Consciente qu’elle sert à propager des fausses informations, la messagerie instantanée WhatsApp expérimente une nouvelle fonctionnalité. Mais celle-ci pourrait bien poser des problèmes en fonction des résultats obtenus.

WhatsApp en a bien conscience : il a un problème avec la désinformation. Devant un phénomène qui a ponctuellement des conséquences dramatiques, et qui a le plus souvent des effets délétères sur la perception de la réalité, la messagerie instantanée cherche depuis la parade pour en diminuer la propagation.

Parmi les leviers à disposition de la filiale de Facebook figure le design de l’application. En effet, l’entreprise peut intervenir techniquement dessus pour brider par exemple la circulation de certains messages. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en restreignant la diffusion de messages très partagés sur son service. Et c’est dans cette voie que la plateforme entend de toute évidence poursuivre.

Rechercher des infos sur un message viral

Dans un message publié le 4 août, WhatsApp annonce expérimenter dans quelques pays (Brésil, Espagne, États-Unis, Italie, Irlande, Mexique, Royaume-Uni) une fonction qui doit, sur le papier, aider à contenir les fausses nouvelles. Comment ? En introduisant une option qui facilite la recherche en ligne d’informations complémentaires sur un message reçu.

L’entreprise signale que cette recherche en ligne est proposée quand un contenu — dans la capture, il s’agit d’un lien, de son descriptif et d’un message affirmant que boire une tisane à l’ail permet de guérir du covid-19 — a été partagé au moins cinq fois (dans des groupes différents), un nombre qui est le signe d’un début de viralité. La dernière capture montre une page de résultats avec des liens menant vers l’OMS, des sites de fact checking ou de presse.

WhatsApp recherche désinformation

WhatsApp recherche désinformation

Source : WhatsApp

« Offrir un moyen simple de rechercher plus d’informations sur les messages transférés de nombreuses fois peut aider les utilisateurs à trouver des articles complémentaires ou d’autres sources d’informations concernant le contenu reçu », commente WhatsApp. La messagerie précise qu’elle ne connait à aucun moment le contenu du message, y compris lors de sa transmission dans le navigateur web pour une recherche.

Avec cette fonctionnalité, WhatsApp propose donc un outil qui permet aux internautes de faire leurs propres recherches. Or, cela ne manque pas d’ironie lorsque l’on sait que cette démarche de « faire ses propres recherches » est exactement celle des conspirationnistes, complotistes et autres ré-informés qui ne font pas confiance aux médias traditionnels ou à la parole publique pour s’informer.

Dans la mesure où WhatsApp indique ne pas savoir quel est le contenu des messages qui sont envoyés sur le web, en l’occurrence, Google, l’application n’a pas la main sur ce qui est recherché, ni sur les résultats qui sont retournés. Dans l’exemple pris en illustration, la situation présentée est idéale : un lien vers l’OMS et les suivants vers des sites d’un média reconnu, d’un site de santé et d’un site de démystification. Mais combien de cas de figure auront droit à des résultats bancals ?

Tout dépendra du référencement

La réponse à cette question dépendra beaucoup du référencement des sites qui seront retournés en fonction des recherches demandées depuis WhatsApp — et ce ne sont pas toujours les sites les plus fiables ou les plus neutres qui sont le mieux indexés, comme on a pu le voir avec la présence de sites anti-IVG assez hauts dans certains classements sur le sujet — et de la politique de Google contre les fake news.

google recherche

Les premiers résultats d’une recherche ne sont pas systématiquement les meilleurs. // Source : PhotoMIX

Or, cet enjeu du référencement des sites selon les requêtes envoyées depuis l’application peut déboucher sur des résultats indésirables et rendre par conséquent cette stratégie en fin de compte tout à fait néfaste, malgré les bonnes intentions avec lesquelles elle a été imaginée, puisqu’il n’y a pas de coordination préalable entre la requête envoyée et les résultats affichés — ce qui serait de toute manière une source de polémique.

Dès lors, il n’est pas impossible que dans certains cas, cela débouche sur des biais cognitifs — comme celui de confirmation — et donc aggrave encore plus l’enfermement d’un internaute dans une perception faussée de la réalité ou, du moins, incomplète. Ce qui signerait l’échec de la mesure de WhatsApp, qui cherche justement à faire tout le contraire. Le mieux est parfois l’ennemi du bien.

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