Pourra-t-on déployer un réseau 6G de la même façon que les précédentes générations de téléphonie mobile, compte tenu des caractéristiques particulières des fréquences qui seront utilisées pour l’après-5G ? Une expérimentation conduite par LG et l’institut de recherche allemand Fraunhofer-Gesellschaft, dont les résultats ont été partagés cet été, donne un début de réponse à cette question.
Dans un communiqué paru le 19 août, l’entreprise sud-coréenne se félicite du succès d’un test qui consistait à transmettre des données entre un émetteur et un récepteur sur une distance relativement importante, 100 mètres, en utilisant des fréquences de la bande dite « térahertz » (THz), c’est-à-dire celles qui se trouvent au-delà de 100 GHz, très loin des ondes couramment utilisées pour la téléphonie mobile.
Une réussite technique pour des fréquences très élevées
Transférer des données sur 100 mètres peut sembler tout sauf spectaculaire, pour qui n’est pas forcément très familier avec les spécificités des ondes électromagnétiques : en effet, les antennes-relais actuelles ne sont-elles pas déjà capables d’acheminer des communications sur quelques kilomètres ? Dès lors, pourquoi LG ne met-il pas plutôt en avant un record de débit, comme l’a fait Samsung en juin ?
Il s’avère que le spectre électromagnétique a pour qualité de lier la portée d’un signal à la bande de fréquences utilisée : plus une fréquence est basse, plus elle porte loin, mais moins son débit est élevé. À l’inverse, une fréquence haute couvre moins de distance, mais délivre un débit plus important. Le choix des fréquences pour telle ou telle génération de téléphonie mobile n’est donc pas anodin.
On le voit par exemple dans le déploiement de la 5G : cette norme va s’articuler à terme autour de trois bandes : 700 MHz (la plus basse), 3,5 GHz et 26 GHz (la plus haute) — d’autres seront aussi utilisées, ou le sont déjà. Or, la première a une portée moyenne de 2 km en ville et de 8 km en zone rurale, la deuxième couvre 400 m en ville et 1,2 km dans la campagne, et la dernière ne va guère plus loin que 150 m.
Dans le cas du test de LG et de Fraunhofer-Gesellschaft, l’essai s’est déroulé dans une autre tranche du spectre électromagnétique : entre 155 et 175 GHz, c’est-à-dire à un niveau bien plus élevé que la bande de 26 GHz, dont la portée plafonne déjà à 150 m environ. On le devine donc : plus les gigahertz s’accumulent, plus la portée descend. Il y avait donc une problématique à résoudre.
Les deux partenaires ont trouvé une parade à ce phénomène physique pour parvenir à atteindre une station distante de plusieurs dizaines de mètres. Ils ont ainsi mis à profit la méthode dite du « beamforming », qui consiste à focaliser le faisceau sur une zone donnée. Cette approche n’est pas inédite : elle est aussi employée pour la 5G, qui est en cours de déploiement un peu partout dans le monde.
Plus précisément, LG explique avoir utilisé du beamforming adaptatif, ce « qui modifie la direction du signal en fonction des changements de canal et de la position du récepteur, ainsi que de la commutation d’antenne à haut gain (son pouvoir d’amplification, ndlr), qui combine les signaux de sortie de plusieurs amplificateurs de puissance et les transmet à des antennes spécifiques. »
«Comme la 6G dans la tranche térahertz a une courte portée et subit des pertes de puissance pendant la transmission et la réception entre les antennes, l’un des plus grands défis de l’évolution de la 6G a été la nécessité d’une amplification de puissance pour générer un signal stable sur les fréquences à bande ultra-large », ajoute la société. C’est son partenaire allemand qui s’est chargé de construire cet amplificateur.
Des antennes-relais 6G espacées de 100 m en ville ?
LG ne précise pas, en revanche, quel débit a été atteint lors de ce transfert sur 100 mètres. À titre de comparaison, Samsung s’était vanté en juin d’un débit de 775 Mo par seconde (soit plus ou moins l’équivalent d’un CD vierge, pour prendre un point de comparaison qui est éloquent, quoique devenu obsolète), en passant par la bande 140 gigahertz (GHz). Cependant, la distance entre les deux dispositifs d’essai était six fois plus petite. Quinze mètres à peine séparaient l’émetteur du récepteur.
Dans sa communication, LG a préféré mettre en avant la distance plutôt que la portée — ce qui pourrait laisser penser que le débit obtenu n’était pas particulièrement significatif ou digne d’être mentionné. Cependant, cela montre qu’il serait possible de couvrir une zone avec des antennes-relais espacées d’environ 100 mètres, ce qui est plausible en ville — mais nettement moins en pleine nature : la tâche apparait en tout cas titanesque, si un tel chantier était lancé.
Le fait est que les travaux sur la 6G, dont la concrétisation pour l’usager n’est pas attendue avant une quinzaine d’années, sont encore au stade du tâtonnement. Il faut s’attendre à toutes sortes de coups de communication des opérateurs et des équipementiers au cours des mois et des années à venir. Pour LG, la standardisation des technologies est attendue vers 2025. Mais tout le monde a d’ores et déjà intérêt à se positionner et promouvoir leurs solutions, dans l’espoir qu’elles s’imposent.
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