Révélée en mars, l’idée de décliner Instagram dans une version pour les jeunes enfants rencontre une hostilité croissante. Cette fois, c’est au niveau des procureurs généraux d’États américains que le coup est parti. Dans une lettre ouverte rendue publique le 10 mai, pas moins de quarante-quatre responsables interpellent Mark Zuckerberg pour l’enjoindre à renoncer à ce projet.
Les arguments qu’ils avancent pour dissuader le réseau social de se lancer dans cette voie font écho à ceux déjà lus il y a quelques semaines quand une coalition d’experts et d’organisations a pris la parole pour demander au milliardaire américain de ne pas cibler les mineurs. Mais la lettre ouverte signée par les procureurs américains n’hésite pas au passage à rudoyer aussi la plateforme.
« Facebook a la réputation de ne pas protéger la sécurité et la vie privée des enfants sur sa plateforme, malgré les affirmations selon lesquelles ses produits disposent de contrôles stricts de la vie privée », lâche la missive. Elle mentionne un incident survenu en 2019 avec un autre projet du groupe, Messenger Kids, comme preuve des errements de la société dans ce domaine, et divers soucis liés à Instagram.
Facebook est accusé de vouloir créer un besoin
Les procureurs, qui sont issus d’États démocrates et républicains, vont jusqu’à suggérer que Facebook ne cherche pas tant à répondre à un besoin qu’à en créer un. Leur argument est que les enfants qui désirent rejoindre Instagram, n’hésitent pas à mentir sur leur âge pour le faire à l’heure actuelle. Instagram for Kids tiendrait donc plus, selon eux, d’un outil de conquête des mineurs qui se tiennent jusqu’à présent à l’écart de ce réseau social.
En principe, il est interdit de s’inscrire sur les réseaux sociaux si l’on a moins de 13 ans — y compris, donc, sur Instagram. En effet, la loi américaine dite COPPA (Children’s Online Privacy Protection Act) interdit depuis 1998 la collecte de données ou le ciblage d’individus qui se trouvent sous cette tranche d’âge. Il est toutefois possible de lancer un réseau social qui s’adresse à eux, si l’on se conforme à COPPA.
Le fait est qu’il n’est pas rare que des enfants inventent une date de naissance imaginaire pour s’inscrire malgré tout. Instagram a certes déployé des outils pour essayer de mieux repérer les resquilleurs, et de protéger plus généralement les enfants entre 13 et 18 ans, mais le site suggère qu’une meilleure approche, moins faillible, serait d’avoir un Instagram Kids, à part, dans un environnement plus cloisonné et contrôlé.
L’argument n’a pas fait mouche auprès des procureurs, qui égrainent au contraire toutes sortes de conséquences néfastes pour l’estime de soi et le développement des plus jeunes : « l’utilisation des médias sociaux peut être préjudiciable à la santé et au bien-être des enfants, qui ne sont pas équipés pour relever les défis liés à la possession d’un compte de médias sociaux. »
Parmi les problématiques citées dans le courrier apparaissent la dépression, les idées suicidaires ou encore les canons de beauté factices qui imposent une certaine image du corps idéal pouvant engendrer des troubles alimentaires auprès de celles et ceux voulant s’y conformer. Le cyberharcèlement entre mineurs et les prédateurs sexuels sont aussi évoqués.
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