La pression américaine sur Huawei porte ses fruits : grâce un mouvement en tenaille, logiciel et matériel, Huawei est bien parti pour être mis à l’écart en Occident. Et le constructeur chinois pourrait même être déclassé technologiquement pour la prochaine génération de smartphones.

Quel peut être l’avenir de Huawei sur le marché des smartphones, face à une Amérique qui cherche concrètement à l’en faire sortir ? Voilà la question qui doit tarauder l’état-major de la marque chinoise, qui est confrontée depuis maintenant plus d’un an aux assauts des États-Unis. D’autant que la stratégie suivie par Washington semble affecter les activités du géant asiatique de plus en plus significativement.

C’est ce que suggère le dernier point d’étape de DigiTimes, un site bien renseigné sur la situation des lignes de production en Chine.

Le 28 août et selon des sources locales, il a rapporté que Huawei ralentit son rythme de production de smartphones, pour se préparer à un horizon de plus en plus sombre en Europe et en Amérique du Nord — et cela même si les ventes globales restent élevées, grâce à un certain patriotisme économique chinois. Les commandes de composants auraient ainsi été revues à la baisse.

Huawei

Huawei peut-il tenir longtemps face à l’endiguement américain ? // Source : Huawei

Une énorme tenaille

L’affaiblissement de Huawei dans les smartphones est le résultat d’une prise en tenaille, au niveau du logiciel et du matériel.

Au niveau logiciel, Washington a fait en sorte d’empêcher Huawei d’accéder aux services de Google, au moins jusqu’en 2021.

Concrètement, Huawei n’a plus accès à la version grand public d’Android, avec les applications de la firme de Mountain View (Gmail, Chrome, Maps, etc.) et l’accès à la boutique en ligne Google Play. En raison de la place occupée par Google dans le quotidien d’un mobinaute occidental, cela ne peut qu’inciter le public à aller voir ailleurs — même si Huawei pourrait proposer un Android et des smartphones dégooglisés. Par rebond, les autres applications américaines (Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, Netflix…) apparaissent aussi en sursis sur les smartphones Huawei. Huawei a certes répliqué en signant des accords avec des alternatives internationales, comme Qwant, Dailymotion ou TomTom, mais leur aura est moins forte.

Côté matériel, la situation parait tout aussi désespérée. Au cours de la première quinzaine d’août, Huawei a fait savoir qu’il n’était plus être en mesure de produire ses propres puces Kirin, parce que celles-ci sont produites par des entreprises qui ont besoin d’avoir accès aux technologies brevetées des Américains. « Cette année pourrait être la dernière concernant les processeurs Kirin dernière génération », a notamment admis le patron de Huawei, lors d’une conférence.

« Malheureusement, lors de la deuxième série de sanctions américaines, nos fournisseurs de puces n’ont accepté des commandes que jusqu’au 15 mai. La production se terminera le 15 septembre », a-t-il ajouté, selon des propos rapportés à l’époque par l’Associated Press. « C’est une très grande perte pour nous », a-t-il poursuivi. Mais si le tableau est déjà bien sombre, il risque de se noircir encore plus pour les années à venir.

Huawei déclassé pour la prochaine génération de smartphones ?

Car l’endiguement mis en place par les États-Unis autour de Huawei est bien parti pour le priver de la prochaine génération des microprocesseurs. Aujourd’hui, les smartphones les plus performants ont accès à des processeurs pouvant atteindre une finesse de gravure de 7 nanomètres. Or, avec les prochains échelons que sont les gravures en 5 et 3 nanomètres, Huawei risque d’être tout simplement déclassé : aucun industriel chinois n’est pour le moment capable de construire des processeurs de ce calibre.

Il n’y a que trois entreprises qui se positionnent aujourd’hui sur des processeurs gravés sous les 7 nanomètres : il s’agit de l’Américain Intel, du Sud-Coréen Samsung et du Taïwanais TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company). Compte tenu de la nationalité d’Intel et des enjeux commerciaux pour TSMC et Samsung, aucun ne se risquera à braver les injonctions de Washington pour fournir Huawei : le jeu n’en vaut pas la chandelle. Preuve en est par exemple avec MediaTek, une autre compagnie taïwanaise, qui a bien fait savoir qu’elle n’irait pas à l’encontre de l’ embargo.

Huawei Mate 30 // Source : Numerama

Huawei Mate 30

Source : Numerama

Pour une solution 100 % chinoise, la piste la plus plausible pour Huawei serait de faire appel aux services du fondeur chinois SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corporation. Seulement, ils sont très loin d’être au niveau d’Intel, TSMC ou Samsung : sa capacité de graver des puces de silicium se situe à une finesse de 14 nanomètres, ce qui correspond à un écart de quatre ans avec les ténors du genre. Quant à HiSilicon, la filiale de Huawei dans les semi-conducteurs, elle dépend en fait de TSMC pour la fabrication de ses puces et d’ARM, une entreprise britannique, pour leur conception. À supposer qu’HiliSilcon se lance quand même et parvienne à produire des puces et en nombre suffisant, la finesse de gravure ne serait que de 28 ou 40 nanomètres.

L’autre hypothèse qui existe depuis plusieurs semaines serait l’obtention par l’équipementier américain Qualcomm d’une licence délivrée par Washington l’autorisant à fournir Huawei. De cette façon, Huawei pourrait récupérer des semi-conducteurs conçus par TSMC grâce à Qualcomm. Mais cette hypothèse semble décidément bien fragile dans un contexte d’élection présidentielle aux États-Unis, où la Chine constitue l’un des grands sujets. On doute que l’administration actuelle assouplisse sa position d’ici le 3 novembre, date de l’élection, alors que le locataire de la Maison-Blanche est lui-même en lice.

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