Elon Musk pourra-t-il finalement déployer en France son service commercial d’Internet par satellite ? Alors que la filiale de SpaceX, Starlink, a obtenu au mois de février le droit d’utiliser des fréquences sur le territoire national, des élus de La France Insoumise ne l’entendent pas de cette oreille. Profitant de l’actualité législative, ils lancent une action pour tenter de suspendre Starlink dans l’Hexagone.
C’est en effet au détour de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets que les dix-sept membres de La France Insoumise à l’Assemblée nationale, soit la totalité du groupe parlementaire, ont déposé un amendement le 3 mars 2021 pour imposer un moratoire aux ambitions de Starlink en France. Celui-ci durerait au moins un an.
Pendant cette période, il serait organisé en parallèle une consultation nationale dans tout le pays, afin d’évaluer le sentiment de la population sur ce projet d’offre Internet par satellite. La condition de son lancement dépendra de l’approbation des Français et des Françaises. En cas de refus, Starlink devrait alors en principe faire une croix sur le marché hexagonal.
À l’appui de leur demande, les députés LFI avancent plusieurs arguments en défaveur de la méga-constellation imaginée par Starlink — à long terme, il est en effet question de peupler l’orbite terrestre basse avec des dizaines de milliers de satellites. Il y en a déjà plus de mille en activité, à quelques centaines de kilomètres d’altitude. Début mars, il y en a encore eu soixante de déployés dans l’espace.
Trois arguments sont avancés contre Starlink
Ainsi, les parlementaires pointent le problème de la pollution lumineuse, dans la mesure où ces satellites évoluent très bas et peuvent donc être aperçus relativement aisément, en particulier lorsqu’ils passent à travers les rayons du Soleil (Starlink est toutefois conscient du problème et équipe ses satellites d’un pare-soleil censé éviter, ou en tout cas réduire les reflets lumineux).
Cette pollution lumineuse, ajoutent-ils, participe à « remise en cause du droit à l’obscurité ». Ce sujet n’est pas spécifique aux satellites : depuis plusieurs années, un débat existe sur le trop fort éclairage urbain la nuit. Celui-ci empêche de profiter d’une voûte céleste étoilée et peut aussi nuire aux animaux, dans la mesure où certaines espèces se servent des étoiles pour s’orienter, comme les passereaux.
Autre désagrément qui commence à être bien documenté, Starlink et l’astronomie. Il y a déjà un certain nombre de témoignages et d’exemples montrant que le passage de tous ces satellites se voit sur des prises de vue. Là aussi l’entrepreneur américain Elon Musk, qui a fondé SpaceX, a promis de travailler sur des solutions techniques pour ne pas gêner la recherche scientifique et la pratique de l’astronomie.
Le dernier argument est celui du risque accru de collision. À force de charger l’orbite basse (et si on se focalise sur SpaceX, il y a d’autres acteurs qui souhaitent se lancer, à l’image d’Amazon et du projet Kuiper), la probabilité d’une collision entre deux satellites augmente. D’ailleurs, Starlink a failli être impliqué dans un choc avec un satellite européen, à cause d’un bug. Et c’est le satellite européen qui a dû manœuvrer.
« L’utilisation privée et lucrative de l’espace, res nullus dans la tradition républicaine, tout comme les grands choix technologiques ne doivent pas faire l’économie d’un débat large, éclairé et partagé. C’est ce que propose cet amendement avec un moratoire afin de permettre un débat serein et d’éviter l’argument souvent utilisé du fait accompli », commentent les députés.
Reste une réalité : même si l’amendement appelant à un moratoire est adopté, et que la population s’oppose à Starlink, empêchant de fait l’entreprise américaine de se lancer en France, cela ne changera probablement rien : le service d’offre par Internet de Starlink n’existera pas en France, certes, mais cela ne fera pas disparaître pour autant les satellites, qui évoluent très loin, au-delà de l’espace aérien.
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