Les data centers vont-ils un jour être placés au fond des océans, plutôt que sur la terre ferme ? L’expérimentation conduite par Microsoft à travers le projet Natick est en train de donner de l’épaisseur à cette idée. La firme de Redmond vient en effet d’achever un essai à proximité des côtes écossaises . Et selon l’entreprise américaine, qui a dressé un bilan dans un billet de blog le 14 septembre, ça marche.
C’est en 2014 que Microsoft a commencé à évoquer publiquement un concept de data center sous-marin. Une première expérimentation a eu lieu en 2015, suivie en 2018 d’une immersion plus ambitieuse de deux ans, avec 864 serveurs dans le conteneur.
S’il est encore trop tôt pour dire si cet essai marque le premier pas d’une révolution dans la façon d’opérer des centres de traitement de données, il s’agit malgré tout d’une preuve de concept prometteuse à l’heure où se pose la question de l’impact du numérique sur l’environnement. Ici, l’alimentation électrique et le refroidissement sont assurés par des sources d’énergie renouvelables, déployées en partie sur la terre ferme, mais aussi en profitant notamment de la température de l’eau, plus basse qu’en surface, et des courants marins.
En termes de fiabilité également, le projet Natick est encourageant.
Deux ans d’immersion
Au cours des deux ans de fonctionnement du data center expérimental sous-marin, il est apparu que celui-ci a rencontré un taux d’échec huit fois moindre que ce qui est enregistré sur terre. Microsoft n’est pas sûr des raisons de cet écart. Deux hypothèses existent : le rôle de l’air ambiant dans la capsule, fait d’azote, moins corrosif que l’oxygène, et tout simplement l’absence d’allées et venues humaines pouvant heurter le matériel
« Si l’analyse s’avère correcte, l’équipe pourrait être en mesure de traduire les résultats dans les centres de données terrestres », écrit l’entreprise. En attendant, plusieurs pièces utilisées dans l’expérience sous-marine ont été envoyées au quartier général de Microsoft pour des analyses plus approfondies en vue d’éclairer cette différence de fiabilité, qui est considérable.
Le bilan d’étape de Microsoft n’aborde pas des questions qui sont susceptibles d’émerger dans pareil cas de figure : des data centers immergés peuvent-ils avoir un impact néfaste sur la température de l’eau et participer au réchauffement des océans (même si cela paraît invraisemblable au regard de la taille des conteneurs face à l’immensité océanique) ? Ou bien être une source de pollution ? Qu’en est-il par ailleurs de l’écosystème aquatique face à ces installations sous-marines ?
Dans sa publication, Microsoft fait simplement observer que « deux ans d’immersion ont permis la formation d’une fine couche d’algues et de cirripèdes (liés à l’embranchement des crustacés), et la croissance d’anémones de mer jusqu’à la taille d’un melon dans les coins de la base de la capsule remplie de ballast ». Mais la végétation marine n’a semble-t-il pas pris sur l’installation, du moins pas en l’espace de deux ans.
Avec Natick, Microsoft a la possibilité d’explorer différentes approches pour alimenter ce genre de centres de données en énergies d’origine renouvelable : la marée, les courants marins, les vagues, mais aussi par l’éolien en mer et peut-être même l’énergie solaire. La stratégie est de profiter de l’environnement immédiat, en faisant appel à des énergies décarbonées et ne produisant aucun déchet.
Un tel projet évite aussi d’accaparer de vastes surfaces de terre pour installer des centres de données. Ces zones pourraient ainsi être libérées pour faire autre chose, tandis que les fonds marins seraient mobilisés pour accueillir ces installations, si le cahier des charges environnemental est satisfaisant — sur la prise en compte de l’écosystème environnement et de la gestion de toute pollution, par exemple.
Au-delà de la question écologique, Microsoft voit aussi des avantages opérationnels : en 2018, le groupe rappelait que la moitié de la population mondiale vit à moins de 200 km de l’océan. En positionnant ces data centers intelligemment, il serait possible de baisser la latence à 2 millisecondes, contre par exemple 40 millisecondes si le centre de données se trouve à 4 000 km du domicile.
L’une des grandes interrogations demeure la facilité de construction, d’installation, de maintenance et de retrait de ces appareils. Si la redondance des installations permet d’éviter que la défaillance d’un data center sous-marin n’entraîne la perte de données, la bascule vers une toute nouvelle manière d’exploiter ces centres nécessitera de toute évidence une transformation significative du secteur.
De toute évidence, un projet comme Natick entre dans la stratégie de Microsoft sur la réduction de son impact environnemental. Début 2020, le groupe a fait savoir qu’il a le projet de générer une empreinte carbone négative d’ici 2030, en « remboursant » le dioxyde de carbone qu’il a émis depuis sa création, en 1975. Cela suppose, entre autres, de ne plus utiliser de sources d’énergie carbonée.
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