En janvier 2020, je quittais Gmail. Après plus de 10 ans de bons et loyaux services, j’allais abandonner le service de messagerie de Google pour aller voir ailleurs. Ce départ n’était pas dû au fait que j’avais trouvé un nouveau service plus intéressant, plus performant ou plus à la mode, je voulais simplement faire un petit geste pour la protection de ma vie privée.
J’avais déjà entamé cette « dégooglisation » de ma vie depuis plusieurs mois grâce aux indispensables outils de Framasoft qui proposent des apps alternatives à celles des géants du web, généralement plus respectueuses de la vie privée. Les révélations d’Edward Snowden sur l’ampleur du pistage que l’on subit sur Internet avaient eu le temps de bien mûrir et je n’étais plus en accord avec le modèle économique de Google. Il était donc temps pour moi d’aller voir ailleurs.
ProtonMail, efficace sans être complexe
Sauf qu’une adresse mail ne se change pas comme ça, surtout quand on a passé 10 ans à construire son identité numérique autour d’elle. Des centaines de comptes, tout autant de mots de passe, des applications connectées à sa boite mail dans tous les sens. La tâche paraissait insurmontable. Comment déménager autant de données et tout rebâtir de zéro ?
Hé bien, c’est impossible. Ou quasiment. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut perdre espoir. Comme pour un déménagement, il faut juste faire les choses petit à petit.
Je me suis donc d’abord créé un compte sur ProtonMail. Le service a relativement bonne réputation concernant le respect de la vie privée et propose le chiffrement des communications de bout en bout. Cela signifie que techniquement mes courriers sont sécurisés et qu’ils ne sont lisibles par aucun intermédiaire. Il existe d’autres services de mail encore plus sécurisés et que l’on peut installer sur son propre serveur, mais j’avais besoin d’une solution clé en main qui n’exige pas de mettre les mains dans le cambouis. ProtonMail, avec son interface web et ses applications iOS et Android, était donc tout désigné. Surtout qu’il existe d’excellents guides pour migrer de Gmail vers ProtonMail.
5 euros par mois : le coût de la vie privée
Premier petit bémol, les comptes gratuits chez ProtonMail n’embarquent que 500 mégaoctets de stockage (contre plusieurs gigaoctets sur Gmail). Moi et mes 2 Go et quelques de mails allions donc être un peu à l’étroit. Bien décidé à laisser Google derrière moi, j’ai fait quelque chose que je n’avais pas fait depuis 10 ans : payer pour un service de mail. L’offre ProtonMail Plus offre 5 Go de stockage pour 5 euros par mois. Ce n’est évidemment pas une somme anecdotique (surtout quand on commence à faire le calcul sur plusieurs mois), mais c’est malheureusement le prix à payer aujourd’hui pour préserver sa vie privée sans se prendre la tête.
Si vous ne souhaitez pas embarquer vos archives de mail comme je l’ai fait, il est possible de se satisfaire de 500 Mo de stockage, mais il faudra penser à faire ponctuellement le ménage. L’abonnement Plus arrive aussi avec d’autres avantages (sur lesquels nous reviendrons). Devoir payer alors que la concurrence offre un service gratuit équivalent (et même mieux sur certains points) est une pilule difficile à avaler, mais il faut choisir entre ça ou se faire traquer partout sur le web. Refusant de rendre Google encore un peu plus riche, j’ai donc décidé de voter avec mon portefeuille.
Mais, à l’usage alors ?
Une fois la migration de mes mails finie, je me suis donc mis à utiliser mon adresse Proton comme boite mail principale, en redirigeant tout de même mes courriers Gmail vers cette nouvelle adresse (on vous explique comment faire par ici). L’interface était à l’époque un peu austère et loin du niveau de finition qu’offre Gmail, mais depuis l’entreprise a déployé une nouvelle version plus moderne et plus léchée.
