Faut-il que les smartphones reconditionnés contribuent aussi à la redevance sur la copie privée ? Pour la commission pour la rémunération de la copie privée, cela ne fait aucun doute. Elle vient d’ailleurs d’adopter une décision en ce sens ce mardi 1er juin, alors même que le sujet est en discussion au Parlement et que la représentation nationale envisage au contraire d’exclure ces équipements du dispositif.
La décision prise par la commission a été éventée par le directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Pascal Rogard, une société de gestion collective des droits d’auteur qui est membre de Copie France, l’organisme qui a pour mission de percevoir cette redevance sur les appareils capables d’enregistrer des données (tablettes, ordinateurs, clés USB, disques durs, etc.).
Sur Twitter, Pascal Rogard annonce que « la commission copie privée a adopté un barème spécifique pour les appareils reconditionnés instituant un abattement de 35 % pour les tablettes et 40 % pour les téléphones multimédias ». Dit autrement, il est bien prévu une ponction sur ces appareils, mais moindre par rapport à des produits neufs. Il ajoute que « le principe de ce barème spécifique a fait l’objet d’un accord unanime ».
Une unanimité toutefois relative, l’intéressé ajoutant que « le barème spécifique a été adopté à une large majorité 15 voix pour 7 abstentions et aucune voix contre ». Il faut noter que la composition de la commission est à l’avantage des ayants droit, car ils détiennent la moitié des voix. Le reste est partagé à parts égales entre les associations d’une part et les fabricants et importateurs de supports d’autre part.
Des questionnements sur le mode de calcul
Les raisons pour lesquelles la commission a jugé bon de fixer un abattement de 35 % pour les tablettes et 40 % pour les smartphones, quand ils sont reconditionnés, ne sont pas claires. Cela peut être interprété comme un geste pour faire passer la pilule alors que le 10 juin prochain doit être examinée en séance à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique.
Il s’avère que ce texte a échauffé les esprits à cause d’un article qui actualise le code de la propriété intellectuelle de manière à exclure clairement du champ de la redevance sur la copie privée les supports d’enregistrement qui s’en sont déjà acquittés une première fois, quand ils ont été mis sur le marché en tant qu’appareils neufs. Jusqu’à présent, ces appareils n’étaient pas concernés.
En principe, le montant de la rémunération pour copie privée est appliqué à des tranches de capacité, selon une règle de calcul particulière :
RCP = (TM – A) × CO, dans laquelle TM = V × TR. Pour le titre autrement, RCP = ((V × TR) – A) × CO.
- RCP désigne la rémunération pour copie privée ;
- TM le montant moyen de rémunération pour copie privée pour la capacité moyenne de chaque famille de support ;
- A le niveau d’un abattement applicable au montant moyen de rémunération pour copie privée visant à tenir compte de l’incidence de la rémunération sur le marché des supports concernés ;
- CO le coefficient de réduction ou d’augmentation du montant moyen de la rémunération, cohérent avec les informations fournies par les études d’usages ;
TM le montant moyen de rémunération pour copie privée pour la capacité moyenne de chaque famille de support ; - V le volume moyen de copies privées de source licite par type d’œuvre copiée, pour une capacité nominale d’enregistrement moyenne évaluée par les études pour chaque famille de support ou d’appareil ;
- et TR le taux de rémunération pour copie privée de référence correspondant au revenu globalement analogue à celui que procurerait le paiement d’un droit par chaque auteur de copie privée s’il était possible de l’établir et de le percevoir pour chaque copie privée d’œuvre (sonore, audiovisuel, écrit, image fixe), fixé à partir des données économiques connues du marché ;
On ne sait pas comment a été intégré cet abattement de 35 % pour les tablettes et 40 % pour les téléphones multimédias dans cette règle de calcul. Y a-t-il un paramètre de l’équation qui a été modifié ? Lequel ? Dans quelle proportion ? Et sur quel fondement ? Ou alors une nouvelle variable a-t-elle été incluse ? Ou bien cette réduction a-t-elle été actée tout simplement au doigt mouillé ?
Un barème qui deviendra peut-être caduc
La décision de la commission n’est pas encore parue au Journal officiel. Il peut s’écouler quelques semaines entre le moment où un barème est établi par la commission et sa publication, en témoigne l’écart constaté pour une décision concernant les « téléphones idiots ». En outre, l’entrée en vigueur du barème survient généralement un mois après la parution au Journal officiel.
De fait, la décision de la commission devrait s’inviter dans les débats parlementaires. Elle apparait toutefois comme un geste quelque peu désespéré : le Sénat a adopté, en séance, une première version du texte qui exclut de la redevance pour copie privée les appareils reconditionnés. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale a conservé cette disposition.
La décision prise par la commission pour la rémunération de la copie privée pourrait dès lors devenir caduque si le Parlement décide effectivement d’interdire une nouvelle ponction sur des équipements qui ont déjà été assujettis. Elle pourrait aussi convaincre un peu plus la nécessité de produire un rapport sur le fonctionnement de cette commission. Il s’avère justement que l’idée est sur la table.
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