Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir pour quelles raisons les navigateurs web s’appellent Chrome, Firefox, Safari ou Vivaldi ? Non ? Hé bien nous, si. Et comme il y en a encore que nous n’avons pas couvert, il est temps de poursuivre notre série. Cette fois, c’est le navigateur de Microsoft, Edge, qui est à l’honneur. Alors, pourquoi le géant du logiciel a-t-il opté pour ce nom ?
Il faut d’abord remettre un petit peu de contexte historique : le nom de Microsoft Edge a été dévoilé en 2015 à la conférence annuelle Build organisée par Microsoft. Auparavant, le logiciel — dont on connaissait déjà l’existence — était désigné par un simple nom de code : Spartan. Pourquoi Spartan ? Parce que c’est un clin d’œil à Spartan John-117, le héros du jeu vidéo Halo, une licence qui appartient à Microsoft.
Il fallait tourner la page d’Internet Explorer
La décision de créer Edge a été actée à la suite de plusieurs constats : Microsoft savait que l’image de marque de son navigateur d’alors, Internet Explorer, était très dégradée aux yeux d’une part notable des internautes. Même si la firme de Redmond avait lancé un super Internet Explorer 12 (la dernière version d’Internet Explorer s’arrête à la onzième version), cela aurait encore été un Internet Explorer.
De plus, les fondations sur lesquelles reposait Internet Explorer étaient vieillissantes et trop rigides pour les nouvelles exigences et possibilités du web. Le moteur de rendu d’IE, Trident, a donc donné lieu à ce qu’on appelle un « fork », c’est-à-dire une nouvelle direction dans le développement du moteur de rendu. C’est ce qui a donné EdgeHTML, un moteur de rendu qui a une existence propre, séparée de Trident.
Un moteur de rendu est un composant clé pour le navigateur web. Comme son nom le laisse entendre, il s’agit d’un élément qui sert à afficher les pages dans le navigateur, en interprétant le code HTML dans un résultat visuel intelligible (en mettant par exemple du gras à tel endroit, en créant des colonnes si les instructions l’exigent, en activant les liens hypertextes, etc.). Bref, il organise la page.
Faire comprendre qu’Edge reste toujours à la pointe
Voilà donc pourquoi Trident a été remplacé par EdgeHTML et Internet Explorer par Edge. Mais alors, pourquoi « Edge » ? En anglais, ce mot peut avoir plusieurs sens. Mais dans le contexte du navigateur, les traductions les plus justes renvoient à « bord », « bordure » ou bien « lisière » et « extrémité ». L’idée que Microsoft entend faire passer, c’est qu’il reste à la pointe des technologies web, contrairement à l’époque d’IE.
Ce nom ne vient pas tout à fait de nulle part : il y a en effet un précédent avec Microsoft, que rappelle Sean Lyndersay, un responsable de Microsoft qui officie dans l’équipe en charge du navigateur Edge. Dans un texte publié il y a quatre ans sur Quora, l’intéressé explique que la dernière version d’Internet Explorer contenait, en plus des modes de compatibilité avec IE8, 9 et 10, un mode… Edge.
« Il était destiné à transmettre l’idée que le site voulait toujours être à la pointe de l’évolution des normes Web. C’était le mode recommandé (et par défaut) d’IE », écrit Sean Lyndersay. On retrouvait déjà l’idée d’être le plus au-devant possible des technologies du net, d’être aux avant-postes. On retrouve ainsi indirectement cette idée de « bordure » et de « lisière ».
À l’époque, Microsoft n’avait pas encore lancé le chantier d’un successeur à IE, poursuit la publication. S’est alors posée la question du nom. D’après Sean Lyndersay, l’équipe technique était très enthousiaste avec Edge. « Les membres aimaient l’idée que le nouveau navigateur ait ce petit lien avec son passé que seuls les développeurs web pouvaient comprendre et apprécier », raconte-t-il.
Si l’affaire était manifestement entendue très tôt pour cette équipe, encore fallait-il séduire le pôle marketing. Mais il s’avère que lui aussi a fini par se laisser convaincre. « Le marketing a fini par l’apprécier parce qu’il était cool et avant-gardiste, et qu’il représentait la nouvelle direction audacieuse que nous prenions pour le navigateur », fait observer Sean Lyndersay.
Bien sûr, cela tombait d’autant mieux que les essais auprès de certains groupes de test avaient montré que le nom Edge s’en sortait mieux face aux alternatives envisagées. Cerise sur le gâteau, « il a également permis de créer un grand nombre de slogans et de jeux de mots intelligents », ajoute Sean Lyndersay. Des pirouettes que seuls des locuteurs anglophones peuvent toutefois saisir.
En somme, résume Sean Lyndersay, « l’un des principes de Edge est d’être moderne et donc toujours à jour, le nouveau navigateur était comme l’éternel mode edge ». Une jolie histoire, indéniablement, mais qui comporte une ombre au tableau : ce n’est plus EdgeHTML qui anime Edge depuis 2020, mais un autre moteur de rendu : Blink, c’est-à-dire celui de Google. En clair, c’est via Google que Microsoft peut ainsi rester à la pointe du web. De quoi gâcher un peu le message que veut véhiculer Microsoft.
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