Mozilla autorise des dons en cryptomonnaie depuis 2014. Mais ce n’est qu’en 2022 que cette possibilité a éclaté en polémique sur Twitter.

C’est un message banal en apparence, publié sur Twitter le 31 décembre, qui a mis le feu aux poudres. À quelques heures du Nouvel An, le compte officiel de la fondation Mozilla, qui édite Firefox, annonçait aux internautes la disponibilité d’une nouvelle modalité pour lui faire un don : faire un paiement via la plateforme BitPay, pour qui veut lui envoyer des unités de cryptomonnaie.

Le père de Mozilla allume Mozilla

Si le tweet ne fait pas trop de vagues au départ, une réaction en particulier lance les polémiques : il s’agit d’un message publié le 3 janvier par un certain @jwz sur le réseau social. Mais loin d’être un commentateur lambda, un parmi d’autres, ce pseudonyme obscur cache en fait Jamie Zawinski, un informaticien américain qui s’avère être le fondateur de… Mozilla.

L’intéressé a accompagné les premières années de Mozilla, en déposant le nom de domaine mozilla.org. Il est connu pour avoir contribué à Netscape, un navigateur qui a existé entre 1994 et 1998, année où l’entreprise a été rachetée par AOL. Jamie Zawinski a quitté Mozilla en 1999, il y a près de 23 ans, après des désaccords sur les orientations techniques pour le navigateur.

Mozilla dégage la majorité de ses revenus de contrats avec des moteurs de recherche pour son navigateur Firefox. Mais elle veut se diversifier. // Source : Mozilla
Mozilla dégage la majorité de ses revenus de contrats avec des moteurs de recherche pour son navigateur Firefox. Mais la fondation cherche à se diversifier. // Source : Mozilla

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le père de Mozilla est très remonté contre Mozilla.

« Bonjour, je suis sûr que celui qui gère ce compte n’a aucune idée de qui je suis, mais j’ai fondé Mozilla et je suis ici pour dire ‘allez vous faire voir’ et ‘merde à ça’. Toutes les personnes impliquées dans le projet devraient avoir terriblement honte de cette décision de s’associer à des escrocs de Ponzi qui incinèrent la planète », lit-on.

La remarque très emportée de Jamie Zawinski n’est que la face visible d’une série d’autres commentaires à l’avenant, à l’image de Peter Linss : « Hey Mozilla, je suppose que tu ne me connais pas non plus, mais j’ai conçu Gecko, le moteur sur lequel ton navigateur est construit. Et je suis à 100 % avec @jwz sur ce point. C’est. Quoi. Ce. Bordel. Tu étais censé être meilleur que ça. »

Sous le tweet de Mozilla comme sous celui de @jwz, des interventions semblables peuvent être trouvées sans peine avec un langage plus ou moins fleuri. Mais ce n’est pas tout : parmi les internautes les plus agacés, on trouve aussi des personnes qui considèrent cette décision de fricoter avec BitPay et les cryptomonnaies comme une cause majeure de divorce.

Les réactions ne reprochent pas à Mozilla de faire des appels aux dons ou de passer par tel ou tel service de transaction pour traiter les versements.

Ce qui est reproché, c’est que la fondation entre dans la boucle du Bitcoin, compte tenu de tous les reproches qui sont adressés aux cryptomonnaies sur leur caractère énergivore, avec un impact excessif sur la consommation électrique pour faire tourner toute l’activité de minage, et la crainte qu’elles débouchent sur une pyramide de Ponzi, en somme, une escroquerie.

Dès lors, au regard des critiques de plus en plus vives qui émergent contre les cryptomonnaies, leur utilité et la façon dont elles sont produites, le rapprochement apparent de Mozilla avec ce monde accusé de spéculer dans le vide, est perçu, aux yeux de ces internautes, comme un comportement qui ne colle pas avec le manifeste de la fondation pour un Internet plus sain.

Sans parler de ses engagements envers le climat :

Une polémique à retardement

Ce qui interpelle toutefois, c’est le timing : il s’avère que Mozilla accepte déjà et depuis très longtemps des dons en cryptomonnaie. Nous avions couvert l’actualité en novembre 2014, il y a plus de sept ans — ce qui, en temps web, représente un écart considérable. Et à l’époque, les réactions étaient nettement moins emportées qu’aujourd’hui.

À l’époque, Mozilla suivait une tendance visible aux USA : plusieurs organisations, comme Greenpeace, Sea Sheperd et la Croix-Rouge, s’étaient décidées à accepter les dons faits en bitcoins. On a aussi vu des structures libristes, comme LibreOffice, s’y mettre. Certains partenariats avec BitPay, qui était le service souvent choisi, ont toutefois fini par cesser, avec le temps.

Mozilla a, semble-t-il, décidé de poursuivre dans cette direction, en changeant au passage de prestataire de paiement. Avant, c’était Coinbase qui était chargé de récupérer les montants versés par les internautes, avant de les transférer à la fondation. Mais depuis, c’est BitPay, qui accepte Bitcoin, Bitcoin Cash, Dogecoin, Ethereum, Litecoin, XRP, Shiba Inu et des stable coins.

L’emportement de nombre d’internautes à l’égard de Mozilla peut surprendre au regard de l’acceptation de longue date de dons en cryptomonnaie par la fondation pour obtenir des financements par un canal supplémentaire, toujours dans cette optique d’accroître son indépendance financière à l’égard de Google — qui reste le principal pourvoyeur de fonds.

Ce réveil tardif des internautes pour un deal avec Coinbase puis BitPay est le signe que les gens n’en avaient pas la moindre idée jusqu’à présent. Ou, si c’était le cas, il n’avait pas suscité d’esclandre alors. Sans doute que les soucis que l’on rattache habituellement aux cryptomonnaies, comme l’impact écologique, n’étaient peut-être pas aussi prégnants entre 2014 et 2022.

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