Si la proof of work est plus largement connue, notamment parce qu’elle existe depuis la création du Bitcoin en 2011, la notion de proof of stake s’est davantage démocratisée en 2022 avec « The Merge » d’Ethereum. Cette transition visait à remplacer un mode de validation par un autre, marquant un tournant majeur dans l’approche du minage et de son impact environnemental.
Tout d’abord c’est quoi, la proof of work ?
La proof of work, ou POW, est la principale façon de « miner », c’est-à-dire de valider des transactions et de créer de nouvelles unités de crypto-monnaies. Concrètement, il s’agit d’un protocole qui permet de valider l’intégrité de la blockchain, et de créer de nouveaux blocs. C’est notamment ce système qui fait que la blockchain est sécurisée.
Afin de valider ce nouveau bloc, le protocole POW demande à tous les mineurs de résoudre des opérations et des calculs mathématiques très complexes, qui requièrent des « ordinateurs » très puissants (il s’agit en réalité de RIG de carte graphique ou des ASICs). Le premier ordinateur à répondre à ces calculs « gagne » le droit de miner le prochain bloc, et reçoit en retour une récompense sous forme de crypto-monnaie. C’est donc une espèce de course à la puissance qui se joue.
C’est quoi la proof of stake ? La définition
La proof of stake, ou POS, est également un protocole qui permet de valider l’intégrité de la blockchain. Cependant, contrairement à la proof of work, il ne demande pas de résoudre des calculs avant de créer un nouveau bloc. Avec ce protocole, pour gagner le droit de miner le prochain bloc, il faut épargner une partie de ses possessions en crypto-monnaie. Sur le site de l’Ethereum, il est expliqué qu’il faudra mettre en jeu 32 ETH (soit plus de 73 000 euros le 25 févier 2025) afin de pouvoir « participer » et tenter de devenir validateur, c’est-à-dire la personne en charge du minage du prochain bloc et de vérifier la validité de blocs créés par les autres validateurs. « Les validateurs seront choisis au hasard », est-il précisé, « et les crypto-monnaies mises en jeu serviront à s’assurer du bon comportement des validateurs. »

Le fait de mettre en jeu tout ou une partie de ses possessions permet de garantir l’intégrité de la blockchain : plus une personne possède de crypto-monnaie, moins celle-ci a intérêt à la falsifier, d’où le nom de proof of stake. « Par exemple, si un validateur se déconnecte au moment de la création d’un bloc ou ne le valide pas, il peut perdre une partie de son argent pour avoir porté préjudice aux autres », précise le site de l’Ethereum. À l’inverse, les validateurs ayant bien exécuté leur travail recevront des récompenses. Pour l’instant, l’Ethereum n’a pas donné plus de détail sur son mécanisme de rémunération.
Proof of work vs proof of stake : les différences
Qu’est-ce que ça change ? Tout d’abord, la proof of stake est beaucoup moins gourmande en énergie. Il n’y a pas besoin d’alimenter des fermes d’ordinateurs surpuissants, car il n’y a pas besoin de résoudre des calculs complexes; il n’y a donc pas besoin non plus de produire en grande quantité des cartes graphiques et autre machine servant à miner. L’Ethereum Foundation estime ainsi que le passage à la proof of stake permettra une réduction de la consommation d’énergie de 99,95%.
Un chiffre énorme, mais qui n’est pour l’instant pas confirmé par des études : l’Ethereum Foundation reconnait d’ailleurs qu’il ne s’agit là que d’estimations, car « il n’existe pas de statistiques concrètes sur la consommation d’énergie, ni sur quel matériel serait utilisé ». Il faut donc prendre ce chiffre avec des pincettes, même si certains experts du sujet s’accordent pour dire que le passage à la proof of stake réduira bien la consommation d’énergie.
Pourquoi la blockchain Ethereum a-t-elle décidé de passer à la preuve d’enjeu ?
La nouvelle avait été annoncée par l’Ethereum Foundation en mai 2022 : « d’ici quelques mois, la transition vers un système de proof of stake sera terminée », disait-elle. Le 15 septembre 2022 l’Ethereum a officiellement abandonné la proof of work (preuve de travail, en français). À la place, la blockchain utilise depuis la proof of stake (preuve d’intérêt ou preuve d’enjeu) pour le minage des nouvelles pièces.
Il y a deux problèmes majeurs concernant ce protocole de proof of work, et qui motivent largement la décision de l’Ethereum Foundation de vouloir en utiliser un autre.
- Premièrement, le protocole PoW fait que les calculs deviennent de plus en plus complexes avec le temps. Au début de l’existence des crypto-monnaies, les opérations mathématiques étaient relativement simples, mais les ordinateurs doivent aujourd’hui être équipés des cartes graphiques les plus puissantes sur le marché et travailler en groupe pour espérer pouvoir compléter les calculs dans les temps, et ainsi recevoir des avantages en crypto-monnaie.
Les mineurs sont ainsi en partie responsables de la pénurie de cartes graphiques qui touche en ce moment le monde. Mais cette course à la puissance de calcul pose, de plus, un problème de centralisation : si seuls les ordinateurs ou les groupes d’ordinateurs les plus puissants arrivent à se faire de l’argent en minant, il existe un risque pour que les opérations de minage ne reposent plus que sur quelques acteurs dans le futur. Tout le contraire de l’esprit des crypto-monnaies décentralisées.

