Il y a désormais treize pays dans l’Union européenne qui font communiquer entre elles les applications de traçage des contacts pour remonter la chaîne des contaminations au coronavirus. La France, elle, reste seule.

C’est une carte qui, forcément, interpelle. La Commission européenne a donné le 14 février des nouvelles de l’interopérabilité entre les applications servant au traçage des contacts, pour lutter contre la pandémie de coronavirus. La bonne nouvelle, de ce point de vue, c’est qu’il y a de plus en plus d’applications nationales qui fonctionnent entre elles. La mauvaise, c’est que la France n’en fait pas partie.

Tracing apps Europe

La France fait bande à part sur les applications de contact tracing. // Source : Commission européenne

L’isolement de l’Hexagone sur ce dossier n’est certes pas nouveau. Il a été chroniqué tout au long de l’année 2020. Ce choix de faire cavalier seul a été motivé, explique Paris, par des raisons de souveraineté — en effet, les autres nations passent par la solution mise au point par Google et Apple. Mais des raisons techniques expliquent aussi cette division en Europe, et empêchent visiblement toute interconnexion.

L’application française TousAntiCovid repose en effet sur une architecture centralisée, là où les autres ont opté pour une approche décentralisée. Pendant un temps, le Royaume-Uni était sur la même ligne, avant d’y renoncer au profit de la décentralisation (l’application britannique n’est toutefois pas compatible avec les autres apps européennes, du fait du choix de Londres de quitter l’Union).

Le traçage des contacts, ou contact tracing, vise quand il se déroule sur le smartphone à permettre à des personnes d’être prévenues si elles sont des cas contacts d’une personne malade. Pour cela, la liaison Bluetooth sert pour voir si des personnes étaient à proximité et longtemps. Dans ce cas, les applications échangent des identifiants pour servir à s’alerter mutuellement, si un cas positif est repéré.

L’efficacité sanitaire du contact tracing via smartphone est toutefois discutée, car il existe de nombreux paramètres qui contrarient son utilité : il faut que l’application soit répandue, ce qui implique d’avoir un smartphone — et tout le monde n’en a pas. En outre, l’application doit être active, la liaison Bluetooth ne pas défaillir et la personne testée positive doit aussi penser à se signaler via l’application.

Un isolement croissant sur le contact tracing

L’isolement de la France, s’il n’est donc pas nouveau, est en revanche croissant : le 14 février, Bruxelles a annoncé que c’était au tour de l’application slovène de traçage des contacts de fonctionner aussi en-dehors de ses frontières, par exemple en Allemagne, en Espagne ou en Italie, là où les autorités ont fait le choix technique identique, ce qui permet aux applications de dialoguer entre elles.

C’est ce qu’explique Bruxelles : « Ce service fonctionne selon un système décentralisé où les calculs [pour déterminer si une personne a été en contact avec une personne testée positive au coronavirus, NDLR] se font dans l’application de l’utilisateur. Ce système a été adopté par la majorité des États membres. [Cela] permet à ces applications d’être utilisées au-delà des frontières ».

L’enrôlement récent de la Slovénie fait qu’il y a déjà 13 pays européens embarqués dans l’interopérabilité du contact tracing, soit la moitié des États membres. Les autres pays sont l’Espagne, l’Italie, l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark, l’Autriche, la Croatie, la Pologne, la Finlande et la Lettonie. Cette tendance devrait en outre se poursuivre à terme.

Exemple de contact tracing // Source : Numerama/Julien Cadot

Exemple de contact tracing

Source : Numerama/Julien Cadot

La Commission européenne signale que cinq autres pays ont aussi une application de contact tracing décentralisée (le Portugal, Chypre, la République tchèque, l’Estonie et la Lituanie), ce qui ouvre la perspective à un interfaçage plus important encore. Quant aux pays non cités, le rapport au contact tracing est variable : certains ont prévu une application, ou la développent déjà, mais d’autres n’en ont pas l’intention.

Toute la question est de savoir si un jour il sera possible de pouvoir surmonter les choix différents de la France d’une part et d’une majorité de pays européens d’autre part, afin que les Français et les Françaises utilisant TousAntiCovid, qui sont aujourd’hui plusieurs millions, puissent aussi échanger des identifiants avec les Européens et Européennes, à des fins de lutte sanitaire.

La Commission évoque que « des solutions sont en cours d’analyse pour inclure les systèmes centralisés (où les calculs ont lieu sur un serveur sécurisé de l’autorité sanitaire nationale) », mais force est de constater que l’obstacle reste infranchissable. Et cela fait des mois que ça dure : TousAntiCovid a été lancé, rappelons-le, le 2 juin, et Bruxelles dès le mois de mai plaidait pour l’interopérabilité.

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