Les réseaux sociaux voient se durcir depuis quelques jours les factions anti- et pro-crypto, avec des porte-étendards que tout semble opposer sur le bitcoin. Le camp de l’incrédulité dénonçant les vices de la cryptomonnaie originelle contre celui de l’enthousiasme professionnel insistant sur les vertus.

Deux logiciels de pensée s’affrontent. Haut fonctionnaire contre consultant blockchain. Partisan d’une création monétaire au service de l’écologie versus redresseur des malhonnêtetés intellectuelles contre bitcoin.

D’un côté, Nicolas Dufrêne, économiste directeur de l’Institut Rousseau, coauteur du livre La monnaie écologique, manifeste pour un financement public de la transition verte, et cosignataire en décembre d’une tribune dans Le Monde devenue virale. Il faut dire qu’il y étrille bitcoin, le condamnant sans autre forme de procès à l’inutilité économique et sociale, si ce n’est un désastre environnemental.  

De l’autre côté, Alexandre Stachtchenko, cofondateur du centre d’expertise en technologies du web décentralisé Blockchain Partner, passé sous pavillon du géant de la consultance KPMG, et auteur d’une récente tribune publiée dans l’excellente newsletter 21 millions ayant désormais valeur d’évangile dans la cryptosphère : Manuel de survie dans la jungle des poncifs anti-Bitcoin.

Aller contre les idées reçues sur le bitcoin : des exemples pragmatiques

Non content du rayonnement de sa bonne nouvelle, le conseiller survivaliste a mis en ligne dimanche soir sa ‘director’s cut’ sur Medium, une édition sensiblement augmentée dudit manuel pro-bitcoin (une quinzaine de pages !) (37 minutes de temps de lecture!) mais aussi copieusement sourcée (65 références).

Alexandre Stachtchenko profite du format pour y déconstruire plus en détail les erreurs et inexactitudes qu’il prête à son opposant, avec des arguments déjà présents dans la version courte de son plaidoyer initial. Au risque de répondre aux poncifs par d’autres poncifs, il prend soin d’ajouter des exemples concrets des utilités de la technologie :

« Bitcoin est une industrie comme une autre », note le directeur crypto de KPMG. Au sens où le réseau blockchain crée de la valeur, des revenus et mécaniquement des impôts.

Il fait ensuite remarquer que deux des 18 licornes françaises (ces sociétés valorisées au montant symbolique du milliard de dollars) sont issues du monde des cryptos « dont bitcoin est la voiture de tête : Ledger et Sorare ».

Pour mémoire, la startup Ledger est leader mondial des fabricants de hardware wallets, et le jeune entreprise Sorare, une autre référence mondiale mais de fantasy sport avec sa plateforme de gaming blockchain à la croisée des cartes Panini et du jeu Football Manager.

Autrement dit, des centaines d’emplois directs et indirects en France. Ainsi qu’une « réindustrialisation dans des endroits sinistrés par la mondialisation », épingle Alexandre Stachtchenko, citant notamment l’usine Ledger à Vierzon.

Plus généralement, poursuit-il, l’industrie crypto affiche une relativement bonne distribution sur le territoire : BigBlock DC à Nantes, StackinSat à Biarritz, Woleet à Rennes, Just Mining à Metz… En plus, il s’agit d’entreprises rentables. « On a tendance à l’oublier, mais c’est devenu assez rare dans les nouvelles technologies », ironise l’expert blockchain. « Pas mal pour un secteur qui n’a pas 10 ans, et dont la majorité des entreprises peine à ne serait-ce qu’ouvrir un compte en banque, non ? »

Ajoutons au passage l’actif immatériel, dans tous les sens du terme, tant les détracteurs du bitcoin peinent à le cerner alors qu’il participe à la valeur sous-jacente de la cryptomonnaie : la communauté humaine structurée par et pour cet écosystème industriel, impliquée bien souvent dans ce qu’elle croit relever d’un projet de société.

Source : Nino Barbey pour Numerama
Source : Nino Barbey pour Numerama

Coûts/bénéfices énergétiques du bitcoin

Autre point aussi polémique que rarement débattu avec objectivité, la gloutonnerie électrique du bitcoin. Condition sine qua non à la sécurité du réseau (ce n’est pas un bug, c’est une fonctionnalité critique), son impact environnemental demeure encore biaisé.

Alors, plutôt que d’argumenter qu’un système monétaire universel comme bitcoin ne se fait pas sans coût, Alexandre Stachtchenko soutient que l’aspect énergivore représente une aubaine par rapport… aux énergies renouvelables (ENR).

Sources non-pilotables et intermittentes, les ENR comportent un handicap économique majeur, rappelle-t-il : on doit installer une capacité de production bien supérieure à la consommation nécessaire. Ce qui génère une énergie « perdue », le stockage restant extrêmement compliqué et coûteux.

Or, suggère le consultant crypto, pour rentabiliser, pérenniser et accélérer le déploiement de ces ENR, afin de rencontrer les objectifs climatiques par exemple, il existe une industrie extrêmement mobile, capable de s’installer n’importe où, pour absorber les surplus d’énergie lorsqu’ils sont présents, et partir autre part lorsque le réseau électrique est développé ou lorsque ce n’est plus nécessaire : le minage de bitcoins.

« Le mineur français Sébastien Gouspillou et sa société Big Block DataCenter effectuent précisément ce travail-là dans de nombreux pays, dont le récent Salvador qui souhaite profiter de ses ressources géothermiques », mentionne Stachtchenko. Et de ponctuer: « Au Congo, il participe ainsi au ralentissement de la déforestation, en permettant de rentabiliser la création de centrales hydroélectriques et du réseau qui va avec, afin de substituer l’électricité au bois pour les populations locales. »

De quoi être vert ?

Difficile de penser que les mineurs de bitcoin absorbent l’énergie excédentaire et n’entrent pas en concurrence avec d’autres industries ou utilisateurs résidentiels. Surtout quand l’actualité martèle des coupures de courant au Kosovo ou au Kazakhstan.

Pourtant, même la très conservatrice Université de Cambridge, responsable du très médiatisé indice de consommation d’électricité de bitcoin (CBECI), observe ce phénomène d’exploitation des actifs énergétiques gaspillés.

Quantifier avec précision la part des énergies renouvelables dans le minage de cryptomonnaie reste un défi dont la nature technologique du bitcoin constitue le principal obstacle (décentralisation et pseudonymisation des mineurs). Les estimations reposent dès lors sur des hypothèses, avec des scénarios du meilleur et du pire pour fixer une conso « théoriquement possible ».

Cambridge chiffrait la proportion d’électricité verte à environ 40 % avant le boycott des activités par la Chine en 2021. D’autres données en provenance du lobby crypto tel que le Bitcoin Mining Council évoquent même des taux déjà proches de 60 %.

Une initiative du secteur privé soutenue par l’ONU, le Crypto Climate Accord, ambitionne d’atteindre d’ici la décennie suivante la neutralité carbone avec un mix énergétique 100 % durable. On y retrouve entre autres parmi les soutiens industriels le groupe français Engie, la filiale blockchain d’EDF ou, pour n’en citer que trois exemples, KPMG.

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