Le 1er tour des élections régionales et départementales qui a eu lieu ce dimanche 20 juin a été marqué par un taux d’abstention record. 66 % du corps électoral français ne s’est pas déplacé pour glisser un bulletin dans l’urne, un bond de 16 points par rapport aux élections régionales de 2015.
Le vote sur internet, des problèmes en cascade
Face à cette désertion massive des bureaux de vote, plusieurs responsables politiques et médiatiques ont plaidé pour l’instauration du vote par internet. Sur France Inter ce 21 juin 2021 c’est Stanislas Guérini qui s’est exprimé en, faveur de cette idée. « Je souhaite qu’on puisse mettre en place le vote par internet dans le prochain quinquennat », a expliqué le délégué général du parti présidentiel. La veille sur France 2 c’était Nicolas Beytout, directeur de rédaction du journal L’Opinion qui disait peu ou prou la même chose.
Le vote sur smartphone ou sur ordinateur est-il véritablement une solution viable face à ce phénomène de l’abstention ? Si on en croit un sondage Odoxa sorti l’année dernière au moment des élections municipales, cela pourrait aider. 56 % des personnes interrogées auraient aimé pouvoir voter depuis un smartphone ou un ordinateur. Le taux monte même à 67 % chez les 18-24 ans.
Si ce débat sur le vote en ligne ressurgit dès que les chiffres de la participation ne sont pas satisfaisants, mais que rien n’est jamais fait par la suite, il y a cependant des raisons.
Premièrement — et on ne le répétera jamais assez — aucun système informatique n’est fiable à 100 %. Il y a toujours un risque que votre machine soit infectée ou que des pirates mal intentionnés fassent du bourrage d’urne électronique. Plus la cible est juteuse, plus les pirates vont se déchaîner. Et les élections sont des cibles très juteuses, comme nous l’ont appris les élections présidentielles américaines. Donner les clés de notre système démocratique à des machines, c’est prendre d’énormes risques. Le même sondage Odoxa le montrait d’ailleurs bien avec 74 % des sondés au moins « un peu inquiets » par le piratage de votes en ligne.
Le secret du vote n’est pas assuré
Le bulletin de vote papier, malgré son caractère désuet, reste une des méthodes les plus sûres pour aller voter. Il y a peu de chance qu’un pirate se fasse passer pour vous, obtienne votre carte d’identité et se donne autant de mal pour changer un unique vote. Avec le vote par internet, une faille de sécurité pourrait mettre en danger des milliers ou des millions de bulletins de vote.
Plus important et plus grave encore, le vote par internet ne permet pas d’assurer le secret du vote. Dans un isoloir, personne n’est là pour vous influencer. Derrière votre écran, impossible de s’assurer qu’un votant ou une votante ne subit pas des pressions de la part d’un conjoint, d’un membre de la famille ou d’un proche. Même les meilleurs protocoles de sécurité au monde n’empêcheront pas quelqu’un de regarder par-dessus votre épaule quand vous glissez un bulletin numérique dans l’urne.
Le problème du secret du vote avait d’ailleurs été abordé par Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, qui estimait dans une tribune datant de novembre 2020 que « seul l’isoloir, conquête indispensable de la démocratie républicaine, a permis de garantir que les électeurs soient des citoyens libres et égaux en droit, libres de tenir leur vote secret ».
La tentation du solutionnisme technologique
Les élections par internet sont donc un jeu risqué qui n’assure ni la vérifiabilité du scrutin ni le secret du vote. Traiter le problème de l’abstention à grand coup d’algorithmes, c’est par ailleurs verser dans le solutionnisme technologique quand le problème est en réalité politique. Estimer que beaucoup de gens ne se sont pas déplacés, car le bureau de vote était trop loin, ou que voter est trop contraignant, c’est avoir une piètre image de sa population. D’ailleurs, le vote par internet est déjà utilisé dans le pays, dans le cadre des élections des conseillers des Français de l’étranger, et on ne peut pas dire que ce soit un franc succès. Le 29 et 30 mai derniers, ce n’est même pas 13 % de la population concernée qui s’est mobilisée pour voter via internet.
L’abstention massive dépasse les simples considérations de confort, cela marque aussi une rupture entre la classe politique d’un pays et sa population. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil à un sondage de l’IFOP du 20 juin 2021 qui liste parmi les premières raisons de l’abstention le fait que « ces élections ne changeront rien à votre situation personnelle » ou « qu’aucune liste ne défend ou ne représente vos idées ». En troisième raison vient la volonté de « manifester votre mécontentement à l’égard des partis politiques ». Le vote par internet ne peut pas faire grand-chose contre ça.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !