Qui l’eût cru ? Eh bien, à peu près tous les observateurs qui prennent un minimum de recul sur le Métaverse, l’un des mots les plus utilisés et les moins compris du monde de la tech en ce début d’année 2022.
Tout a débuté par le tweet d’un certain Homo Diditalis, un compte qui se présente comme dédié aux « informations au cœur du métaverse ». Il y partage, le 3 janvier 2022, une vidéo de 2 minutes : « Voici comment Walmart imagine vos courses dans le Métaverse.»
On y plonge dans une sorte de jeu vidéo à la première personne, où un client derrière son caddie virtuel se balade dans des rayons de la grande chaîne de distribution américaine, aidé dans sa sélection par une assistante de magasin tout aussi irréelle.
Le tweet, partagé 30 000 fois, a permis à ce clip d’engranger 7 millions de vues. La vidéo n’a pourtant rien à voir avec le Métaverse : elle date en fait de 2017 et a été inventée par une startup appelée Mutual Mobile pour « briller au festival South by Southwest », peut-on lire sur la page de l’entreprise, repérée par un développeur. C’est toutefois bien Walmart qui l’aurait approchée pour « réinventer l’expérience du shopping ».
À vue de nez pourtant, la réinvention semble plus que modeste. Ce que l’on observe, à contrario, a tout du voyage classique dans un supermarché, déambulation déprimante et overdose de choix inclues. On voit même, un moment, le consommateur se saisir d’une bouteille de lait, mais sa main virtuelle la laisse s’échapper par manque de précision de l’interface. De quoi se rajouter des difficultés dans un univers virtuel. Le futur est là ?
Le Métaverse existe, parce qu’on dit qu’il existe
La découverte de la véritable année de création de clip a de quoi faire sourire, tant elle illustre bien l’emballement qui entoure le développement d’un concept qui existe simplement parce que quelqu’un a dit qu’il existait. Cet homme n’est pas n’importe qui : il s’agit de Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, enfin, il faut dire Meta à présent.
Le 28 octobre dernier, le milliardaire de 37 ans a diffusé une longue vidéo dans laquelle il annonçait le changement de son groupe (qui inclut Facebook, Instagram, WhatsApp et Oculus, qui ne s’appelle plus Oculus, mais aussi Meta) pour correspondre à ses ambitions futuristes : le développement du Métaverse, un projet d’univers virtuel dans lequel les gens évolueraient en 3D. Pour le créer, Meta compte embaucher 10 000 personnes sur 5 ans.
On le faisait déjà remarquer à l’époque : le Métaverse n’existe pas encore qu’il a déjà l’air ringard, avec ses faux airs de Second Life, ses avatars figés, ses tenues personnalisées virtuelles, ses écrans transparents et ses hologrammes gênants.
On repense aux vidéos de MagicLeap, l’entreprise qui promettait en 2015 que ses lunettes de « réalité mixte » (un mélange de virtuelle et d’augmentée) révolutionnaires allaient permettre de faire apparaître des éléments virtuels dans la vraie vie. Où l’on pouvait déjà se permettre de demander : qu’ai-je à gagner à afficher mon Gmail en réalité augmentée, virtuellement devant moi ?
Plus grave encore, les promesses de l’entreprise ont ensuite été debunkées, lorsque les observateurs ont réalisé que MagicLeap n’émettait que des suppositions : la startup n’avait ni la technologie adaptée, ni l’interface logiciel. Juste les idées. Ça vous dit quelque chose ?
Alors, oui, Mark Zuckerberg n’est pas un jeune entrepreneur en quête de levées de fonds pour l’aider à bâtir son projet. Mark Zuckerberg a tout l’argent dont il peut rêver : Facebook, Instagram et WhatsApp valent des centaines de milliards de dollars et sa fortune personnelle s’élève à 129 milliards de dollars.
S’il le souhaitait, il pourrait construire son Métaverse sur ses propres deniers. Et pourtant, ce n’est même pas ça, son plus grand atout. La plus grande force de Mark Zuckerberg, c’est que tous les autres hommes veulent devenir Mark Zuckerberg. Les experts, les investisseurs, les entreprises ont si peur de « louper le coche » que leurs patrons sont déjà des centaines de milliers à suivre Meta les yeux fermés.
Qu’importe que les avancées technologiques soient encore si peu convaincantes dans la réalité virtuelle, que le public ne se soit approprié aucun outil de réalité virtuelle ou augmentée, que toutes les entreprises qui se soient lancées sur le sujet finissent par « pivoter vers le B2B », que 30 % à 40 % des utilisateurs souffriraient de cybercinétose ou encore du fait que l’on appelle désormais Métaverse tout et n’importe quoi (même des jeux vidéo qui existent depuis des années).
« Carrefour, premier sur le metaverse », peut-on lire ici. Et pourquoi se priverait-il ? « Demain, le consommateur choisira de vivre une expérience de shopping chez une enseigne, en magasin, en ligne via le mobile ou via une expérience de VR », assure Guillaume Cavaroc, directeur commercial à Meta France, enchainant sur cette affirmation des plus déprimantes : « On peut le concevoir de deux façons : en faisant du e-commerce augmenté via des expériences de réalité virtuelle permettant d’acheter des produits physiques dans le métaverse ; mais aussi en proposant des produits et des services dématérialisés dans cet écosystème (autour des avatars par exemple).»
On en revient au shopping virtuel. La joie de reproduire une expérience de consommation avilissante, mais dans le confort de son canapé.
Le futur, c’est maintenant.
Ou visiblement, en 2017.
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