Depuis le lancement de l’app de traçage des contacts StopCovid (récemment devenue TousAntiCovid) en juin, les critères de distance et de durée pour définir un cas contact n’avaient pas changé. La France utilisait un standard partagé par d’autres pays : si l’app relevait que vous étiez exposé pendant plus de 15 minutes à moins d’un mètre d’une personne qui s’était déclarée positive au Covid-19 dans l’app, elle vous prévenait que vous étiez cas contact.
Le 27 novembre, un arrêté signé par le ministre de la Santé Olivier Véran a changé ces critères de durée et de temps. Désormais, TousAntiCovid définit un cas contact dans deux cas de figure, plus flexibles :
- Le premier raccourcit le critère de durée : « un contact à une distance inférieure ou égale à un mètre pendant cinq minutes. »
- Le second élargit le critère de distance : « un contact à une distance supérieure à un mètre et inférieure ou égale à deux mètres pendant quinze minutes. »
Puisque les critères sont moins stricts qu’auparavant, à usage égal l’app devrait en théorie détecter plus de cas contacts, et envoyer plus de notifications. Alors que plus de 10 millions de personnes ont « téléchargé et activé » l’application depuis le 2 juin, le nombre de notifications envoyées paraît encore dérisoire. Les 52 350 cas positifs déclarés dans l’app jusqu’au 2 décembre n’ont mené qu’à 15 306 envois de notifications. Soit à peine plus d’un cas contact pour 3 malades déclarés…
Au-delà de ces considérations numériques, l’arrêté cite un avis de l’Agence nationale de santé publique, émis le 10 novembre 2020, pour justifier son choix. Numerama a donc contacté l’agence, aussi connue sous le nom de Santé publique France, pour connaître le détail de son avis.
Deux cas de figure pour deux modalités de contamination
L’agence, qui opère sous la tutelle du ministère de la Santé, commence par un rappel : « La part des contaminations par aérosols reste mal connue précisément [même si] la réalité de cette transmission est avérée, en particulier dans des lieux clos où l’air n’est pas régulièrement renouvelé. On sait aussi que le virus contenu dans les microgouttelettes des aérosols peut être véhiculé plus loin que les gouttelettes des postillons. »
À partir de ce constat, Santé publique France distingue deux « modalités de contamination » qui correspondent aux deux nouveaux critères de définition d’un cas contact de TousAntiCovid :
- Par « la projection de gouttelettes, lors de conversations par exemple, sur une distance courte ». Cette situation correspond, pour l’agence, aux critères d’un mètre et cinq minutes d’exposition à une personne contaminée par le Covid-19.
- Par « le phénomène de l’aérosolisation, [c’est-à-dire le] déplacement en suspension dans l’air de particules contaminées sur une distance supérieure à un mètre. » Ce cas de figure justifierait l’élargissement du critère de distance de un à deux mètres.
Peut-on vraiment distinguer les deux cas ?
L’instauration de deux paliers de distance, séparés par la limite d’un mètre, suggère que TousAntiCovid serait capable d’évaluer précisément la distance entre deux appareils. Sauf que la technologie utilisée pour la communication entre les smartphones où l’app est installée, le Bluetooth low energy, ne permet pas de faire ce genre de mesure précise. Lors d’une audition à l’Assemblée nationale en mai, le secrétaire d’État au numérique Cédric O, alors porteur du projet, concédait lui-même : « Nous captons entre 75 et 80 % des gens à proximité, soit à moins d’un mètre. Nous disons un mètre, mais avec le Bluetooth, ce sera peut-être 80 centimètres ou 1 mètre 20 ». Puisque l’imprécision des mesures de distance est admise, pourquoi ne pas jouer seulement sur les critères de durée ?
Reste que le changement des critères du risque de transmission devrait permettre de prévenir plus de personnes contaminées via TousAntiCovid. Mais l’imprécision des mesures pourrait aussi augmenter le nombre de personnes notifiées comme cas contact, alors qu’elles ne le sont pas. Et comme d’habitude avec TousAntiCovid, les incertitudes sur son efficacité et ses lourdes difficultés de fonctionnement sur iPhone pourraient briser les efforts répétés pour la rendre plus efficace.
Puisque l’évaluation des cas contacts se fait du côté du serveur de l’État, et non du côté de l’application, il se pourrait que les modifications des critères soient déjà déployées, sans mise à jour de l’app. Mais nous n’en avons pas la certitude. Contacté à ce sujet, le cabinet de Olivier Véran n’est pas encore revenu vers nous.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !