Au Royaume-Uni, l’application de traçage des contacts NHS COVID-19, semblable à StopCovid en France, connaît un démarrage tonitruant. Mais son efficacité dans la stratégie sanitaire reste à constater.

L’écart, forcément, est frappant. Alors qu’en France, l’application StopCovid s’est hissée péniblement à hauteur des 2,5 millions de téléchargements au bout de pratiquement quatre mois d’existence, son homologue britannique connaît des débuts triomphaux. Lancée officiellement le 24 septembre pour l’Angleterre et le Pays-de-Galles, elle a déjà été récupérée plus de… 12,4 millions de fois.

Ces premières statistiques, livrées quatre jours après le début de NHS COVID-19 (NHS est l’acronyme de National Health Service, c’est-à-dire le système de santé britannique), ont bien sûr ravi Matthew Hancock, le secrétaire d’État à la Santé et à la Protection sociale. Le 28 septembre à la Chambre des communes, l’intéressé a révélé que NHS COVID-19 était devenue l’application la plus rapidement téléchargée du pays.

« Je tiens à remercier tous ceux qui ont joué leur rôle, dans le téléchargement le plus rapide d’une application dans l’histoire britannique », a déclaré Matthew Hancock en présentant ces premières statistiques, éloignées des objectifs d’Olivier Véran et Cédric O, les deux membres du gouvernement qui s’échinent depuis juin à convaincre les Français et les Françaises à miser sur StopCovid.

Matthew Hancock

Matthew Hancock, en 2015.

Source : Financial Times

Ces 14,2 millions sont d’autant plus spectaculaires comparés à la population anglaise (56,3 millions de personnes) et galloise (3,1 millions). En supposant que chaque téléchargement a été effectué par un mobinaute différent, et que chaque personne dispose d’un smartphone compatible, cela représenterait un taux d’adoption d’un peu plus de 20 % dans la population. Soit aux alentours d’une personne sur cinq.

Et l’intérêt outre-Manche pour le traçage des contacts ne se limite pas au NHS COVID-19. Le programme écossais (Protect Scotland) connaît aussi un démarrage sur les chapeaux de roue, avec plus d’un million de téléchargements selon des statistiques datées de la mi-septembre. L’Écosse est peuplée de 5,5 millions d’habitants : il est estimé que près de 22 % des mobinautes ont adopté l’application.

Un indicateur de façade

Cependant, ces chiffres doivent être observés avec recul : en Allemagne, l’application de traçage des contacts (Corona-Warn-App) a beau avoir été téléchargée 18 millions de fois, son efficacité dans la prévention des infections n’est pas démontrée. Si on ne sait pas le nombre de cas contacts notifiés depuis sa mise en route, l’usage de l’application serait assez faible outre-Rhin.

Il est impossible de prédire quelle sera l’efficacité de NHS COVID-19 et de Protect Scotland dans la stratégie sanitaire britannique contre le coronavirus. Cela étant, les incertitudes sur les bénéfices réels qu’apporte Corona-Wan-App à l’Allemagne suggèrent que ces chiffres sur les téléchargements, qui sont remarquables de prime abord, sont trompeurs et ne disent rien sur l’impact réel d’un tel traçage des contacts.

Il faut également respecter un grand nombre de conditions préalables pour qu’une telle application marche. Ce sont peu ou prou les mêmes qu’en France. Il faut posséder un smartphone (ce qui n’est pas le cas de toute la population), entrer dans les critères qui définissent ce qu’est un cas contact (durée et proximité), que la personne malade fasse un test et renseigne le résultat dans l’application, et ainsi de suite.

Par ailleurs, le Royaume-Uni est dans une situation compliquée : le nombre de cas de Covid-19 augmente vite, mais le pays n’a pas la capacité de réaliser assez de tests à temps, alors que la population est de plus en plus nombreuse à vouloir se faire tester. Résultats : les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent tout comme la remise des résultats, ce qui risque de rendre NHS COVID-19 en partie inopérante.

Le Royaume-Uni ne suit plus le même modèle que la France

Ces succès sont regardés avec envie de ce côté-ci de La Manche. Le 29 septembre sur Europe 1, Cédric O, qui encadre politiquement le dossier StopCovid, estime « qu’on doit retravailler et reconvaincre pour que les gens la téléchargent », ajoutant « qu’il y a la place pour ce genre d’applications en Europe », compte tenu des bons démarrages aussi bien au Royaume-Uni qu’en Allemagne.

Mais contrairement à la France qui a fait le pari d’une application de traçage des contacts basée sur un modèle centralisé, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont opté pour une approche décentralisée. Pendant un temps, Londres a envisagé de faire comme Paris, mais elle a changé de tactique peu avant l’été. Londres et Berlin passent ainsi par la solution conçue par Google et Apple, contrairement à Paris.

Un test avec une application centralisée avait été mené au cours du printemps sur l’île de Wright, au sud du pays. Il avait été alors constaté certaines limites techniques. Il fallait par exemple autoriser l’application à accéder à la localisation pour utiliser le Bluetooth (idem en France, d’ailleurs), la liaison sans fil étant au cœur du traçage des contacts par application. En outre, comme StopCovid, cette appli était critiquée.

De fait, la France avec son modèle centralisé se retrouve isolée en Europe. Mi-septembre, Bruxelles a lancé des essais entre les applications de la République tchèque, du Danemark, de l’Allemagne, de l’Irlande, de l’Italie et de la Lettonie, et un serveur passerelle au Luxembourg, afin de les faire dialoguer, pour par exemple avertir un Tchèque s’il a été en contact d’une Irlandaise malade croisée au restaurant en Italie.

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