À sa conférence I/O destinée aux développeurs, Google a donné des nouvelles du plus ambitieux de ses projets. D’ici 2029, le géant de la tech espère avoir créé un ordinateur quantique capable « d’effectuer des calculs à grande échelle et sans erreur », à la fois pour le monde scientifique et pour celui des entreprises. Un ordinateur « utile », qui servirait à débloquer des problèmes critiques des secteurs de l’environnement, la médecine, l’IA ou encore l’agriculture. Pour rappel, l’informatique quantique ne vise ni à améliorer ni à remplacer l’informatique traditionnelle. Un ordinateur quantique sera capable d’effectuer des types de calculs hors de portée des ordinateurs classiques, et inversement. Bref, les deux seront complémentaires.
C’est la première date précise que Google formule pour ce projet. Le groupe, tout comme ses concurrents (IBM, Honeywell, Microsoft, Rigetti…), prévoyait déjà depuis quelques années un avènement de l’ordinateur quantique à l’horizon 2030. La date vient simplement confirmer une ambition déjà formulée par le passé.
Pour parvenir à son objectif, Google a prévu d’investir plusieurs milliards de dollars –sans en donner le détail –, d’après le Wall Street Journal. En exemple de ces investissements, la conférence I/O était l’occasion d’annoncer l’inauguration d’un nouveau centre de recherche dédié à l’informatique quantique. Des « centaines » de scientifiques devraient travailler dans ce nouveau laboratoire californien dans les années à venir. « Nous avons maintenant tous les éléments importants en main, et nous sommes confiants. Nous savons comment nous allons pouvoir suivre cette feuille de route », a assuré Hartmut Neven, le scientifique à la tête du programme d’IA quantique de Google.
Google va devoir faire d’immenses progrès
Google a déjà un ordinateur quantique, sur lequel il travaille depuis près de 20 ans, et qui sert de base à son projet. De loin, il prend la forme d’un cube de la « taille de trois réfrigérateurs », alimenté par de nombreux câbles. Ce cube est en réalité un cryostat, qui maintient une température proche du zéro absolu (environ -273°C), nécessaire pour stabiliser le phénomène quantique que tente d’obtenir Google. À l’intérieur se trouve une puce, nommée Sycamore, dont le rôle est de faire interagir 54 qubits physiques entre eux. Sans entrer dans le détail, le qubit désigne à la fois le phénomène physique nécessaire aux calculs de l’ordinateur quantique, et une de ses unités de puissance.
Cet ordinateur actuel est tout juste un prototype du projet final. Google va devoir beaucoup, beaucoup l’améliorer s’il veut atteindre ses objectifs :
- De la puce, au cryostat, tous les composants de l’ordinateur quantique sont encore à un stade de développement primitif. Aujourd’hui, les scientifiques essaient de construire des ordinateurs quantiques selon différentes méthodes d’ingénierie : IBM et Google utilisent la même, mais Microsoft, ou le Centre à l’énergie Atomique (CEA) par exemple, ont d’autres approches. Chaque méthode vient avec ses avantages (stabilités des qubits, facilité de passage à l’échelle…) et désavantages (température, taux d’erreurs, coûts…). L’enjeu pour Google est d’abord de montrer que sa méthode d’ingénierie est l’équivalent du transistor dans l’informatique classique, c’est-à-dire la technologie de référence.
- L’entreprise estime que pour faire des calculs ambitieux, sa machine devra avoir plus d’1 million de qubits, soit 18 000 fois plus qu’aujourd’hui.
- Non seulement l’ordinateur devra avoir plus de qubits, mais en plus ces qubits devront être plus stables qu’aujourd’hui, c’est-à-dire qu’ils devront maintenir leur état quantique plus longtemps. Côté matériel, cela signifie toutes sortes d’améliorations dans les composants autour de la puce, afin de créer des conditions optimales.
L’ordinateur quantique n’arrivera pas chez vous
Quand Google parle de « commercialiser » son ordinateur quantique, n’imaginez pas avoir un nouveau boitier chez vous pour vos fichiers Excels ou vos jeux vidéo. Les ordinateurs quantiques seront accessibles sur le cloud, à la manière des superordinateurs aujourd’hui. Entreprises et laboratoires paieront pour du temps de calcul, à distance. D’ailleurs IBM propose déjà d’acheter du temps de calcul sur ses ordinateurs quantiques, et Google a donné de premiers accès au sien.
En 2019, Google avait déjà projeté le sujet de l’ordinateur quantique sur la scène médiatique en annonçant qu’il avait atteint la suprématie quantique. Plus exactement, les chercheurs expliquaient qu’ils avaient effectué un calcul irréalisable même sur le plus puissant des ordinateurs traditionnels — dans le sens où théoriquement, ce calcul aurait pris plusieurs milliers d’années. Cette expérience n’avait pas d’application directe, mais elle servait à prouver la capacité des ordinateurs quantiques à aller au-delà des limites de l’informatique actuelle.Autrement dit, de prouver que les investissements gigantesques des entreprises et des États (même la France), valaient le coup.
IBM, au coude à coude avec Google dans la course à la construction d’un ordinateur quantique, avait contesté les résultats de son concurrent. Et les deux constructeurs continuent de se tirer la bourre : le directeur de recherche d’IBM, Dario Gil, a annoncé que de premières applications concrètes de leur ordinateur quantique pourraient voir le jour d’ici 2023. Mais la course avec Google est plus de l’ordre du marathon que du sprint… et le vainqueur est peut-être ailleurs.
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