En effet, dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la CNIL a considéré que les adresses IP faisaient partie intégrante des données personnelles et donc, que les relever, archiver, pister, etc… constituait une atteinte à la vie privée.
Or l’harmonisation européenne et l’évolution des technologies demandent un bilan et une refonte de cette loi, qui offre par la même l’occasion de remettre en cause certaines protections qui gênent pouvoirs publics et personnes privées. Le Sénat a donc amendé en première lecture un projet de loi qui viserait non pas à modifier la nature personnelle de l’adresse IP, mais à autoriser le listing des utilisateurs de P2P échangeant illégalement des fichiers protégés par le droit d’auteur.
Des personnes morales (groupements d’individus que la loi considère comme une personnalité juridique distincte, des sociétés comme les maisons de disque par exemple) pourraient être autorisées à relever et archiver les adresses IP des internautes partageant des fichiers protégés.
Un amendement anticonstitutionnel ?
On peut s’étonner et s’inquiéter de cette proposition, mais ne sombrons pas dans la psychose. Car, comme le souligne Kad Redal dans les coulisses de la rédaction :
« Le Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle (c’est-à-dire supérieure à la loi) au principe du respect dû à la vie privée dans une décision du 23 juillet 1999. C’est un principe protégé notamment par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950, qui est d’applicabilité directe.
Il y aura donc certainement beaucoup de précautions prises dans l’application de cette loi si elle venait à être adoptée et validée, notamment sur les conditions de préservation des données, à l’image de ce qui se fait pour la vidéosurveillance. »
En effet un tel amendement permettrait évidemment d’entamer des poursuites contre des particuliers beaucoup plus facilement puisque les preuves apportées à l’audience seraient légitimées, mais il ouvrirait également la porte à d’éventuels abus. Ce d’autant plus que certains listings pourraient être mis en partage dans une base de données commune à un secteur d’activité.
L’Assemblée nationale doit normalement entamer la deuxième lecture du texte amendé en juin prochain. Espérons qu’ils y mettent les garde-fou nécessaires, ou le petit jeu du chat et de la souris sur le terrain du P2P pourrait bien se transformer en véritable combat pour la liberté…
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