Marine Le Pen et Gilbert Collard s’en tirent à bon compte. Le tribunal de Nanterre vient de relaxer les deux membres du Rassemblement national, ce mardi 4 mai 2021, dans le cadre des publications sur Twitter de photos montrant les exactions de l’organisation État islamique. L’affaire remontait au 16 décembre 2015, quelques semaines après les attentats du 13 novembre en Île-de-France.
Rappel des faits. Tout est parti d’un entretien accordé par Gilles Kepel, politologue et sociologue spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain, sur RMC et BFM TV le 16 décembre 2015. Face à Jean-Jacques Bourdin, l’intéressé établit un parallèle entre l’État islamique et le Rassemblement national, provoquant le courroux de sa patronne, Marine Le Pen, qui avait riposté sur Twitter peu après.
Sur le réseau social, Marine Le Pen avait alors lancé trois tweets montrant des exécutions mises en scène par Daesh, en accompagnant à chaque fois la photographie d’un message visant à rappeler que « Daesh, c’est ça », afin de souligner la différence fondamentale entre sa formation politique et cette organisation terroriste. Surtout, les photos étaient publiées sans aucun floutage ou masquage.
À ce moment-là, Marine Le Pen n’avait pas été la seule à monter au créneau. Gilbert Collard avait lui aussi, le même jour, publié sur son compte Twitter une photo de l’État islamique montrant un cadavre d’homme, le visage et le crâne en lambeaux. L’intéressé avait ajouté un commentaire : « Bourdin compare le FN à Daesh: le poids des mots et le choc des bobos! ». Gilbert Collard l’avait aussi publiée sur Facebook.
À la suite de ces publications, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, avait fait savoir, toujours le 16 décembre 2015, son intention de faire un signalement à la plateforme PHAROS, qui est missionnée pour traiter les contenus illicites sur le net. Le patron de la place Beauvau souhaitait que soient données à cette affaire « toutes les suites qui doivent l’être » — y compris, en creux, une condamnation.
Il s’avère que ni Marine Le Pen ni Gilbert Collard n’auront été inquiétés immédiatement par la justice, du fait de leur statut de parlementaire leur donnant une immunité judiciaire. À ce moment-là, Gilbert Collard était député du Gard, entre 2012 et 2020, tandis que Marine Le Pen était députée européenne entre 2004 et 2017, avant d’être députée du Pas-de-Calais à partir de 2017.
Sauf que cette protection a été levée en septembre 2017 pour Gilbert Collard puis deux mois plus tard pour Marine Le Pen par le bureau de l’Assemblée nationale, la plus haute autorité collégiale de la chambre basse du parlement français. Les mises en examen pour « diffusion d’images violentes » sont arrivées ensuite, en janvier 2018 pour Gilbert Collard et en mars 2018 pour Marine Le Pen.
Plusieurs articles de loi du Code pénal pouvaient éventuellement servir à sanctionner les deux personnalités du Rassemblement national. C’est toutefois un article précis qui a été sollicité, le 227-24 du Code pénal. Celui-ci sanctionne d’une peine de trois ans de prison et d’une amende de 75 000 euros la diffusion de messages à caractère violent quand ils sont susceptibles d’être vus par un mineur.
5 000 euros d’amende demandés
Comme le relevait la journaliste Charlotte Piret, qui rendait compte sur Twitter du procès du 10 février, ce sont ces dispositions particulières du Code pénal concernant les mineurs qui ont été sollicitées, puisque Twitter est fréquenté par bon nombre de personnes n’ayant pas encore atteint la majorité. Cela avait été rappelé par la présidente du tribunal ainsi que le procureur lors de l’audience.
« Madame Le Pen et monsieur Collard avaient parfaitement le droit de diffuser ces images. Ce n’est pas là le problème », avait développé le procureur, en début d’année, avant de réclamer 5 000 euros d’amende pour chacun des prévenus, soit bien moins que ce que prévoit au maximum la loi. « Le problème c’est de s’assurer avant la diffusion qu’aucun mineur n’est susceptible de voir ce message. »
Ils « ont tous deux admis qu’ils n’avaient pas fait diligence pour éviter qu’un mineur ne voie ces messages. Madame Le Pen a même ajouté que c’était impossible à faire sur Twitter, rejetant ainsi la responsabilité sur Twitter », avait-il ajouté. Pour leur défense, les avocats des deux prévenus avaient argué qu’il était impossible de s’acquitter de cette tâche, faute d’option capable d’empêcher l’accès aux mineurs.
Devant le tribunal, Marine Le Pen s’était également plainte d’un « procès politique » intenté à son encontre, puisqu’il y avait eu un premier signalement dès le 16 décembre 2015 de la part de Bernard Cazeneuve, avant la mise en branle du parquet avec sa mise en examen. Elle avait également brandi la liberté d’expression pour défendre son droit à la diffusion de ces clichés, aussi brutaux soient-ils.
À la suite du verdict rendu par le tribunal de Nanterre, qui a estimé que la riposte des deux prévenus était « cohérente » à la critique polémique émise par Gilles Kepel, Gilbert Collard a laissé exprimer sa satisfaction sur Twitter, écrivant le 4 mai : « Affaire des tweets : relaxe ! Que la Justice est grande quand elle est indépendante ! ». Au moment où cet article est publié, le 4 mai, Marine Le Pen, elle, n’a pas encore pris la parole publiquement.
Par ailleurs, rapporte l’AFP, les magistrats ont aussi considéré que ces différents tweets ne représentaient « aucun caractère prosélyte dès lors que les images étaient accompagnées des commentaires ». Ce faisant, ni Marine Le Pen ni Gilbert Collard n’ont « banalisé » ou « présenté sous un jour favorable la violence », y compris en l’exposant de façon très crue, observe le tribunal dans ses conclusions.
Il est à noter que Twitter laisse toujours ces photos en ligne, du moins deux photos sur trois pour Marine Le Pen ainsi que celle partagée par Gilbert Collard. D’ordinaire, les contenus choquants, violents ou relatifs au terrorisme sont interdits et peuvent déboucher sur des mesures prises par le réseau social. Cependant, l’entreprise américaine prévoit certaines exceptions.
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