- Le deuxième problème que pose la proof of work est d’ordre environnemental. Afin d’effectuer leurs calculs, les ordinateurs des mineurs demandent énormément d’énergie. Une étude de l’université de Cambridge publiée en février 2021 montrait que la consommation annuelle d’électricité pour le minage des Bitcoin était similaire à celle de l’Argentine, et que la crypto-monnaie émettait autant de gaz à effet de serre que la métropole de Londres. Un coût environnemental complètement absurde pour une monnaie virtuelle utilisée par seulement une poignée de personnes.
La demande en énergie des mineurs est telle qu’elle est désormais critiquée de toutes parts : la Chine envisage très sérieusement depuis 2019 d’interdire complètement le minage sur son territoire, et trois des plus importantes fédérations bancaires chinoises viennent d’appeler les autres à ne plus accepter ou utiliser de crypto-monnaies. Et depuis le 13 mai, l’entreprise Tesla refuse les paiements en bitcoin à cause de son coût environnemental énorme.
The Merge, c’est fait. Et maintenant ?
« Après The Merge, vous serez en mesure de construire un client Ethereum qui ne sait même pas que la phase de proof-of-work a eu lieu », avait déclaré Vitalik Buterin lors de la grand-messe crypto EthCC en juillet 2022. Depuis l’évènement, il n’y a plus des « mineurs » mais des « validateurs », reléguant une partie du matériel utilisé par ces anciens aux oubliettes.
En plus de l’impact écologique, cet évènement a marqué un changement de philosophie majeur dans la conception des blockchain et leur capacité à évoluer. Si la proof of stake continue à faire ses preuves dans la durée, on pourrait éventuellement imaginer que d’autres crypto-monnaies suivraient l’exemple de l’Ethereum.
Passer de la proof of work à la proof of stake n’est pas été une procédure simple. Il s’agissait même d’une opération risquée, surnommée « the Merge » (la convergence) comme l’explique le magazine anglo-saxon Quartz.
« Pour que cela fonctionne, il faut que tous les mineurs mettent à jour en même temps leurs systèmes », annoncait le chercheur Alex de Vries, interrogé par Quartz. On estime qu’il existe environ 16 400 mineurs, ce qui implique un travail de préparation et d’organisation en amont titanesque.
« Et si tous les mineurs ne se mettent pas à jour en même temps, que ce soit à cause d’une mauvaise communication, d’un acte de résistance active, ou quoi que ce soit d’autre, le marché de l’Ethereum pourrait se fractionner », prévient Alex de Vries.
« C’est ce qui s’est produit en 2017, lorsqu’une dispute entre des mineurs de Bitcoin a causé le l’éclatement de la blockchain en deux, la minorité devenant une nouvelle crypto-monnaie appelée le bitcoin cash ».
La Convergence était loin d’être un événement anodin.
Est-ce que ça marche ?
Oui, le protocole est d’ailleurs utilisé par d’autres crypto-monnaies, comme Tezos, NXT ou encore Cardano, la plus populaire des quatre, qui capitalise aujourd’hui près de 22 milliards d’euros — un révélateur de la solidité du mécanisme à grande échelle.
Sur le papier le PoS réduit notamment les risques de centralisation, étant donné que les fermes d’ordinateurs n’auront plus l’avantage de la puissance de calcul, les validateurs étant sélectionnés au hasard. La POS serait également plus sure : le fait d’avoir plus de validateurs permettrait de réduire le risque des attaques (notamment les attaques dites des « 51%»).
Il existe cependant des inconvénients à la proof of stake. Déjà, le fait de devoir posséder au minimum 32 ETH afin de tenter de devenir validateur est évidemment un frein à la diversité et risque sur le long terme de privilégier un petit groupe de mineurs, comme c’est déjà le cas avec la proof of work et les fermes d’ordinateurs.
Est-ce qu’il y a d’autres protocoles ?
D’autres protocoles existent, mais ils ne sont pour l’instant utilisés seulement par une minorité de blockchains.
Parmi les protocoles existants, on trouve :
- La proof of authority (preuve d’autorité), qui ressemble au fonctionnement de la proof of stake, mais qui demande une « super majorité » pour la validation de nouveaux blocs, et qui demande à ce que l’identité des validateurs soit publique, et vérifiable par une tierce partie.
- La proof of elapsed time (preuve de temps écoulée), mise au point par Intel et très similaire à la proof of work, sauf sur un point central : les ordinateurs ne doivent pas résoudre des problèmes complexes, mais doivent attendre, pendant une période à la durée aléatoire. Ce protocole est beaucoup moins gourmand en énergie que la proof of work.
- La proof of importance (preuve d’importance), un protocole très semblable à la proof of stake, mais qui conditionne la sélection du validateur à d’autres paramètres. Sont notamment pris en compte les actions récentes du compte, le nombre d’unités de crypto-monnaie que le compte possède, et le temps passé par le compte sur le réseau.
Il n’existe pour l’instant pas de plan pour rendre ces protocoles plus populaires, ou de les utiliser à plus grande échelle.
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