À l’heure où des nations occidentales comme les États-Unis, l’Australie ou le Royaume-Uni bannissent Huawei de toute participation pour le réseau 5G, la France entend-elle revoir sa doctrine à l’égard de l’équipementier chinois ? Non, répond Bruno Le Maire. Le ministre de l’Économie et des Finances a confirmé ce mardi 21 juillet que l’entreprise asiatique est la bienvenue.
« Nous n’interdisons pas à Huawei d’investir sur la 5G », a-t-il déclaré sur France Info. Ce qui est en revanche mis en œuvre, c’est un cadre réglementaire qui permet de fixer certaines limites. Par exemple, le déploiement d’équipements est soumis à un régime d’autorisation préalable et si l’administration demeure silencieuse, cela vaut refus. En outre, Huawei est exclu des cœurs de réseau et des environs de sites sensibles.
« Nous protégeons nos intérêts de sécurité nationale », a-t-il expliqué. Cela passe par une attention particulière pour certains endroits, parce qu’il s’agit de centres de pouvoir, de bases militaires ou bien de centres de production d’énergie. Dans ces parages, il n’y aura aucune installation 5G made in Huawei. Pour autant, insiste le ministre « il n’y a pas de discrimination à l’encontre de quelque opérateur que ce soit ».
La position exprimée par Bruno Le Maire est tout sauf une surprise. En 2019, Emmanuel Macron avait expliqué que la position de la France « n’est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise ». Néanmoins, cela ne veut pas dire que la France doit être ouverte aux quatre vents, surtout à l’égard d’un opérateur étranger qui a l’obligation de coopérer avec les autorités de son pays.
Des logiques politiques à l’œuvre
Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’approche plus mesurée de Paris que ses partenaires anglophones comme Washington, Canberra et Londres. Chacune de ces capitales se trouve dans une dynamique politique particulière avec Pékin : une guerre commerciale pour la première, des accusations d’ingérence pour la deuxième et la reprise en main de Kong Kong pour la troisième.
Contrairement à ces trois pays-là, Paris entretient encore des relations apaisées avec Pékin. Des relations que Paris ne veut pas dégrader dans ce contexte de crise sanitaire, avec une économie au tapis. Car un bannissement de Huawei pourrait donner lieu à des représailles, contre des groupes français ou bien contre Nokia et Ericsson, les deux seuls équipementiers européens capables de faire de la 5G.
Paris considère que sa loi sur la sécurité des réseaux de télécommunications est suffisante pour ménager la chèvre et le chou : protéger ses intérêts sans déclencher l’ire de l’Empire du Milieu. En outre, il faut noter que deux des quatre grands opérateurs, à savoir Orange et Free, ne vont pas du tout utiliser Huawei pour leur réseau 5G. Ils passeront exclusivement par des fournisseurs européens.
Quant à SFR et Bouygues Telecom, ils sont clairement incités à opter pour autre chose que du Huawei, dans la mesure où la durée des autorisations va de trois à huit ans. « Nous disons juste que le risque n’est pas le même avec des équipementiers européens, qu’avec des non européens. Il ne faut pas se mentir », avait rappelé Guillaume Poupard, le patron de l’ANSSI, en charge de la cyberdéfense française.
L’approche différente observée d’une capitale à l’autre s’explique aussi par le jeu des alliances : le fait est que les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni sont membres, avec le Canada et la Nouvelle-Zélande, d’une coalition spéciale, appelée Five Eyes. Or, à l’exception du Canada, du moins pour l’instant, tous ces pays ont décidé d’exclure Huawei par crainte d’un espionnage piloté par Pékin.
La France n’en fait pas partie. Elle est néanmoins présente dans d’autres coopérations intergouvernementales, comme les Nine Eyes, selon les informations sorties notamment par le lanceur d’alerte Edward Snowden, mais aussi par différents médias. D’ailleurs, il a été rapporté que les USA ont fait pression sur plusieurs de ses alliés, dont l’Allemagne, pour les pousser à éjecter Huawei, avec plus ou moins de succès.
D’ailleurs, preuve qu’il n’y a aucun bannissement visant Huawei, La Tribune signalait le 17 juillet qu’Orange, Bouygues Telecom et SFR ont reçu les premiers agréments de Matignon et de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Ils s’avèrent que tous les équipementiers — Ericsson, Nokia et Huawei — sont concernés par cette première vague d’autorisation.
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