Chez Nintendo, il n’est pas possible de choisir n’importe quoi comme pseudonyme. Il existe d’ailleurs des centaines de mots et abréviations qui sont censurés — notamment anglais, japonais et français. En 2016, la liste noire des termes pour la 3DS avait été découverte par des bidouilleurs. Quatre ans plus tard, un même cordon sanitaire existe entre la Switch et un certain nombre de noms communs.
Le contenu de la dernière mise à jour de la console hybride de Nintendo fait toutefois l’objet d’une controverse outre-Atlantique. En effet, il a été constaté que des mots en lien avec l’histoire américaine ou à son actualité récente ne sont plus autorisés avec la mise à jour 10.2.0, disponible depuis le 15 septembre, qui promet une « amélioration générale de stabilité de la console pour une meilleure expérience utilisateur ».
Pas de KKK, de covid ou d’ACAB
Parmi les termes figurent entre autres le KKK (acronyme du Ku Klux Klan, une organisation d’extrême-droite prêchant la suprématie blanche), slave (esclave, en anglais), nazi et ACAB (acronyme pour All Cops Are Bastards, un slogan anti-police qui affirme que « tous les flics sont des salauds » et qui est utilisé notamment pour dénoncer les violences policières). On trouve aussi coronavirus et Covid.
Cette mise à l’écart a été confirmée par Polygon, chacun de ses essais s’étant soldé par un message d’avertissement. Le site spécialisé dans les jeux vidéo suggère qu’il s’agit-là d’une réaction aux circonstances aux États-Unis. En revanche, l’acronyme BLM (pour Black Lives Matter, un autre slogan pour dénoncer les morts chez les Noirs à cause d’abus et d’excès de pouvoir des forces de l’ordre) demeure utilisable.
Cette extension de la censure du vocabulaire n’a pas ravi l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une puissante organisation américaine dédiée à la défense des libertés numériques.
Si l’association dit comprendre le souhait de Nintendo de vouloir empêcher par exemple la propagation de toute désinformation autour du coronavirus, ou bien l’emploi de termes vulgaires ou racistes qui ne laissent guère de place à l’interprétation, elle critique par contre l’exclusion de termes qui peuvent faire l’objet de discussions, y compris politiques, entre joueurs et joueuses.
« Alors que beaucoup restent à la maison et s’évadent dans des mondes virtuels, il est naturel de discuter de ce qui se passe dans le monde physique », note l’EFF. « Ces termes peuvent faire partie de conversations importantes sur la politique ou la santé publique. Les jeux vidéo ne servent pas seulement à jouer et à s’évader, mais font partie de la vie en tant que plateforme de discours et d’expression politiques ».
La preuve avec la campagne présidentielle américaine actuelle, où le candidat démocrate, Joe Biden, est représenté dans le jeu de Nintendo Animal Crossing. Ce même jeu avait servi aussi pour les protestataires pro-démocratie à Hong Kong ou bien pour BLM. Et surtout, le bannissement d’un terme ne tient absolument pas compte du contexte dans lequel il aurait pu être utilisé, sans poser problème.
Cette « mauvaise idée », poursuit l’EFF, est par ailleurs très imparfaite : il y a des trous dans la raquette. Des variantes comme c0vid ou a.c.a.b. passent sans difficulté, les filtres mis au point la firme japonaise, tout comme corona et virus. Du moins est-ce vrai pour cette mise à jour. Rien ne dit que la liste noire des mots proscrits ne va pas encore s’étendre lors du prochain patch de la la Switch.
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