Le 19 mars, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Mais derrière sa dénomination en apparence anodine se cachent aussi des dispositions qui ne visent pas qu’à « faciliter l’accès aux pratiques physiques et sportives pour tous les Français, et notamment ceux qui en sont aujourd’hui les plus éloignés », selon l’exposé des motifs.
L’autrice du texte, la députée Céline Calvez, membre de La République en marche (LREM), a aussi prévu un volet spécifique concernant le piratage des retransmissions sportives. Un volet qui a été jugé satisfaisant puisqu’il n’a été que retouché à la marge lors de son examen en commission et en séance — certaines pistes audacieuses, comme renforcer la diffusion de matchs en clair, ont été repoussées.
Que contient donc ce volet, dont l’intitulé évoque la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives ?
Alerter la justice sans délai
En premier lieu, il étend la faculté d’alerter le tribunal à diverses entités quand « ont été constatées des atteintes graves et répétées » à l’encontre d’une manifestation ou d’une compétition sportive. Ces entités peuvent être le titulaire de ce droit, une ligue sportive professionnelle ou bien une entreprise de communication audiovisuelle — comme une chaîne de télévision.
Dans ce cas, la future loi prévoit que le président du tribunal judiciaire, une fois saisi, peut prononcer « toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ». En clair, aux opérateurs, à travers des moyens de blocage, ou bien de certains services en ligne, comme Google, pour dé-référencer des sites web.
La mesure vise les sites « dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation » de matchs ou d’évènements sportifs et qui occasionnent une « atteinte grave et irrémédiable » aux droits de diffusion et aux parties les ayant acquis ou les monnayant. La mesure n’est pas très différente de celle prévue pour empêcher l’accès à des œuvres culturelles piratées.
Blocage, déréférencement, retrait et sites miroirs
Justement, l’article 10 précise aussi quels leviers le président du tribunal judiciaire peut actionner pour mettre fin à ce piratage. Cela inclut le blocage de sites web, leur retrait ou leur déréférencement, de façon à empêcher qu’ils soient accessibles depuis le territoire français. Ces mesures ne doivent pas excéder une durée d’un an, mais incluent aussi la possibilité de viser d’autres sites qui auraient été manqués.
En effet, le texte évoque les sites identifiés au moment du jugement, mais aussi ceux qui n’ont pas été repérés avant, soit parce qu’ils sont passés sous les radars des ayants droit, soit parce qu’ils sont nés après — par exemple, des sites miroirs utilisant une autre adresse web. Et pour cela, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) est mise dans la boucle.
Ainsi, « pour la mise en œuvre des mesures ordonnées à l’encontre des services de communication au public en ligne qui n’avaient pas été identifiés à la date de l’ordonnance », la proposition de loi donne la capacité à la Hadopi de concevoir « des modèles d’accord » que toutes les parties prenantes sont invitées à adopter : chaînes de télévision, les ligues professionnelles, les ayants droit, les opérateurs, etc.
« L’accord détermine les conditions d’information réciproque des parties sur d’éventuelles violations de l’exclusivité du droit d’exploitation audiovisuelle de la manifestation ou de la compétition sportive », lit-on, mais aussi « les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour les faire cesser et l’intervention, si nécessaire, de la Hadopi pour constater l’existence de telles violations et la répartition du coût de ces mesures ».
Des agents de la Hadopi sur le terrain (virtuel)
La Hadopi joue le rôle d’interface entre les ayants droit, qui lui envoient les « informations utiles à la caractérisation de l’atteinte aux droits », et les intermédiaires techniques, qui réceptionnent les « données d’identification nécessaires ». Autrement dit, quels sont les sites manifestement illégaux dont il faut entraver l’accès, selon le calendrier du championnat de la compétition piratée.
Dernière mesure pensée contre le piratage, la mobilisation d’agents de la Hadopi pour qu’ils constatent eux-mêmes des atteintes aux droits, notamment après une demande d’une chaîne de télévision, d’une ligue professionnelle ou d’un ayant droit. Ces agents, qui seront habilités et assermentés, auront le droit de s’insérer dans l’écosystème du piratage « sans en être tenus pénalement responsables ».
Ils pourront intervenir à quatre niveaux :
- Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles d’avoir un lien avec le piratage de matchs,
- Télécharger ou visionner les compétitions en cause,
- Extraire, acquérir ou conserver des éléments de preuve sur ces services, aux fins de leur caractérisation,
- Acquérir et étudier les matériels et logiciels qui facilitent le piratage des matchs.
La loi prévoit que ces agents consignent leurs observations, leurs activités et les données recueillies dans un procès-verbal. Ils peuvent en outre transmettre aux ayants droit et aux parties concernées les « faits qu’ils ont constatés et leur communiquer tout document utile à la défense de leurs droits ». Une limite, dans le texte : ces agents ne doivent pas inciter autrui à commettre une infraction. En clair, à pirater.
La proposition de loi doit désormais être examinée au Sénat.
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