« J’ai été hacké. Tous mes singes ont disparu. S’il vous plaît, aidez-moi ». L’appel à l’aide de Todd Kramer, lancé le 30 décembre 2021 sur Twitter, n’est pas passé inaperçu. Dans son tweet, Todd Kramer, le propriétaire d’une galerie d’art new-yorkaise, parlait de sa collection de NFT, plus spécifiquement de ses Bored Apes Yacht Club, des token très convoités et très chers.
Dans plusieurs messages, désormais supprimés, le galeriste a appelé à l’aide la communauté crypto, mais surtout OpenSea, l’une des plateformes de vente de NFT les plus importantes et sur laquelle de nombreux Bored Apes Yacht Club sont échangés. Et OpenSea a répondu en gelant leur vente.
Les NFT (pour non fungible token en anglais, jetons non échangeables en français) ont révolutionné le marché de l’art en quelques mois seulement. Ces « jetons » permettent d’inscrire des sortes d’actes de propriété dans la blockchain, et ainsi de permettre l’authentification de fichiers web « uniques ». C’est cette technologie qui a permis de créer un marché de l’art virtuel inédit, qui a battu tous les records en 2021— et qui attise les convoitises.
Les plateformes de vente des NFT ne sont pas décentralisées
La collection de NFT des Bores Apes Yacht Club est l’une des plus prisées : les singes qui sont représentés sur les tokens s’arrachent à prix d’or. Todd Kramer, qui a raconté sur Twitter son histoire, a expliqué que les 16 NFT qu’il s’est fait voler avaient une valeur de 615 ETH, soit un peu plus de 2 millions d’euros. Le vol aurait eu lieu grâce à un phishing, après que Todd Kramer a cliqué sur un lien qu’il croyait mener vers un site légitime.
Après son appel à l’aide sur Twitter, Todd Kramer aurait été contacté par OpenSea, et la plateforme aurait gelé toutes les ventes des « Singes » concernés. « Update… Tous les Apes sont gelés. J’attends des nouvelles des équipes d’OpenSea. J’ai bien appris ma leçon. […] Je ne pensais pas qu’autant de trolls existaient […] », peut-on voir sur Decrypt, qui a pu prendre une capture d’écran des tweets avant qu’ils ne soient supprimés par Todd Kramer.
Depuis, les NFT apparaissent toujours sur OpenSea, mais ils ne sont plus disponibles à la vente — et ils portent même une mention, spécifiant qu’ils ont été bloqués à cause « d’activité suspecte ».
Un système décentralisé, mais une plateforme incontournable ?
Si l’histoire peut sembler anecdotique (sauf pour les millions perdus), elle a cependant lancé un important débat au sein de la communauté crypto sur Twitter : une entité centralisée, comme OpenSea, a-t-elle vraiment le droit d’imposer ses règles dans le monde décentralisé des NFT ?
Sous les tweets désormais supprimés de Todd Kramer, de nombreuses personnes ont exprimé leur désaccord avec la méthode d’OpenSea. « Cela me semble vraiment anti-crypto de demander à des tierces parties de faire ça, et idéalement elles ne devraient pas pouvoir le faire » a ainsi fait remarquer un utilisateur de Twitter. « Dans un vrai système de propriété décentralisée, personne ne devrait être capable d’intervenir. »
De nombreuses personnes semblent partager cet avis. Sur le réseau social, entre moqueries et suspicions de « faux vol », l’histoire a fait ressurgir un vieux débat : peut-il vraiment y avoir un système décentralisé sur Internet, qui est, lui, dominé par des grandes plateformes, et donc reproduisant des mécanismes d’un système centralisé ? Pour l’instant, il n’y a pas de réponse à cette question — même si certains pensent que le passage au Web3, un internet décentralisé, pourrait régler ces problèmes.
Certains avancent, à raison, que les NFT peuvent tout de même être échangés sur d’autres plateformes, et non pas seulement sur OpenSea. La plateforme n’est, en effet, pas la seule à permettre l’achat et la vente de NFT. Mais c’est sans aucun doute l’une des plus connues et plus utilisées, et sa décision d’agir en bloquant des transaction remet forcément en cause une partie de l’idéologie de décentralisation liée à la blockchain.
La nouvelle du gel des NFT de Todd Kramer passe d’autant plus mal que, par le passé, certaines plateformes de vente n’ont pas protégé les victimes de vol. En mars 2021, plusieurs utilisateurs du site de vente de NFT Nifty Gateway se sont fait voler leur NFT, et la plateforme n’avait pas pris de mesures spéciales pour empêcher leur vente. Et quelques jours avant le vol des NFT de Todd Kramer, un autre utilisateur de twitter s’était plaint d’un sort similaire — sans que la plateforme ne fasse quoi que ce soit.
Le débat sur la responsabilité des plateformes à l’ère de la décentralisation ne fait que commencer.
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