C’est donc à partir du 20 mai 2021 que le Sénat commencera à examiner en séance le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Ce texte vise à ajuster la lutte contre le piratage sur Internet, en ciblant les nouvelles habitudes — qui sont en fait déjà en place depuis un petit moment — des internautes, avec le streaming et le téléchargement direct.
Il s’avère toutefois que le travail parlementaire sur ce texte a déjà débuté en commission de la culture, de l’éducation et de la communication, depuis le début du mois de mai. De nombreux amendements ont été passés en revue. Parmi eux figure la proposition d’une transaction pénale. Approuvée par les sénateurs, elle a été déposée par le rapporteur du texte, Jean-Raymond Hugonet, des Républicains.
Une amende plutôt que le tribunal
De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une amende que l’abonné à Internet accusé de se livrer à du téléchargement illicite règlerait, afin de ne pas passer par la case tribunal. C’est un dispositif qui existe et est encadré dans le droit français, et qui est utilisé de temps à autre. En début d’année par exemple, Google s’est acquitté d’une transaction pénale de 1,1 million d’euros, après accord du procureur de la République de Paris.
Évidemment, pas question d’appliquer un tel montant à l’internaute lambda. Il est plutôt question d’une sanction maximum de 350 euros pour un individu et de 1 050 euros pour une personne morale. « Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de l’auteur des faits », lit-on dans l’exposé des motifs, afin de laisser de la souplesse au dispositif.
Cette proposition n’est pas neuve. Elle figure dans un rapport rédigé en 2018 par Aurore Bergé, députée Yvelines et membre de La République en marche, sur l’avenir de la Hadopi et le piratage des œuvres sur Internet. Ces amendes administratives étaient évoquées même bien plus tôt que cela, par exemple en 2013. L’idée était revenue à plusieurs reprises, dans divers rapports, sans être jamais concrétisée.
Cette piste n’avait pas les faveurs du précédent ministre de la Culture, Franck Riester, qui a été dans une autre vie le rapporteur du projet de loi Hadopi. « On ne veut pas avoir un dispositif qui renforcerait des sanctions sur les internautes », expliquait-il en mars 2020. Depuis, il a été remplacé par Roselyne Bachelot. Les sénateurs de droite ont toutefois imposé quand même cette transaction en commission.
Les organisations professionnelles du monde de la culture, elles, y sont au contraire plutôt favorables. En février 2020, elles signalaient dans une tribune que cette voie constitue « une sanction simple, après deux rappels à la loi, pour réaffirmer que le piratage est un vol que le pays de l’exception culturelle ne peut tolérer plus longtemps ». Parmi les signataires figurent la Sacem, la SACD, l’Alpa, la Scam et l’ARP.
Une disposition à l’avenir incertain
Dans son exposé des motifs, le rapporteur du texte avance trois arguments en faveur de cette approche :
- cela « met un terme au sentiment d’impunité des internautes pirates » qui, selon lui, « peuvent actuellement commettre leur forfait sans jamais encourir la moindre sanction ». Il juge que si la loi a raison de se focaliser sur les sites pirates, il faut « responsabiliser » quand même les internautes ;
- cela « renforce et complète la réponse graduée », même si le montant qui sera retenu ne sera pas forcément très élevé –et demeure plafonné. Cette sanction « constitue une ultime étape dont la vocation est moins de s’appliquer que de crédibiliser l’approche pédagogique », écrit-il.
- cela offre une voie de sortie pour régler une affaire sans engorger les tribunaux. En effet, si la transaction pénale est acceptée, l’action publique s’éteint mécaniquement. Cela dit, rien n’interdit aux ayants droit d’agir quand même devant les tribunaux pour obtenir des dommages et intérêts.
Le manque d’entrain du ministère pour cette idée laisse penser qu’elle ne survivra peut-être pas à l’examen parlementaire. Techniquement, une amende pénale peut déjà être prononcée pour une affaire de piratage, d’un montant de 1 500 euros, mais ce levier est actionné de façon aléatoire. En outre, dans la quasi-totalité des cas connus, les peines prononcées ne dépassent pas quelques centaines d’euros.
Cette sanction est prononcée par le tribunal en cas de « négligence caractérisée », c’est-à-dire si une série de critères sont réunis, notamment le « manque de diligence » dans la mise en place (ou l’absence totale) d’un moyen de sécurisation visant à empêcher que sa connexion serve à pirater des contenus protégés par le droit d’auteur. Ainsi, l’abonné est responsable des autres internautes utilisant sa ligne.
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