La question s’était déjà posée du temps de StopCovid. Faut-il rendre obligatoire l’usage de l’application de traçage des contacts ou, du moins, inventer des avantages pour forcer son adoption ? En mai, un député de la majorité avait par exemple proposé que l’on donne plus de libertés aux personnes l’utilisant. Et en septembre, une rumeur a avancé que StopCovid pourrait donner un accès prioritaire aux soins (ce qui s’est avéré faux).
Deux mois plus tard, voilà que ce débat, qui semblait pourtant réglé politiquement et juridiquement, réapparait. Et cette fois, ce n’est plus de StopCovid dont il question, mais de TousAntiCovid. À nouveau, c’est un parlementaire de La République en marche, Guillaume Vuilletet, accessoirement vice-président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, qui en est à l’origine.
Dans une question écrite adressée à Cédric O, en charge du numérique au sein du gouvernement, il demande « comment et par quels moyens il entend systématiser, à terme, l’utilisation de l’application TousAntiCovid par les Français ». En effet, l’élu juge que cette application « peut constituer un précédent en matière d’information et de prévention en matière de santé qu’il pourrait être opportun de développer à l’avenir. »
TousAntiCovid doit disparaître à terme
Parue le 1er décembre, la question parlementaire a obtenu une réponse quinze jours plus tard du ministère de la Transition numérique et communications électroniques. Elle décevra le député. Il n’est ni question de la rendre obligatoire, ni de la pérenniser, ni d’y attacher des avantages quelconques pour forcer la main aux Françaises et aux Français afin d’accélérer son adoption.
Au contraire, elle doit disparaître « à la fin de l’épidémie », souligne le ministère. Il s’agit d’une obligation légale, fixée dans un texte législatif sur lequel TousAntiCovid s’appuie pour exister, texte qui a été approuvé par la représentation nationale, et un critère clé pour obtenir le feu vert de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui a d’ailleurs validé le dispositif malgré des doutes sur son efficacité.
En somme, ajoute le gouvernement, TousAntiCovid « reste basé sur le seul volontariat » et son utilisation « ne pourrait en aucun cas être rendue obligatoire » ni liée à des conséquences positives ou négatives. Enfin, TousAntiCovid « aura une durée de vie limitée, et n’a pas vocation à se pérenniser ». Seule inconnue : la date de fin de l’épidémie, qui va de toute évidence largement se prolonger en 2021.
Le caractère obligatoire de TousAntiCovid a été rejeté, car cela aurait requis de lourds aménagements législatifs pour insérer cette contrainte dans le droit. Quant à l’idée de la proposer sur la base du volontariat, mais en favorisant celles et ceux y adhérant (ou en défavorisant les réfractaires), cela aurait faussé la sincérité du consentement, qui est un élément crucial dès que des données personnelles sont en jeu.
Cela dit, les services de Cédric O ont saisi l’occasion pour souligner les mérites de l’outil, qui est un « outil complémentaire » dans la lutte contre l’épidémie, un « geste barrière supplémentaire », même si on efficacité sur le plan sanitaire demeure discuté — ce que le rapport d’information du parlement n’a pas manqué de pointer, en déclarant que « l’inutilité sanitaire [de StopCovid] aura été manifeste ».
Cette lecture n’est pas partagée au sein du ministère., Il estime au contraire que l’outil « apporte une aide précieuse dans la gestion de l’épidémie en participant à l’identification des personnes-contacts », en fournissant « une aide concrète et non négligeable pour les services de l’assurance maladie chargés de prévenir les personnes-contacts ». Le conseil scientifique dédié au coronavirus est sur la même ligne.
Le public « fortement » invité à utiliser TousAntiCovid à Noël
« Depuis le début de la deuxième vague épidémique, l’application a démontré qu’elle fonctionne et permet à son utilisateur d’être notifié le plus vite possible d’une possible contamination, y compris par une personne que l’on ne connait pas. Elle permet aussi à ceux testés positifs de prévenir aussi vite que possible les personnes ayant été en contact avec eux qu’elles pourraient avoir été contaminées», lit-on dans son avis du 12 décembre.
Ce que ce commentaire recouvre dans l’esprit du conseil scientifique n’est pas clair. S’il s’agit de dire que l’application marche, délivre des informations et relaie des alertes sur des cas contacts possibles, on peut dire qu’elle fonctionne. Mais est-ce que sa présence dans la gestion épidémique fonctionne ? C’est une autre paire de manches que de le savoir : on n’a aucune visibilité sur le nombre de notifications qui ont servi.
Quoiqu’il en soit, l’existence TousAntiCovid est probablement préférable à son absence, tout comme un masque mal porté a de plus grandes chances d’apporter un bénéfice que pas de masque du tout. Or à l’approche des fêtes, sans doute ne peut-on pas se permettre de se payer le luxe de faire la fine bouche sur cette mesure, aussi bancale soit-elle, alors que le risque d’une troisième vague, générée à cause de Noël, menace.
C’est sans doute pour cela, à l’heure où les personnes ont désormais de nouveau la possibilité de passer d’une région à l’autre, et où les festivités favorisent un brassage de la population et les rassemblements, que le conseil scientifique « recommande fortement l’utilisation de l’application TousAntiCovid ». En clair, mieux vaut l’utiliser maintenant, au cas où. Il sera toujours temps d’en faire le bilan après.
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