Qu’est-ce que l’indice de réparabilité ?
L’indice de réparabilité est un barème constitué d’une note sur 10 et d’un code couleur pour indiquer si le produit est réparable et, si oui, quel est le degré de difficulté de l’intervention. Le public peut ainsi faire de cet indicateur un critère de choix d’achat, au même titre que la qualité de l’écran, le design de l’appareil ou la présence de telle ou telle fonctionnalité.
Cet indice de réparabilité doit être visible, en l’apposant à côté du prix, sur la fiche produit et l’emballage. Il n’est pas possible de faire n’importe quoi avec l’indice de réparabilité : il faut respecter son habillage visuel et son code couleur. En ce qui concerne l’évaluation des appareils, elle est laissée aux fabricants, mais ceux-ci sont soumis à un référentiel commun, fixé par l’État.
L’idée est d’indiquer au public qu’un smartphone peut avoir une seconde vie, en le réparant, soit tout seul (une pratique pas si anecdotique, en témoigne le succès d’un site comme iFixit), soit en s’adressant à un professionnel, ou bien en contactant le fabricant. Dans ces deux derniers cas, l’indice de réparabilité n’a pas d’intérêt cela dit, car c’est un tiers qui assure l’intervention
D’où vient l’indice de réparabilité ?
D’abord par une loi. C’est l‘article 16-I de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 de lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, pour les produits électriques et électroniques qui institue l’affichage d’un indice de réparabilité. Cependant, il n’a pas été instauré le jour de l’entrée en vigueur de la loi : il a fallu attendre le 1er janvier 2021, avec la prise d’un décret fin décembre.
Mais avant la loi, il y avait un cap politique, matérialisé par la feuille de route pour une économie circulaire d’avril 2018. À la dixième mesure, il était visé un affichage obligatoire d’une « information simple » sur la réparabilité des équipements électriques et électroniques (électroménagers, matériels de bricolage). Au début, cet affichage obligatoire devait survenir le 1er janvier 2020.
« Cette information, élaborée sur la base d’un référentiel développé par [l’Agence pour la transition énergétique] en concertation avec les parties prenantes, prendrait la forme d’un indice de réparabilité sur le modèle de l’étiquette énergie. La France portera cette mesure au niveau européen pour faire de cette information sur la réparabilité des produits une obligation communautaire harmonisée », était-il ajouté.
Autour de cette dixième mesure, la feuille de route sur l’économie circulaire intégrait aussi d’autres propositions périphériques, comme le renforcement sur les obligations des fabricants et des distributeurs en matière d’information sur la disponibilité (neuvième mesure) ou la consolidation de l’offre des acteurs du réemploi et de la réparation (huitième mesure).
Cet objectif de 2020 avait été rappelé à l’été 2018 par Brune Poirson, la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, au moment où la Fnac lançait alors son propre indice de réparabilité pour les ordinateurs portables, sur 100 points. Elle précisait qu’un groupe de travail, installé depuis juin, lui remettrait ses conclusions sur les contours à donner à cet indicateur.
Quels produits sont concernés par l’indice de réparabilité ?
Cinq catégories de produits ont été sélectionnées pour accompagner les débuts de l’indice de réparabilité. On trouve les lave-linge à hublot, les ordinateurs portables, les smartphones, les téléviseurs et les tondeuses à gazon électriques. À plus long terme, il est prévu d’allonger cette liste à des appareils et des équipements plus variés, exactement comme le Nutri-Score.
Ce dispositif renseigne la qualité nutritive des produits alimentaires selon une grille d’évaluation. Évidemment, il n’est pas du tout obligatoire de s’en servir. Le fait est que ce barème agit subtilement, en orientant l’acte d’achat. Cela pousse l’industrie à prendre le pli, par la pression du marché. La loi accélère cette évolution avec l’indice de réparabilité, en rendant l’affichage obligatoire.
Quels sont les critères de l’indice de réparabilité ?
