Faute avouée, à moitié pardonnée ? Dans un communiqué mis en ligne le 1er décembre, Microsoft a annoncé des modifications substantielles à son « score de productivité », de manière à le rendre nettement moins intrusif. « Nous pensons que le respect de la vie privée est un droit humain, et nous sommes profondément attachés à la vie privée de chaque personne qui utilise nos produits », a tenu à rappeler la société.
Dans le détail, le service permettait dans certains cas de suivre la production individuelle d’un employé, faisant alors de cet outil non plus un indicateur de la performance générale de la société, mais un possible levier de flicage managérial. Ce score est disponible dans Microsoft 365, le service d’abonnement donnant accès à la suite bureautique du géant des logiciels (Word, Excel, PowerPoint, etc.).
Ce score de productivité est calculé sur 800 points, avec 100 points par catégorie. Ces rubriques incluent la communication, les réunions, la collaboration sur le contenu, le travail d’équipe ou encore la mobilité. Pour établir ce score, l’outil prend en compte des données issues de ses logiciels figurant dans la suite bureautique, mais aussi d’autres programmes, comme Skype, OneDrive ou bien Teams.
Microsoft fournit dans sa documentation une page consacrée à ce score de productivité, qui détaille son mode de calcul, la liste des applications sur lesquelles il s’appuie, la façon dont il faut interpréter les résultats, les conditions de sa mise en œuvre et son périmètre. Ce score de productivité avait été annoncé en novembre 2019, mais sa généralisation n’a lieu que plus tardivement, à la fin octobre 2020.
C’est Wolfie Christl, un programmeur et activiste autrichien, qui a été l’un des premiers et des plus audibles à signaler les dérives potentielles du score de productivité. Jeffrey Snover, l’un des cadres de Microsoft, a publiquement réagi sur Twitter pour le remercier et reconnaître que l’entreprise avait fait une erreur. Entretemps, d’autres voix s’étaient aussi élevées pour critiquer le fonctionnement de ce score.
S’il n’est pas question de renoncer au score de productivité en tant quel — « un outil qui aide les organisations à mesurer et à gérer l’adoption de Microsoft 365 » selon la firme de Redmond –, deux ajustements sont faits.
Microsoft corrige le tir en gommant toute identification
D’une part, il n’est plus possible d’avoir une vue sur les statistiques d’une personne en particulier. L’agrégation des données se fera à l’avenir au niveau de l’organisation dans laquelle elle se trouve. « Personne au sein de l’organisation ne pourra utiliser le score de productivité pour accéder aux données sur la façon dont un utilisateur individuel utilise les applications et les services de Microsoft 365 », écrit le groupe.
La possibilité d’avoir des statistiques nominatives existait notamment lors de la preview du service, pour une période de 28 jours. « Nous supprimons entièrement cette fonctionnalité. », insiste la compagnie. Les noms d’utilisateurs ne seront plus utilisables de la sorte. La vue générale au niveau de l’entreprise demeure donc, pour « mesurer clairement l’adoption des principales fonctionnalités ».
« Le score de productivité ne peut pas être utilisé pour suivre des employés »
D’autre part, des ajustements en termes d’interface sont annoncés. Il s’agit surtout de dire (et de rappeler) que ce score est une mesure de l’adoption de la technologie par telle ou telle organisation, et non un moyen de suivre le comportement individuel des utilisateurs. La mise à jour de l’interface doit rendre cette réalité plus explicite, en gommant tout risque de confusion sur le rôle de cette fonctionnalité.
« Nous allons rendre cela plus clair dans l’interface utilisateur et améliorer la divulgation de nos données personnelles dans le produit afin que les administrateurs informatiques sachent exactement ce que nous faisons, ou pas, et ce que nous monitorons, ou pas », commente la société. Là encore, Microsoft assure que le score de productivité n’a jamais été pensé pour autre chose.
À l’origine de toute cette affaire, Wolfie Christl a réagi favorablement à ces annonces, les jugeant « significatives ». Pour l’intéressé, toutefois, ce sujet « n’est que la partie visible de l’iceberg », car, a-t-il poursuivi, « Microsoft fournit des données d’utilisation pour un grand nombre de ses produits d’entreprise d’une manière qui peut être exploitée pour le suivi des employés, ou qui est conçue à cette fin ».
« La collecte et l’utilisation des données personnelles sur le lieu de travail méritent de façon générale un examen et une attention beaucoup plus approfondis. Il ne s’agit pas seulement de vie privée, mais aussi d’asymétries de pouvoir », a-t-il fait valoir, en rappelant au passage que Microsoft fait des choix de design logiciel qui peuvent modifier la situation de millions de personnes dans le monde.
Ces critiques, Microsoft semble les entendre. En tout cas, Jeffery Snover a interpellé le « lanceur d’alerte » pour poursuivre la discussion en privé. De son côté, Microsoft a mis en avant son engagement en faveur de la vie privée et de la confidentialité. La société a admis qu’il lui arrive d’échouer, mais assure vouloir trouver, à l’heure du télétravail généralisé, un équilibre, quitte à faire d’éventuels ajustements.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.