Les tensions sino-américaines sur les nouvelles technologies continuent de croître. La dernière crispation en date est survenue le 8 avril, lorsque le département américain du commerce a annoncé l’ajout sur liste noire de sept entités chinoises accusées d’être « impliquées dans la construction de superordinateurs utilisés par les militaires chinois, dans ses efforts de modernisation militaire déstabilisante et/ou dans ses programmes d’armes de destruction massive ».
Les sept entités ciblées sont les suivantes :
- Tianjin Phytium Information Technology,
- Shanghai High-Performance Integrated Circuit Design Center,
- Sunway Microelectronics,
- National Supercomputing Center Jinan,
- National Supercomputing Center Shenzhen,
- National Supercomputing Center Wuxi,
- National Supercomputing Center Zhengzhou.
Des superordinateurs à usage militaire
Sous ce régime, ces entreprises se voient largement empêchées d’accéder à des produits et des technologies dont l’export est réglementé. Dans les grandes lignes, les entreprises américaines ne sont pas autorisées à exporter ou transférer vers ces sociétés sans avoir en main une licence spéciale, octroyée par les autorités. Compte tenu du contexte, le refus est la règle, plutôt que l’exception.
Les outils que cible l’administration américaine sont ceux impliqués dans la conception assistée par ordinateur pour l’électronique (CAO électronique, ou EDA — electronic design automation), rapporte Tom’s Hardware. On les retrouve dans l’élaboration et la fabrication de systèmes électroniques, dont les circuits imprimés et les circuits intégrés. Nombre des grands groupes dans la CAO électronique sont américains.
La CAO électronique sert aussi au développement des superordinateurs, qui sont des installations de pointe capables d’exécuter des milliards de milliards de calculs chaque seconde. Il s’avère que la Chine est très active sur ce terrain : selon des statistiques de novembre 2020, elle compte 214 installations, contre 113 pour les États-Unis. Deux sont dans le top 10, contre quatre pour les USA.
« Les capacités de calcul des superordinateurs sont essentielles pour le développement de nombreuses — peut-être presque toutes — armes modernes », déclare Gina M. Raimondo, la secrétaire d’État en charge du commerce, qui évoque les armes nucléaires ou encore les armes hypersoniques, c’est-à-dire des armes pouvant se déplacer à plus de 6 000 km/h, soit au-delà de Mach 5.
Ces développements inquiètent hautement Washington, car ils constituent une remise en cause de l’équilibre des forces en Asie-Pacifique, qui est à l’avantage des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les USA ont entamé depuis 2009 un pivot vers cette région du monde pour contenir la Chine, et sont aussi lancés dans la conception d’armes hypersoniques.
Sur Twitter, Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine et chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, rappelle à cette occasion la forte intégration civilo-militaire en Chine et le rôle involontaire que peuvent jouer des entreprises étrangères dans la modernisation des capacités militaires du pays. Modernisation qui, au final, se fait au détriment des intérêts des pays de ces entreprises.
Frapper la Chine là où ça fait mal
Les États-Unis jouissent aujourd’hui d’une avance technologique dans l’industrie des semi-conducteurs. C’est cette carte, associée avec son influence géopolitique, que les USA sont en train de jouer contre la Chine, pour limiter son développement dans ce secteur. En juillet, Antoine Bondaz relevait que Pékin sait « depuis des décennies que sa dépendance aux technologies étrangères est une vulnérabilité qu’il lui faut résoudre ».
Cette faiblesse s’illustre façon éloquente par le fait que le pays importe plus, en valeur, de semi-conducteurs que de pétrole. Comme le relevait alors le journaliste aux Échos Frédéric Schaeffer, en partageant un graphique des douanes américaines, cet écart ne s’est pas démenti depuis 2015 — et même avant, les importations étaient élevées. De fait, les USA ont bien cerné le point faible de la Chine.
Et dans ce domaine, Washington ne se contente pas d’exiger de ses entreprises qu’elles se cessent de faire certaines affaires avec la Chine. Elle pèse aussi sur ses alliés. On l’a vu avec la 5G et Huawei. Et du côté des semi-conducteurs, Le Monde a rapporté l’été dernier que l’administration d’alors, sous l’ère Trump, a poussé les Pays-Bas à empêcher l’une de ses sociétés, ASML, de commercer avec une société chinoise.
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