Dans le cas des smartphones, il existe cinq grands critères qui sont communs pour tous les modèles, afin qu’ils partagent le même référentiel. Ces catégories pour l’indice de réparabilité sont :
- La documentation ;
- La démontabilité, l’accès, les outils et les fixations ;
- La disponibilité des pièces détachées ;
- Le prix des pièces détachées ;
- L’information sur la nature des mises à jour, l’assistance à distance sans frais et la possibilité de réinitialisation logicielle.
Il y a ensuite pour chaque critère des sous-critères qui sont établis et, pour chacun, la manière dont les points sont distribués et les éléments qui sont pris en compte. Par exemple, pour le critère 2, trois sous-critères sont retenus pour l’indice de réparabilité :
- la facilité de démontage des pièces (batterie, écran, caméra dorsale, caméra frontale), qui est calculée selon le nombre de gestes à effectuer (entre 1 et 5, 6 à 10, 11 à 15, plus de 16, ou si le composant est non démontable ou non accessible) ;
- les outils nécessaires à la manipulation (Faut-il des outils propriétaires ? Spécifiques ? Communs ? Peut-on y arriver sans ?) ;
- les caractéristiques des fixations (amovibles et réutilisables, amovibles, mais non réutilisables, ni amovible ni réutilisable).
Le critère 3 regroupe deux sous-critères : l’engagement du producteur au sujet de la durée de disponibilité des pièces détachées (moins de quatre ans, cinq ans, six ans ou sept ans et plus) et le délai de livraison desdites pièces : celles-ci sont-elles livrées en plus de onze jours après la commande ? Entre six et dix jours ? Quatre ou cinq ? Ou bien entre un et trois ?
Le critère 1 ne contient qu’un sous-critère : l’engagement du fabricant sur la durée du support gratuit. Mais pas moins de 15 éléments sont passés en revue pour l’indice de réparabilité, dont le schéma de démontage (ou vue éclatée), le schéma de câblage et de raccordement, les codes d’erreurs et de diagnostic, les conseils d’utilisation et d’entretien ou les instructions logicielles.
Comment est calculé l’indice de réparabilité ?
Avec la multitude de sous-critères et de critères, mais aussi au regard de la variété des éléments passés en revue par l’indice de réparabilité, le système prévoit qu’un constructeur peut en théorie atteindre au maximum 782 points. Mais il n’est pas question de finir avec une notation sur 782. Aussi un mécanisme a-t-il été imaginé pour ramener tout score sur 782 dans une note sur 10.
La règle de calcul est la suivante : « chaque sous-critère de l’indice est noté sur dix et affecté d’un coefficient permettant d’aboutir à une note sur 20 par critère […]. L’addition, à pondération égale, des notes de chaque critère aboutit à un total sur cent, ramené à une note sur dix de l’indice ». Cette règle pour l’indice de réparabilité est générale à tous les appareils électroniques.
Mais il y a aussi des règles spécifiques de calcul selon telle ou telle catégorie.
Pour faire simple, l’indice fait fi des décimales. Des règles d’arrondis sont appliquées : si le chiffre après la première décimale est inférieur à 5, la note est arrondie à la décimale inférieure (5,3 donne 5). Au-dessus, l’arrondi est à la décimale supérieure (7,7 donne 8). À noter toutefois que les virgules sont prises en compte pour les besoins du code couleur (mais c’est transparent pour le public).
Pour le critère 1, sur la documentation, le nombre total de points accessibles est de 182. On calcule ce maximum (182) par les points gagnés par tel ou tel modèle de téléphone, puis on multiplie le résultat par 10. Si un produit obtient ici 112 points, on divise 112 par 182, puis on multiplie par 10 et on arrondit. On obtient 6/10 dans cet exemple.
