En cédant les robots de Boston Dynamics au conglomérat japonais SoftBank en 2017, Google a pu donner le sentiment de se désintéresser de la robotique. Depuis, la firme de Mountain View se faisait discrète dans ce domaine. Mais en 2019, on apprenait par le New York Times que ce silence était en partie dû à la réorganisation en interne de ses plans, désormais dirigés par le Français Vincent Vanhoucke.
Trois ans plus tard, Google semble décidé à revenir dans le jeu. Le 23 juillet 2021, un nouveau programme, Intrinsic, a été annoncé. Il s’agira d’une filiale à part entière d’Alphabet, la maison-mère de l’entreprise américaine. Intrinsic, une entité qui est dirigée par Wendy Tan-White, se destine au marché de la robotique industrielle, qui peuple les chaînes d’assemblage de nombreux secteurs.
Intrinsic, la révolution imaginée par Google pour la robotique industrielle
C’est au sein du laboratoire X de Google, qui a donné naissance à de nombreux projets parfois très éloignés du cœur de métier du moteur de recherche, qu’Intrinsic a vu le jour. Une incubation qui est passée longtemps sous les radars : selon Wendy Tan-White, cela fait cinq ans et demi qu’Intrinsic était en gestation. De fait, la naissance du projet coïncide peu ou prou avec l’abandon de Boston Dynamics.
Mais si la spécialité de Boston Dynamics est la construction de robots pouvant se mouvoir, Intrinsic entend de toute évidence se concentrer surtout sur la partie logicielle de la robotique, avec un focus sur les bras manipulateurs, qui restent toute la journée à leur place sur la ligne de montage. Et dans ce cadre, Intrinsic estime que l’on peut conférer de l’intelligence à ces machines, pour leur permettre d’apprendre.
« Dans des environnements de fabrication réels, nous avons testé des logiciels qui utilisent des techniques telles que la perception automatisée, l’apprentissage profond, l’apprentissage par renforcement, la planification des mouvements, la simulation et le contrôle de la force » pour donner aux machines une compréhension plus fine de leur environnement, raconte Wendy Tan-White.
L’intelligence artificielle au centre du projet d’Intrinsic
Pour le dire autrement, Intrinsic fait massivement appel aux techniques de l’intelligence artificielle (l’apprentissage profond et par renforcement sont des méthodes de travail dans l’IA), un domaine dans lequel Google brille particulièrement grâce à une de ses filiales, DeepMind, qui s’est illustrée dernièrement dans le médical en prédisant et cataloguant des centaines de milliers de protéines humaines
Tout cela se fait sur la base d’un constat : l’automatisation requiert toute une préparation en amont très longue et très fastidieuse, y compris pour des tâches en apparence très simples : « Les programmeurs spécialisés peuvent passer des centaines d’heures à coder en dur des robots pour qu’ils effectuent des tâches spécifiques, comme souder deux pièces de métal ou coller un boîtier électronique. »
Certaines besognes demandent même un tel niveau de dextérité et de délicatesse qu’elles ne peuvent pas être déléguées à des machines, selon la patronne de la filiale Intrinsic, faute d’avoir des capteurs ou des logiciels leur permettant d’appréhender leur environnement. Elle cite en exemple le branchement de câbles et de connecteurs. En somme, la programmation en robotique demeure « étonnamment manuelle et spécifique ».
La programmation en robotique demeure « étonnamment manuelle »
Cette réalité constitue donc un frein à la robotique dans l’industrie. Avec Intrinsic, il s’agit d’apporter vitesse et souplesse. Et, bien sûr, une perspective commerciale pour Google, qui devrait vraisemblablement monnayer le savoir-faire qu’il prétend détenir avec Intrinsic. En exemple, il est évoqué un robot entraîné en deux heures pour brancher un port USB, une tâche qui prendrait sinon des centaines d’heures de programmation.
« Nous développons des outils logiciels conçus pour rendre les robots industriels (qui sont utilisés pour fabriquer tout, des panneaux solaires aux voitures) plus faciles à utiliser, moins coûteux et plus flexibles, afin que davantage de personnes puissent les utiliser pour fabriquer de nouveaux produits, entreprises et services », résume la patronne, qui espère des débouchés dans l’automobile, l’électronique et la santé.
Ces secteurs industriels vont-ils se laisser tenter par les logiciels et les outils d’Intrinsic ? L’avenir le dira, mais la perspective d’avoir des robots plus polyvalents, moins coûteux et rapides à adapter pourrait être un argument qui fera mouche. Il reste à voir quel sera le devenir de cette aventure. Car en matière de moonshots, les paris de Google, la firme n’a pas toujours vu juste.
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