Les publicités politiques seront-elles beaucoup mieux signalées comme telles à l’avenir, y compris sur Facebook et Twitter ? C’est en tout cas cette voie que Bruxelles désire emprunter pour, explique la Commission européenne, « protéger l’intégrité des élections et un débat démocratique ouvert ». Une proposition a été annoncée en ce sens le 25 novembre 2021.
La proposition poussée par le bras exécutif de l’UE vise à améliorer la transparence de la publicité politique et à mieux cadrer les techniques de ciblage en direction des particuliers, mais aussi celles s’efforçant d’amplifier la portée de ces annonces pour atteindre un plus grand nombre d’individus. Sans formellement les interdire, il s’agirait surtout d’en décrire le fonctionnement et de les conditionner à un accord explicite.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte où il est reproché à des plateformes numériques de prospérer sur de la publicité ciblée incluant des sujets politiques ou sensibles, ou de ne pas parvenir à les encadrer pour éviter des dérives. À cela s’ajoutent les craintes qu’elle puisse servir à des tiers, étatiques ou non, pour manipuler l’opinion publique, diffuser de la désinformation ou peser sur des élections.
Si la proposition n’entend pas se limiter à la seule question des publicités politiques en ligne, en incluant aussi celles pouvant survenir hors ligne, le numérique apparaît comme un théâtre majeur, pour ne pas dire prioritaire, compte tenu de son rôle dans le quotidien des individus — ceux-ci sont d’ailleurs massivement présents sur les réseaux sociaux et, plus généralement, sur toutes sortes de plateformes numériques.
Plus de transparence, du ciblage davantage encadré
En termes de transparence, la Commission européenne dit vouloir associer à chaque publicité politique, ou publicité considérée comme engagée (c’est-à-dire, précise Bruxelles, comme étant susceptible d’influer sur l’issue d’une élection, quelle qu’elle soit, et sur les comportements de vote), des éléments de transparence facilement accessibles et assez complètes pour savoir à quoi s’en tenir.
En particulier, la publicité politique devrait renseigner le « nom du parraineur affiché de manière bien visible » et fournir un « avis de transparence facilement accessible » dans lequel on trouve le montant dépensé pour cette publicité, l’origine des fonds utilisés et une indication précisant que cette publicité a un lien avec tel ou tel scrutin, et qu’elle est, de fait, orientée à des fins électorales.
Plusieurs critères de ciblage pour les publicités politiques doivent aussi être bannis. Ceux-ci recouvrent les informations à caractère personnel parmi les plus sensibles, c’est-à-dire l’origine ethnique, l’orientation sexuelle ou encore les convictions religieuses. La liste n’est pas exhaustive, mais les éléments à interdire pourraient aussi intégrer l’état médical et d’autres domaines semblables nécessitant une protection accrue.
Le ciblage politique ne doit être possible qu’avec le consentement explicite des individus. Cette autorisation préalable constitue notamment l’un des piliers du droit européen ; elle figure notamment dans le Règlement général sur la protection des données (RGPD). On en voit notamment la manifestation quand il est proposé de s’inscrire à une liste de diffusion (newsletter), par exemple.
Ces publicités ciblées devraient quoiqu’il arrive dire qu’elles en sont, sur quelle base elles sont fondées, quels groupes de personnes ont été visés, sur quels critères, avec quels outils et quelles méthodes d’amplification. Il ne s’agit pas non plus d’une liste exhaustive. En cas d’information incomplète, la publicité politique ne sera pas autorisée à être publiée.
Des amendes en cas d’infraction
Pour assurer le bon respect des règles, la Commission européenne entend demander aux États membres de prévoir des amendes proportionnées aux cas de figure qui se présenteront à eux, mais suffisamment dissuasives pour dissuader les plateformes et les annonceurs de passer outre. En particulier, des pouvoirs de sanction seront donnés aux autorités de la protection des donnée, comme la Cnil en France.
L’intervention de l’exécutif européen de la question de la désinformation et de la publicité politique, notamment ciblée, apparaît comme comme une reprise en main d’un sujet sur lequel les grandes plateformes ne donnent pas satisfaction. À intervalle régulier, des déclarations sont faites et des engagements sont pris, mais ces réponses sont en deçà des attentes et paraissent tourner en rond.
Ce n’est toutefois pas demain la veille que les grandes plateformes du numérique et tous les tiers concernés devront changer ces publicités politiques du tout au tout. D’autant que la proposition de la Commission européenne est encore susceptible d’évoluer au fil de son parcours législatif, qui inclut un passage au Parlement européen et devant le Conseil des États membres.
L’échéance aujourd’hui retenue est de pouvoir boucler le texte au printemps 2023, afin de pouvoir mettre en œuvre ces nouvelles règles dès les prochaines élections européennes, qui se tiendront en 2024.
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