Cela ne s’arrête pas là : un coefficient est appliqué par sous-critère (celui-ci change selon l’importance que l’on veut donner aux rubriques) pour donner lieu à une note sur 20. Toutes les notes d’une même catégorie sont ensuite regroupées, pour avoir une note sur 20. On répète cela cinq fois, car il y a cinq catégories. Cela donne enfin une note sur 100, que l’on divise par 10 pour avoir le score final.
Qui a dit que l’indice de réparabilité était une une à gaz ?
Quel avenir pour l’indice de réparabilité ?
Après une phase initiale sur cinq catégories de produits, l’indice de réparabilité doit se répandre sur d’autres équipements électriques et électroniques. Cet élargissement se fera sur plusieurs années. En parallèle, des ajustements pourraient aussi avoir lieu sur les critères et les sous-critères, mais aussi sur leur poids dans la note finale, selon le retour d’expérience.
Par exemple, une révision de la notation permettrait de contrebalancer des remontées de note trop spectaculaires. Le Monde a remarqué que Samsung a pu faire progresser fortement la note du Galaxy S21 par rapport au modèle précédent, en rédigeant un manuel de réparation pour sa clientèle. Elle est ainsi passée de 5,7/10 à 8,2/10 grâce à cette notice détaillée.
Outre la généralisation de l’indice de réparabilité, celui-ci est rendu obligatoire depuis le 1er janvier 2022. Un défaut d’étiquetage peut entraîner des sanctions pour les entreprises fautives. Les fabricants ont commencé à prendre le pli, avec la présentation du score, y compris sur leur site web français. C’est le cas par exemple d’Apple France.
Il est question de faire évoluer le périmètre de l’indice de réparabilité ainsi que son intitulé : la loi prévoit de le changer en 2024 en un indice de durabilité. De nouveaux critères vont arriver, comme la robustesse et la fiabilité. Ces ajouts entraineront la réévaluation du système de notation. Des produits pourraient voir les notes monter ou descendre à ce moment-là.
Quels objectifs de l’indice de réparabilité ?
Le gouvernement souhaite à travers cette mesure un taux de réparation des produits électriques et électroniques de 60 % à horizon 2025. L’exécutif estime que l’indice de réparabilité est aussi d’une information utile pour le public, pour mieux éclairer ses choix et répondre aux enjeux environnementaux.
L’exécutif y voit aussi un cercle vertueux en poussant l’industrie, à travers une transparence de ces informations et une mise en concurrence par les notes, à « s’impliquer davantage dans une production responsable de meilleure écoconception ». En clair, la pression du marché pourrait contraindre les fabricants à rendre plus durables les produits qu’ils produisent.
L’indice de réparabilité pourrait avoir une incidence sur le cycle de renouvellement d’un produit. Dans le cas d’un smartphone, celui-ci est remplacé au bout de deux, trois ou quatre ans. Or, la production d’un produit électrique ou électronique n’est pas sans incidence sur l’environnement : il faut des terres rares, qu’il faut extraire dans la nature.
L’industrie du smartphone n’incite pas à la mesure, avec chaque année la sortie du modèle d’après, ce qui favorise un consumérisme effréné. Or, y a-t-il besoin d’un nouveau smartphone quand on peut réparer celui que l’on a déjà, ou lui redonner un coup de jeune, avec un remplacement de batterie, d’une pièce défectueuse ou d’un écran fissuré après une chute ?
Cela permet ainsi de donner une seconde jeunesse à un produit, sans occasionner des dépenses folles.
Ces dispositions gravitent aussi autour de l’obsolescence programmée, concept qui fait débat. En 2015, une loi a été adoptée qui fixe des sanctions contre les sociétés qui y ont recours L’obsolescence programmée est un « ensemble des techniques par lesquelles [une société] vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. »
Côté sanctions, il est prévu deux ans de prison et 30 000 euros d’amende — montant susceptible de passer à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, basé sur les trois derniers exercices connus au moment des faits, proportionnellement aux avantages tirés du manquement. L’interdiction de l’obsolescence programmée figure dans le Code de la consommation, à l’article L. 441-2.
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