La guerre commerciale à laquelle se sont livrés les États-Unis et la Chine sous Donald Trump n’a pas seulement mis à mal les positions de Huawei sur le marché des smartphones en Occident. Elle a aussi de toute évidence fragilisé l’entreprise chinoise dans son propre pays. C’est en tout cas ce qui ressort d’une étude menée par le cabinet IDC, parue le 29 juillet.
L’analyse d’IDC, qui porte sur le deuxième trimestre, montre l’absence notable de Huawei du top 5 des fabricants de smartphones ayant écoulé le plus d’appareils au cours des trois derniers mois du printemps. On trouve quatre marques chinoises (Vivo, Oppo, Xiaomi et Honor, en première, deuxième, troisième et cinquième position) et une marque américaine (Apple, en quatrième place).
Huawei se trouve désormais classée dans la catégorie fourre-tout intitulée « Autres », qui compte pour 17,9 % des smartphones vendus sur le trimestre. La part précise de Huawei dans ce groupe n’est pas précisée, mais compte tenu du pourcentage qu’a Honor avec sa cinquième position, elle est inférieure à coup sûr à 8,8 %. En somme, moins d’un mobile sur dix était un Huawei.
C’est indiscutablement un effondrement pour le fleuron high tech chinois. En 2018, la marque s’était hissée à la deuxième place mondiale des vendeurs de smartphones, en doublant Apple. En Chine, la société était même numéro un, avec une part de marché à 27 %. Les chiffres d’IDC pour le deuxième trimestre de 2020 octroyaient à Huawei la première place, avec 20 % de parts de marché dans le monde.
Ironie du sort, la marque Honor, qui est présente dans le top 5 chinois, était une filiale de Huawei. Elle a toutefois été cédée en novembre 2020 à un consortium d’industriels chinois. Contrairement à son ancienne maison-mère, empêtrée dans d’importantes difficultés provoquées par la guerre entre Washington et Pékin, Honor a eu la chance de ne pas se faire cibler par les USA et n’a donc pas rencontré les mêmes obstacles.
Une entreprise malmenée
Que les positions acquises par Huawei en Europe ou en Amérique du Nord souffrent des sanctions américaines n’est pas une surprise. L’avenir de Huawei dans les smartphones apparaît de plus en plus bouché, écrivions-nous il y a un an, du fait d’un mouvement en tenaille affectant à la fois le logiciel (interdiction d’accéder à l’écosystème Google) et le matériel (blocus sur certains composants).
Il était en revanche moins évident de deviner la chute du colosse des télécommunications sur ses propres terres, en tout cas sur le terrain des smartphones — car le titan reste très puissant dans le secteur des équipements, notamment sur le terrain de la 5G, et il garde l’appui du Parti communiste chinois, puisqu’il s’en sert comme vecteur d’influence et de puissance à l’étranger.
Huawei a sans doute profité d’une poussée de fièvre patriotique en Chine, en 2020, quand les tensions entre les USA et la Chine allaient croissantes. Le champion étant malmené à l’étranger, il fallait le soutenir au pays. Mais cela n’a manifestement duré qu’un temps. Une fois les passions calmées, il restait une réalité : Huawei se retrouvait avec un OS limité et privé de composants de pointe.
Certes, Huawei a apporté un début de réponse avec son propre écosystème, HarmonyOS, qui doit remplacer Android ou, du moins, permettre à la société de le faire s’il y est forcé. Mais la réponse s’est avérée peu spectaculaire, puisqu’il s’agit — au vu de l’analyse qui a en été faite — d’une version dérivée d’Android.
Est-ce à dire pour autant que Huawei est fichu ? Sans doute pas : le groupe reste un titan, certes mal en point sur le marché des smartphones. Mais il dispose encore de certaines cartes à jouer, à commencer par HiSilicon, sa division dans les semi-conducteurs. Le souci, c’est qu’elle dépend de la firme taïwanaise pour produire des composants, et celle-ci a été priée de ne plus commercer avec HiSilicon.
Une autre piste pourrait être le fondeur chinois SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corporation), qui a toutefois été la cible de sanctions américaines au mois de décembre 2020. Seulement, son expertise dans les semi-conducteurs n’est pas aussi poussée que les trois ténors que sont Intel, TSMC et Samsung. SMIC propose une gravure bien moins fine.
L’épisode souligne en tout cas l’influence que les États-Unis conservent sur les dossiers des hautes technologies (en poussant par exemple Amsterdam à bloquer l’exportation des machines à photolithographie à extrême ultraviolet). Il montre aussi à quel point la Chine dépend de l’étranger pour les semi-conducteurs. Et à quel point un colosse peut avoir les pieds fragiles, y compris chez lui.
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