahertz (GHz) à 3000 GHz (ou 3 THz)
« En mars 2019, la Commission fédérale des communications aux USA a ouvert le spectre entre 95 GHz et 3 000 GHz pour une utilisation expérimentale et des applications sans licence afin d’encourager le développement de nouvelles technologies de communication sans fil », note Samsung. En comparaison, la 5G se fera en France sur une bande de 3,5 GHz et peut-être à long terme sur une autre à 26 GHz.
Mais d’autres sont plus circonspects. En 2017, Neil McRae, architecte en chef du réseau de l’opérateur britannique BT, suggérait que la 5G devrait suffire à satisfaire tous les usages, d’autant que cette norme devrait monter en puissance à mesure que de nouvelles bandes lui seront mises à disposition (3,5 GHz, 26 GHz, 1,5 GHz, 700 MHz, etc.). « Espérons que nous n’aurons pas besoin de 6G », plaisantait-il.
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