Le coup est parti des publicitaires français, mais il a pour l’instant manqué sa cible. Dans une décision rendue ce mercredi 17 mars, l’Autorité de la concurrence a en effet déclaré qu’il n’est pas nécessaire de prendre des mesures immédiates à l’encontre des outils anti-pistage d’Apple. L’accusation d’abus de position dominante, qui avait été avancée pour s’y opposer, n’a pas été constatée lors de l’instruction.
Apple s’est déclarée satisfaite de la décision de l’Autorité de la concurrence. Elle y voit dans son avis la reconnaissance « que la transparence du suivi des applications dans iOS 14 est dans le meilleur intérêt des utilisateurs iOS français ». Elle se déclare par ailleurs prête et disponible à échanger sur « cette question essentielle de la vie privée des utilisateurs et de la concurrence ».
Néanmoins, tout n’est pas réglé pour la firme de Cupertino, puisque les investigations se poursuivent. L’Autorité de la concurrence cherche notamment à s’assurer qu’elle ne s’est pas placée dans une position plus avantageuse que le reste de l’écosystème, avec des règles différenciées et adoucies — ce que l’instance décrit comme le « self preferencing », qui défavorise la concurrence.
Un secteur publicitaire vent debout contre iOS 14
Rappel des faits. En octobre, une coalition d’annonceurs (Interactive Advertising Bureau France (IAB France), Mobile Marketing Association France (MMA France), Union Des Entreprises de Conseil et Achat Media (UDECAM), et Syndicat des Régies Internet (SRI) ont saisi l’Autorité de la concurrence pour contrer les projets publicitaires d’Apple avec iOS 14.
L’entreprise américaine a en effet conçu un dispositif qui fait apparaître une fenêtre, lors du lancement d’une application, pour solliciter le consentement explicite de l’individu pour être pisté sur le net. Cela vérifie s’il est d’accord que l’on suive ses activités en ligne, ou s’il s’y oppose pour préserver la confidentialité de ses sessions de navigation et, donc, limiter la collecte de données à des fins publicitaires.
Plus précisément, le nœud du problème concerne l’accès à un identifiant aléatoire, l’IDFA (« IDentifier For Advertisers »), qui est attribué à chaque appareil vendu par Apple. iOS 14 inclut un changement : son accès au profit des publicitaires est lié au consentement explicite individuel. Or, c’est avec l’IDFA qu’il est possible de faire de la publicité ciblée, même sans savoir qui est derrière chaque IDFA.
Du point de vue des annonceurs, la crainte est d’assister à un refus généralisé du public à ce suivi, qui entraînerait alors un recul de leur business. Depuis des mois, le secteur tire la sonnette d’alarme, jusqu’à adresser une lettre ouverte à Tim Cook, le PDG d’Apple. Même Facebook est intervenu, officiellement pour défendre le web gratuit et les commerces, mais aussi parce qu’il n’est plus à son avantage dans iOS 14.
Initialement, les outils anti-pistage imaginés par Apple devaient entrer en vigueur en 2020. Mais en septembre, le groupe a convenu de reporter leur déploiement à 2021, après avoir considéré que le préavis laissé au départ à l’écosystème pour s’adapter à cette nouvelle donne était trop juste. Apple a toutefois rappelé alors qu’il ne s’agissait pas d’une reculade, malgré les critiques, cette fois venues des défenseurs de la vie privée.
Ses outils vont apporter « un bénéfice important en matière de protection de la vie privée des utilisateurs en obligeant les développeurs à demander la permission des utilisateurs avant de partager leurs données avec d’autres entreprises à des fins publicitaires, ou avec des courtiers en données », ajoute d’ailleurs Apple. Il s’agit, en somme de donner plus de contrôler aux usagers.
Mais pour les annonceurs, ce mécanisme (ATT, pour App Tracking Transparency) apparait comme superflu, puisque les publicitaires procèdent déjà par ailleurs au recueil du consentement individuel dans chaque application concernée, comme l’exige d’ailleurs le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Cela leur ajoute de fait des obligations supplémentaires excessives.
L’Autorité de la concurrence n’a pas suivi cette lecture. Elle estime, du moins au regard des éléments déjà examinés, que les projets d’Apple « relèvent de l’exercice légitime de sa stratégie commerciale en matière de protection des données personnelles ». Maintenant va s’ouvrir un autre volet, celui sur le « self preferencing ». Une autre balle est donc en vol. Reste à savoir si elle atteindra cette fois Apple.
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