À l’usage, le client web de Proton n’a pas grand-chose à se reprocher. On retrouve vite ses marques si l’on vient de Gmail, et une fois ses dossiers ou ses libellés bien en place, on peut filtrer et dicter des règles de tris automatiques comme chez Google. Certaines fonctionnalités avancées comme les sous-labels n’existent pas encore, mais dans l’absolu 95 % des utilisateurs et utilisatrices s’y retrouveront côté fonctionnalité et ergonomie.
Si vous êtes comme moi un obsédé du rangement de mail, l’offre ProtonMail Plus offre un autre avantage : la possibilité de créer jusqu’à 200 dossiers et labels (là où l’offre gratuite est limitée à trois). Autre petit plus, vous aurez aussi accès à ProtonDrive (le Google Drive maison) ainsi qu’à d’autres fonctionnalités avancées comme la possibilité de créer des adresses mail secondaires si vous voulez séparer votre vie personnelle et professionnelle au sein de l’interface Proton.
Si l’interface web de ProtonMail est réussie, ses applications mobiles le sont un peu moins. Que ce soit sur smartphone ou tablette, l’interface est vieillotte et pas très bien optimisée. Certaines fonctionnalités comme le mode « Conversation » (qui groupe tous les messages d’un fil de mail) manquaient jusqu’à l’année dernière. Les applications restent tout à fait efficaces et utiles pour un usage d’appoint, mais il faudra parfois accepter certains défauts. Le service évolue rapidement cela dit.
Suis-je vraiment protégé ?
Depuis plus d’un an, je ne suis donc quasiment jamais revenu sur ma boite mail Google et j’en suis ravi. J’ai l’impression de m’être émancipé un tout petit peu de l’économie de la surveillance. Bon, soyons honnêtes cela dit, beaucoup de mes mails transitent encore chez Google avant d’atterrir dans ma boite Proton. On ne se débarrasse pas comme ça d’une identité numérique vieille de 10 ans. Mais mes comptes et mes contacts les plus importants m’écrivent désormais directement sur mon adresse ProtonMail, et je tente à chaque mail reçu via Gmail d’aller mettre à jour mes informations de contacts chez le site expéditeur. Chaque adresse mail changée a le goût d’une petite victoire face à Google.
Deuxième bémol, je suis aujourd’hui assez seul sur mon service de mail chiffré. La plupart de mes contacts utilisent encore des adresses Gmail, Outlook ou d’autres, qui lisent donc mes échanges. Chiffrer un mail est une bonne chose, mais s’il arrive en clair chez Google pour pouvoir être lu par mon interlocuteur ou mon interlocutrice, alors je suis toujours espionné par les grands méchants du web. L’intérêt dans ce cas-là est donc réduit. En revanche, en empêchant Google de scanner tous mes mails promotionnels, toutes mes alertes Le Bon Coin ou mes informations de livraison (l’immense majorité de ma boite mail en somme) je cesse malgré tout de nourrir l’algorithme et gagne un peu plus en vie privée.
Un choix militant
Pour conclure simplement : ProtonMail est un excellent service de mail si l’on est prêt à faire quelques sacrifices. Toutes les fonctionnalités de tri ou de prédiction « intelligente » de Gmail ne sont par exemple pas présentes puisque l’entreprise ne scanne pas votre courrier. Certaines autres fonctionnalités ne sont pas disponibles sur toutes les plateformes et les possibilités de personnalisation sont un peu moins poussées que chez Google.
ProtonMail prend tout son sens avec un abonnement
Enfin, à moins d’avoir un usage très basique de sa boite mail, on se heurtera rapidement aux limites de l’option gratuite. ProtonMail prend en fait tout son sens avec un abonnement, et comme nous le soulignions plus haut, c’est probablement l’un des aspects les plus compliqués à surmonter après des années à évoluer sur l’Internet du « tout gratuit ».
Mais le modèle économique de Proton n’étant pas vraiment compatible avec la publicité, il faut bien trouver d’autres sources de revenus. Passer à ProtonMail c’est donc aussi un acte militant, c’est adopter une nouvelle approche du web et refuser que nos données personnelles soient une monnaie d’échange. Tout ça dans un client mail plutôt bien pensé.
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