Alors que la course à la puissance informatique a de plus en plus des airs de tête-à-tête entre la Chine et les USA (sur les 500 supercalculateurs les plus performants au monde, 226 sont chinois et 114 sont américains, soit plus des deux tiers), l’Europe s’efforce de ne pas se laisser distancer. Mais pour rester dans la course du calcul haute performance, il va lui falloir dépenser des milliards d’euros.
C’est tout l’enjeu d’un premier accord conclu entre le Parlement européen et le Conseil, le 14 décembre. Dans le cadre du « programme pour une Europe numérique », qui doit baliser le financement de plusieurs domaines entre 2021 et 2027, les deux parties proposent de débloquer 2,2 milliards d’euros pour accroître les capacités européennes dans le secteur des supercalculateurs.
Outre le calcul haute performance, le programme envisagé par les parlementaires et les États membres de l’UE inclut une enveloppe de 2 milliards d’euros pour des projets dans l’intelligence artificielle et 1,6 milliard d’euros dans la cybersécurité. La prochaine étape de ce plan sera la Commission ITRE (industrie, de la recherche et de l’énergie) du Parlement européen, qui doit dire s’il l’approuve ou non.
Pour le Parlement européen, cet effort servira d’accélérateur pour déployer de nouvelles machines très véloces et « augmentera l’accessibilité et l’utilisation » du calcul à haute performance dans les domaines de la santé publique (santé, environnement, sécurité et industrie), y compris du côté des petites et moyennes entreprises, qui n’ont pas les moyens de s’équiper avec ce type de matériel.
Le plan de relance européen mobilisé
La Commission européenne voit aussi dans le calcul haute performance un enjeu très stratégique. Mi-septembre, elle a annoncé son intention de mobiliser 8 milliards d’euros de son plan de relance pour financer la construction de superordinateurs européens de prochaine génération — c’est-à-dire des machines capables d’exécuter chaque seconde au moins un milliard de milliards de calculs.
Cette classe de supercalculateur est appelée « exaflopique ». Le rang en-dessous est dit « pétaflopique », avec un million de milliards de calculs à la seconde. Entre les deux, il y a le rang pré-exaflopique, avec 100 millions de milliards de calculs par seconde. Elles sont très rares. On en compte quatre dans le monde : une japonaise, Fugaku, deux américaines, Summit et Sierra, et une chinoise, Sunway TaihuLight.
Ces 8 milliards d’euros proposés par Bruxelles couvrent la période 2021-2033 et ne vont pas se limiter à la fabrication, la maintenance et la mise à jour des engins. Ils doivent aussi irriguer d’autres dossiers semblables, incluant la conception de logiciels et d’algorithmes optimisés, l’accès élargi à l’industrie et aux scientifiques, la fourniture de services dans le cloud ou encore la recherche dans l’informatique quantique.
La mobilisation financière européenne sur le calcul haute performance traduit la prise de conscience dans l’Union de l’enjeu stratégique qu’est le domaine des supercalculateurs. En effet, en se dotant de ses propres plateformes de travail, Bruxelles évite de devoir recourir à des solutions étrangères pour traiter des données industrielles, scientifiques, sanitaires ou économiques.
La précédente Commission européenne a d’ailleurs appuyé la mise en place de l’initiative EuroHPC, un partenariat public-privé sur la stratégie dans les supercalculateurs. En juin 2019, la liste des villes qui accueilleront huit futurs superordinateurs européens a été annoncée et trois d’entre eux ont vocation à passer le cap exaflopique, a priori à partir de 2023.
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