L’histoire s’est subitement accélérée, en cette fin de semaine de janvier 2021. Après les évènements survenus à Washington, où des partisans pro-Trump ont envahi le Capitole, épisode lors duquel des bureaux ont été saccagés et des ordinateurs possiblement compromis (le PC portable de Nancy Pelosi a été dérobé),et dont le bilan humain fait état de cinq morts plusieurs dizaines de blessés, les grandes plateformes ont décidé de passer à l’action, en neutralisant la présence en ligne de Donald Trump.
De Snapchat à Instagram, en passant par TikTok, Twitch, Shopify et Reddit, des comptes ont été fermés ou verrouillés, provisoirement ou indéfiniment. Facebook, qui avait décrit une situation d’urgence après le 6 janvier, a annoncé une suspension pour au moins deux semaines. Mais le coup le plus symbolique est venu de Twitter, en suspendant de façon permanente le compte personnel du président sortant, lui faisant perdre des 88 millions d’abonnés le 9 janvier.
Google suspend Parler, Apple lui laisse 24 heures
Donald Trump ayant perdu ses mégaphones numériques, se réfugiera-t-il sur Parler, le « Twitter » de la droite dure américaine où la modération est aux abonnés absents ? Rien n’est moins sûr : ce réseau social est aussi sur la sellette. Il a été rapporté par la presse américaine que les deux principaux magasins d’applications, Google Play pour Android et l’App Store pour iOS, sont en train de serrer fortement la vis, avec à la clé la possibilité de bannir le logiciel.
Selon une information de BuzzFeed, Apple, qui contrôle l’App Store, a donné un ultimatum à Parler pour qu’il mette en place un plan de modération complet sur sa plateforme dans les prochaines 24 heures, sous peine d’être expulsé de la boutique. La publication du site américain, qui reproduit au passage le mail envoyé par la firme de Cupertino aux gérants de Parler, date du 8 janvier. L’application est pour l’instant toujours référencée sur le site de l’App Store.
De son côté, Google est allé plus loin, rapporte le Wall Street Journal. Le géant du net a pris la décision de suspendre temporairement Parler de Google Play, en raison d’infractions à ses règles sur les contenus violents, avec des appels et des incitations de la part d’inscrits sur le réseau social. « Compte tenu de cette menace continue et urgente pour la sécurité publique, nous suspendons les inscriptions de l’application sur Google Play jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus », justifie le groupe.
Créée en 2018, Parler a engrangé de nombreux nouveaux membres en 2020, au point de devenir l’application « d’actualité » la plus téléchargée aux États-Unis. Et pour cause : il y est défendu une totale liberté d’expression, l’absence d’une quelconque modération, ce qui a non seulement séduit des conservateurs, mais aussi des partisans de Trump encore plus radicaux, où se déversent de nombreux contenus haineux. D’ailleurs, ces réseaux sociaux profitent aussi du durcissement de la modération de Facebook ou Twitter
Interrogé sur l’éventuelle bascule de Donald Trump sur Parler, pour y retrouver sa base, David Kaye, un professeur de droit et ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’
Certes, « il perdra la capacité d’influencer la conversation générale », a-t-il observé. « Mais quand vous parlez de diriger une insurrection, alors vous n’avez besoin de parler qu’à votre base »., celle qui se trouve sur Parler Alex Stamos a toutefois admis plus tôt sur Twitter que Facebook et Twitter ont eu raison de faire taire Trump, suggérant que les débats légitimes sur la liberté d’expression n’ont de sens que si la démocratie existe — or, l’État de droit a semblé vacillé aux USA début janvier.
Selon le compte Twitter de la campagne Sleeping Giants (« Les Géants endormis »), qui se focalise dans la lutte contre les propos haineux en ligne, « les appels à la violence sur Parler se font de plus en plus pressants », écrivait-il le 8 janvier. « Il y a maintenant des appels ouverts pour le meurtre de policiers et la planification de la violence le 20 janvier », date à laquelle aura lieu la passation de pouvoir — sans Donald Trump, qui a décidé de boycotter la cérémonie.
Le 7 janvier, le New York Times publiait un podcast intitulé « Si vous étiez sur Parler, vous avez vu la foule arriver » — c’est même à travers ce réseau social que certains émeutiers se sont organisés. Dans celui-ci, il est rappelé que John Matze, fondateur et patron de Parler, juge que ce n’est pas son rôle de faire la police de l’expression publique. Il reste à voir si cela sera toujours le cas face au risque de ne plus avoir accès à Google Play ou l’App Store.
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