Il est sans doute encore un peu trop tôt pour mesurer toutes les conséquences du jour de grève qui s’est déroulé le 1er septembre 2021 sur Twitch. Certains de ses effets ne se feront ressentir peut-être que dans quelques jours ou quelques semaines, voire mois, le temps de satisfaire les demandes des protestataires, qui réclament à la plateforme plus de moyens pour se protéger des agressions extérieures.
Rappel des faits. En août, une initiative a émergé aux États-Unis pour sensibiliser le public, fréquentant le service spécialisé dans la diffusion de parties de jeux vidéo en direct, sur le phénomène des « raids de haine ». Pendant une journée, toutes les personnes streamant du contenu étaient invitées à éteindre leur webcam pour marquer le coup et, par la même occasion, pousser Twitch à réagir.
Quelques heures après l’opération #ADayOffTwitch, la plateforme n’a pas pris la parole publiquement sur ce sujet — la page des communiqués de presse n’en fait pas mention, pas plus que le compte Twitter, qui a publié d’autres contenus au cours du 1er septembre. Néanmoins, selon le site de suivi d’audience Twitch Tracker, qui n’est pas lié à Twitch ni à sa maison-mère Amazon, l’action a été remarquée.
Une baisse modérée, mais remarquée sur Twitch
Plusieurs graphiques fournis par le service montrent une chute de l’activité sur Twitch sur la journée du 1er septembre. Le nombre de diffusions en direct a reculé par rapport à la même période, une semaine plus tôt. L’écart varie selon le moment de la journée, mais la différence est de quelques dizaines de milliers de chaînes, contrairement aux autres jours, où l’on ne perçoit pas de décalage.
Du côté des spectateurs et des spectatrices, même constat : la courbe d’audience entre la dernière semaine et celle d’aujourd’hui se confondent presque, sauf pour le 1er septembre. Alors que le seuil des visionnages simultanés dépasse quasiment toujours le seuil des 4 millions, du moins pour les deux dernières semaines, la journée du 1er septembre a tout juste franchi celle des 3,5 millions.
La mobilisation des poids lourds de Twitch a certainement eu un impact : en France, Xavier Dang, alias mistermv, n’a pas proposé de direct le 1er septembre à ses 700 000 fans. Idem à l’étranger pour HasanAbi, qui est suivi par 1,5 million d’individus, ou bien Kaceytron, qui agrège plus de 556 000 abonnés. Ils avaient tous annoncé leur ralliement au mouvement sur Twitter.
Une précision doit être apportée sur le fonctionnement de la plateforme : sur Twitch, il est tout à fait possible de suivre plusieurs chaînes en même temps. Autrement dit, une même personne peut compter dans les fans de Kaceytron et de HasanAbi, par exemple. En outre, le fait que Kaceytron ne streame pas, par exemple, n’interdit pas à sa communauté d’aller voir ailleurs, en attendant.
Manifestement, vu la trajectoire de la courbe du 1er septembre par rapport à celle de la semaine dernière, il n’y a pas eu de bascule mécanique et systématique des spectateurs de ces streameurs participant à la grève sur d’autres chaînes qui ne participaient pas. Il y en a eu assurément, mais ce nombre s’avère inquantifiable. Twitch a sans doute des métriques à ce sujet, mais elles ne sont pas publiques.
Bien entendu, il y a aussi dans le lot des vidéastes qui n’avaient pas envie de streamer sur Twitch le 1er septembre, sans que cela ait à voir avec la journée de protestation. Même chose pour les internautes, qui voulaient peut-être occuper leur journée autrement, sans s’inscrire dans le mouvement — celui-ci a été mis en place relativement tard en outre, ce qui fait qu’il a pu être manqué.
Une première action, avant d’autres ?
Pour la vidéaste américaine RekItRaven, qui est derrière #ADayOffTwitch et avait reconnu le court préavis laissé aux vidéastes pour s’organiser, tout ceci n’est pas si grave, y compris pour les statistiques. Même si l’on peut noter le fait que Twitch est resté très fréquenté le jour de grève, avec des dizaines de milliers de chaînes actives et des millions d’internautes, l’intéressée dit avoir apprécié cette parenthèse.
« Aujourd’hui, c’est le #ADayOffTwitch et honnêtement, c’est une sensation cathartique. Je vais passer ce temps avec ma famille, jouer et traîner avec mes amis et juste prendre une putain de bouffée d’oxygène. Ce n’est pas la fin. Mais bon sang, je vais profiter de cette journée », a-t-elle écrit sur Twitter, suggérant qu’à l’avenir, d’autres actions seront lancées, semblables ou non à celle-ci.
Si l’impact du mouvement a été très mesuré sur les activités courantes de Twitch, et que les différences constatées peuvent être l’objet de discussions (les internautes ont-ils vraiment suivi par solidarité ou parce qu’ils n’avaient rien à voir ? Combien se sont-ils redéployés sur d’autres chaînes ? Combien de chaînes étaient-elles vraiment engagées dans le mouvement ?), des effets périphériques émergent.
Ainsi, l’ONG Access Now a dit « travailler sur un guide de soutien pour les streamers Twitch confrontés à des raids haineux, qui comprendra des récits de victimes, des outils qui pourraient être utiles et d’autres ressources ». La campagne Color of Change a aussi apporté son soutien, en invitant les personnes concernées à se signaler auprès d’elle pour documenter les cas de racisme, sexisme ou harcèlement.
L’initiative #ADayOffTwitch demande à Twitch de prendre des mesures additionnelles pour contrer les attaques ciblées contre des vidéastes, qui sont déclenchées sur la base de leur sexe, orientation sexuelle, genre, couleur de peau. Des dérives de plus en plus graves ont été signalées, avec des actions de harcèlement, des injures dans le tchat ou même des divulgations de données personnelles.
Parmi les demandes qui sont formulées pour améliorer la situation, figurent notamment la possibilité d’approuver ou refuser des raids entrants (une fonction qui a été détournée pour nuire à des vidéastes), la requête d’exiger un meilleur contrôle sur l’âge des personnes voulant discuter dans le tchat ou encore la double authentification et la limitation du nombre de comptes par mail vérifié.
Twitch s’était déjà exprimé sur ce sujet en août et dit avoir conscience du problème — et assure qu’il ne veut pas que sa plateforme soit un lieu où surviennent ces attaques. La filiale d’Amazon assure que les signalements qui sont faits par les internautes, les modérateurs ou les créateurs l’aident à affiner ses outils de modération et conseille de continuer à rapporter ces dérapages.
« Les attaques de spam haineux sont le résultat d’acteurs malveillants très motivés, et il n’existe pas de solution simple », admettait néanmoins le service, tout en défendant son action et le fait que tout n’est pas rendu public : « nous mettons en place un système de détection de contournement des interdictions au niveau des chaînes et améliorons les comptes pour lutter contre ce comportement malveillant. Cependant, alors que nous travaillons sur des solutions, les mauvais acteurs travaillent en parallèle pour trouver des moyens de les contourner ».
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