Le conflit judiciaire entre Apple et Epic, qui édite le jeu vidéo à succès Fortnite, vient de s’achever avec, au centre, la question du rôle du système de paiement intégré de l’App Store. Le jugement rendu par la magistrate américaine Yvonne Gonzalez-Rogers le 10 septembre exige en effet de la firme de Cupertino qu’elle cesse d’empêcher les développeurs d’applications de passer outre ce dispositif.
De fait, Apple doit laisser ces développeurs inclure, s’ils le souhaitent, des boutons, des liens ou tout autre moyen équivalent permettant de diriger leurs clients vers des options d’achat en dehors de l’écosystème de l’entreprise américaine. Autrement dit, la firme de Cupertino ne doit plus leur imposer le système de paiement in-app d’Apple, via lequel elle collecte des commissions aux montants variables.
L’injonction faite par Apple prendra effet dans 90 jours. Il est probable que d’ici là, le géant de l’électronique grand public fasse appel (Epic l’a fait de son côté) pour contester les conclusions du jugement. Les commissions que collecte Apple avec son système in-app sont une source de revenus pour le groupe, car elles atteignent 15 ou 30 % de la valeur de l’achat (le taux appliqué dépend de divers facteurs, dont l’année ou le chiffre d’affaires).
Cette décision, sauf renversement en appel, est susceptible d’avoir des conséquences à long terme pour la marque américaine, car elle va sans doute entraîner la remise en cause de ce modèle économique — des applications vont certainement vouloir s’en détacher pour essayer de dégager des marges supplémentaires. Toutes ne basculeront peut-être pas, mais les plus lucratives probablement.
Côté plaignant, Tim Sweeney, fondateur d’Epic Games, a affirmé que cette victoire n’était pas suffisante pour que Fortnite revienne sur l’App Store. Il estime qu’un paiement en dehors de l’app, sur un site tiers comme semble l’indiquer le tribunal, n’est toujours pas concurrentiel par rapport à un paiement in app, mais dont les règles seraient dictées par les éditeurs.
Epic a perdu sur d’autres tableaux
Car Epic n’a pas fait un carton plein. S’il a pu remettre en cause l’hégémonie du système de paiement de l’App Store, la justice américaine a condamné le studio de jeu vidéo à verser à Apple plus de 12,1 millions de dollars de dommages et intérêts au motif du manque à gagner causé par la décision d’Epic de contourner les achats in-app avec Fortnite entre août et octobre 2020.
Par ailleurs, le procès n’a pas pu établir le caractère monopolistique d’Apple. « Le succès n’est pas illégal. Le dossier du procès ne comportait pas de preuves d’autres facteurs critiques, tels que les barrières à l’entrée […]. La cour ne conclut pas que c’est impossible, mais seulement qu’Epic Games n’a pas réussi à démontrer qu’Apple est dans une position de monopole illicite », lit-on dans le verdict.
Dans un communiqué adressé à la presse, Apple insiste d’ailleurs sur ce point : Epic n’a pas réussi à prouver une position de monopole durant les débats. « Aujourd’hui, la Cour a confirmé ce que nous savions depuis le début : l’App Store ne viole pas la loi antitrust », dit la marque à la pomme. « Apple est confrontée à une concurrence rigoureuse dans tous les segments où elle opère ».
Epic Games a cherché à sortir du carcan imposé par Apple dans l’App Store au sujet des paiements, ce qui a provoqué une querelle juridique avec Apple. Le ton a monté entre les deux parties, non sans provocation, et Epic a fini par prendre la tête de la fronde contre Apple, en participant à une coalition, aux côtés de Spotify, Deezer, Tinder ou Meetic, qui se faisaient aussi les porte-voix des petits développeurs.
Face à ces critiques, et après avoir banni entretemps Fortnite de l’App Store, Apple a commencé à lâcher du lest dès novembre 2020 en baissant sa commission à 15 % pour les sociétés générant moins d’un million de dollars par an. Cela avait été vu comme une manœuvre tactique pour les amadouer et surtout casser le front des protestataires. Epic, avec d’autres, s’était insurgé contre cette annonce.
D’autres concessions ont ensuite suivi, toujours dans l’idée de lâcher du lest pour diminuer la pression : en août, plusieurs propositions ont été formulées, suivies, dès septembre, par un autre train d’annonces. Ces ajustements ne visaient pas tant à donner le change dans le procès contre Epic Games, mais à contenir les autres actions en justice et, surtout, à tenir à distance les autorités de régulation.
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