Il y a eu un temps pour l’élection et l’expression démocratique. Il y en a eu un autre pour la contestation et les vérifications. Maintenant, il est temps de passer à autre chose. Telle semble être la conclusion à laquelle est parvenu Facebook, puisque le réseau social vient de présenter ses plans le 11 janvier 2021 en prévision de la passation de pouvoir entre les deux administrations américaines, le 20 janvier prochain.
Parmi les différentes actions que le site communautaire entend prendre pour que les choses se passent pour le mieux — ou plutôt le moins pire possible, compte tenu des derniers évènements outre-Atlantique –, une mesure en particulier fera beaucoup parler d’elle : en effet, le site prévoit de censurer l’expression « Stop The Steal », qui est devenu un cri de ralliement des partisans de Donald Trump.
« Nous prenons des mesures supplémentaires et utilisons les mêmes équipes et technologies que celles utilisées lors de l’élection pour mettre fin à la désinformation et aux contenus qui pourraient inciter à de nouvelles violences au cours des prochaines semaines », écrivent Guy Rosen et Monika Bickert, deux hauts cadres du site. Cela inclut la suppression de toute mention sur Stop The Steal.
Dans les faits, Facebook ne cherche pas tant à empêcher les internautes à discuter de l’élection présidentielle du 4 novembre, de son issue et de ses conséquences que de mettre un terme à la désinformation autour du scrutin, qui s’avère très prégnant chez les internautes employant justement cette expression. C’est du moins à ce constat qu’est parvenu le réseau social.
« Nous avons permis de solides conversations sur le résultat des élections et cela va continuer », assurent ainsi les deux responsables. Mais dans la mesure où il y a toujours des tentatives de contester sérieusement les résultats électoraux, malgré l’absence évidente de preuves et de suites judiciaires permettant d’accréditer cette hypothèse, le site change de fusil d’épaule.
Craintes de nouvelles violences
Surtout, ce sont les perspectives de violence associées à cette contestation infondée qui ont conduit le site à bouger. Le site a en tête les scènes du 6 janvier à Washington, où une foule désordonnée s’est attaquée au Capitole, siège du pouvoir législatif, alors que la certification de l’élection américaine avait lieu, pour que soit maintenu coûte que coût au pouvoir leur champion, Donald Trump.
Dans la mesure où il y a une « utilisation de ce terme [Stop The Steal, NDLR] par celles et ceux qui sont impliqués dans les violences de mercredi à Washington, nous franchissons cette étape supplémentaire dans la perspective de l’inauguration », déclare la direction du réseau social. Lors des évènements dans la capitale américaine, cinq personnes ont perdu la vie, dont un policier, et des dizaines de blessés ont été recensés.
Dans une note interne du FBI que la presse s’est procurée, la police fédérale américaine anticipe des « manifestations armées » qui pourraient avoir lieu devant la totalité des capitoles des États fédérés ainsi que dans la capitale le jour de l’investiture de Joe Biden. Facebook ne dit pas s’il a vu de son côté des signaux faibles sur sa plateforme laissant entendre une mobilisation et un armement des protestataires.
« Nous supprimons maintenant les contenus contenant l’expression Stop The Steal », annonce le site américain, aussi bien pour sa plateforme que pour sa filiale Instagram, au nom de sa politique contre les préjudices coordonnés. L’entreprise rappelle que ce n’est pas la première fois qu’elle intervient dans la sphère Stop The Steal : quelques jours après l’élection, elle annonçait la fermeture de certaines pages.
D’après Facebook, sa nouvelle politique de modération est en cours de déploiement. Sa mise en place sur l’ensemble du service pourrait prendre un peu de temps. « Il faudra peut-être un certain temps pour appliquer cette nouvelle mesure, mais nous avons déjà effacé un nombre important de publications », déclarent les deux responsables. Aucun calendrier ni aucune statistique n’accompagnent ces propos.
Au regard de la taille colossale de Facebook, ce processus de suppression n’est sans doute pas manuel, mais automatisé. De fait, cela veut dire que l’approche choisie par le site fait que la modération va ratisser large et sans nuance. Des publications sur Stop The Steal mais qui tiendraient un discours différent sont susceptibles de passer à la trappe. En clair, il y aura des dommages collatéraux.
Le site communautaire considère sans doute que cette décision et plusieurs autres (dont la poursuite de la suspension de toutes les publicités politiques ou électorales aux USA, pour toutes les personnalités politiques, y compris Donald Trump) sont un moindre mal au regard de l’aperçu du déchainement de violence qu’il y a eu le 6 janvier et qui pourrait revenir d’ici le 20 janvier, de façon beaucoup plus brutale.
Le 7 janvier d’ailleurs, Facebook annonçait bloquer « indéfiniment » le compte officiel de Donald Trump, au moins pour quinze jours, c’est-à-dire jusqu’à l’Inauguration Day du 20 janvier. Il apparaît aujourd’hui que le réseau social ne compte pas lui rendre son profil le 21 janvier. La numéro 2 de Facebook, Sheryl Sandberg, a déclaré le 11 janvier que la sanction ne sera pas levée.
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