6 499 €, c’est le prix plancher d’un Mac Pro d’Apple. Ses roues coûtent 500 €. Le Pro Display XDR, dans la même gamme, coûte 5 499 €. Son pied coût 1 099 €. Des tarifs qui, lorsque Apple les a révélés, ont fait bondir à raison le grand public, qui est la cible principale des produits commercialisés par l’entreprise de Tim Cook. Mais un détail aurait dû pourtant venir immédiatement à l’esprit : Pro. Car dans un univers professionnel, où chaque minute gagnée et où des paramètres allant du confort de l’employé aux normes standardisées de toute une industrie comptent beaucoup, le prix des appareils est moins un sujet.
Alors il est vrai qu’Apple s’est peut-être pris à son propre jeu : un iPad Pro n’est pas un outil professionnel — c’est simplement la meilleure des tablettes tactiles de la marque, qui conviendra aussi bien à un particulier. Suivant cette logique, un iPhone 12 Pro est encore moins pro : il s’agit de l’iPhone avec les caractéristiques techniques les plus à la pointe. Et on pourrait même pousser la réflexion jusqu’au MacBook Pro : c’est un outil qui conviendra à la grande majorité des professionnels, mais qui, à 1 499 €, peut aussi être un produit grand public haut de gamme.
C’est donc le prix des machines qui, chez Apple, donne une indication sur le public ciblé — et entraîne des choix techniques différents, de la RAM totale configurable aux cartes d’extensions modulaires, en passant par des processeurs surpuissants ou des écrans adaptés au travail pour la télé et le cinéma.
Un Mac Pro n’est très probablement pas fait pour vous. Un Pro Display XDR non plus. Mais alors, à qui s’adressent vraiment ces composants ?
Où le Mac Pro brille-t-il ?
Le 23 décembre 2019, Lunar Animation, studio de création 3D, a été l’une de ces entreprises qui a montré un intérêt précoce pour le Mac Pro et son écran associé. Un an plus tard à peu près, le studio anglais publie un long billet, sorte de retour sur expérience d’une année avec ce matériel très haut de gamme — avec, en prime, des réflexions sur une crise sanitaire qui a fait rentrer la plupart des designers à la maison. Afin de comprendre ce qui importe quand on choisit d’acquérir un matériel qui semble inaccessible pour beaucoup, nous avons rencontré James Rodgers, fondateur et directeur créatif du studio.
Pour bien se rendre compte du profil d’entreprise qu’est Lunar Animation, il faut comprendre les projets sur lesquels elle travaille. La plupart du temps, il s’agit de faire de l’animation en 3D, pour la publicité, la télévision ou le cinéma. Autant d’univers qui ont leurs codes, leurs formats et leurs exigences bien précises, et chaque employé est amené à travailler dans des cadres précis sur une dizaine de logiciels. Le moindre export d’un fichier vidéo est, la plupart du temps, assuré par des fermes de serveur qui sont bien plus efficaces que le plus puissant des ordinateurs individuels.
Les dernières créations de Lunar Animation pour Disney+ permettent de se rendre compte du niveau de détail des animations créées :
La première vidéo est particulièrement frappante, comme l’explique le studio Roger, qui a dirigé la création : la ville qui est rendue en 3D dans la courte scène fourmille de détails et de références empruntés aux univers Disney. Chaque centimètre à l’écran est une scène en soi, chaque scène a des objets dynamiques (humains, ballons, voitures, etc.) qui sont autant de polygones qui qui doivent répondre à de nombreux jeux de lumière et d’ombres, tout en se déplaçant. Un export d’un fichier vidéo simple à partir d’un projet de 50 Go sur un Mac M1 grand public pourtant bluffant nous a pris une dizaine de minutes. On vous laisse imaginer les heures nécessaires pour exporter ces pixels animés, même sur 30 secondes.
C’est précisément ce que nous raconte d’emblée James Rodgers : pour un studio comme le sien, la rapidité d’exécution compte. On la voit à deux niveaux, poursuit le directeur créatif : « à l’export, mais aussi et surtout pendant le travail des designers ». Et c’est là où la puissance brute d’un Mac Pro est essentielle : il permet, contrairement aux iMac Pro qu’ils remplacent, de travailler sur plusieurs logiciels de 3D, liés entre eux, en même temps. Pour se donner une idée d’un tel travail et des ressources qu’il demande pour gérer en temps réel autant de polygones, Lunar Animation a publié une autre vidéo :
Dès lors, pour James Rodgers « le coût d’une machine n’est pas vraiment une question », car la plus grande valeur de l’entreprise, et aussi la plus grande dépense, ce sont les personnes qui travaillent dessus. « La pire situation pour moi, ce serait de faire perdre du temps à mes designers », nous confie-t-il.
La puissance du bureau à la maison
Un constat qui, il le reconnaît, s’est accentué avec le télétravail dû au covid : à la maison, ses employés ont besoin de machines puissantes et autonomes, parce que dans le cas contraire, leur productivité repose sur leur connexion à Internet utilisée pour envoyer les fichiers au studio afin qu’ils soient rendus par des machines sur place. Et comme chacun l’a découvert depuis 2020 et le télétravail forcé, la connexion à Internet est la chose sur laquelle un employé en télétravail ou un employeur a le moins de levier.
« L’un de mes motion designers a amené l’un de nos Mac Pro chez lui », raconte James Rodgers, dans le but d’avoir une machine suffisamment puissante pour lui permettre de travailler efficacement sans passer par la case studio. « On a l’impression de travailler sur plusieurs ordinateurs avec un Mac Pro », commente-t-il, rappelant une situation vécue avant la sortie de la machine, où un autre de ses employés lui avait demandé un deuxième iMac Pro afin de pouvoir continuer à travailler quand le premier se mettait à ramer à cause d’une opération trop exigeante en ressources. En termes de conception, les deux ordinateurs n’ont effectivement rien à voir : tout Pro soit-il, l’iMac, au format All-in-One, n’a pas du tout les mêmes performances en pratique
Faire plus sur un seul objet, c’est aussi bien imagé par l’utilisation par Lunar Studio dans ce contexte d’un écran 5K (celui de l’iMac Pro) par rapport à un écran 6K (le Pro Display XDR), le tout devant répondre à des normes colorimétriques strictes. On voit que le designer est capable d’afficher sur l’écran un nouveau module de prévisualisation, économisant un aller-retour sur plusieurs fenêtres. Ou un bureau multipliant les écrans.
Il est donc assez clair que le sujet de la pertinence des gammes d’ordinateurs professionnels d’Apple n’en est un que pour celles et ceux qui ne les utilisent pas. Ou, pour le dire autrement, les professionnels qui savent qu’ils sont besoin d’un Mac Pro connaissent parfaitement leurs besoins et la polyvalence de l’outil. Et pour cause : ces gammes pourraient presque ne pas figurer au catalogue grand public, tant elles ne sont pas adaptées à ses usages, ses besoins et ses problématiques. Mais dans un monde où un To de RAM est un chiffre qui ne paraît pas surfait (Lunar se limite à 384 Go…), le surpuissant Mac Pro a parfaitement trouvé sa place comme machine de référence, qui fait tout à la fois gagner du temps, du confort et de l’espace.
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