Le début de l’année avait mal commencé pour ASML, mais depuis l’horizon s’est quelque peu éclairci. Affectée par un incendie qui s’est déclaré sur son site berlinois le 3 janvier, l’entreprise néerlandaise a communiqué sur l’ampleur des dégâts, une fois que l’inventaire des matériels détruits ou abimés a pu être bouclé. Et les nouvelles sont plutôt réconfortantes.
À l’occasion de la présentation de son bilan financier pour le quatrième trimestre 2021 et pour l’année entière, le 19 janvier, le groupe évoluant dans le monde des semi-conducteurs a considéré que le feu aura un impact finalement limité sur ses performances commerciales et sur sa capacité de production, ce qui est une bonne nouvelle en ces temps de pénurie dans l’industrie high tech.
« Sur la base de nos connaissances actuelles, nous pensons pouvoir gérer les conséquences de cet incendie sans impact significatif sur la production de nos systèmes pour 2022 », écrit le groupe, qui dit prévoir une croissance de 20 % de son chiffre d’affaires cette année, malgré la destruction d’une partie du bâtiment en Allemagne.
Dès le 7 janvier, ASML avait présenté une évaluation préliminaire des dégâts, en soulignant notamment quels bâtiments et quelles productions étaient épargnés et quels étaient ceux et celles qui étaient touchés. Dans ce dernier cas, des nuisances sur la production de composants par lithographie DUV (Deep Ultraviolet) et EUV (Extreme Ultraviolet) ont été relevés.
Complètement inconnue du grand public, ASML est une firme pourtant stratégique dans le domaine de la high tech, car elle dispose d’un savoir-faire exceptionnel, pour ne pas dire unique, dans la production des puces les plus pointues du marché. Cette capacité vient d’un procédé de gravure qui se fait dans l’ultraviolet : la lithographie extrême ultraviolet.
Cette technique exploite le rayonnement ultraviolet pour graver des circuits avec un degré de miniaturisation extrême, de l’ordre de quelques nanomètres. Pour cela, la société néerlandaise construit des machines industrielles spéciales, capables de générer un rayon ultraviolet d’une très grande finesse et, par conséquent, d’accroitre la densité des transistors sur une même surface.
Alors qu’il existe déjà des puces dont la gravure atteint une finesse de 7, voire 5 nanomètres (bien qu’à cette échelle, les comparaisons n’ont plus guère de sens, car d’autres facteurs jouent de plus en plus, comme la géométrie des transistors ou la manière d’assembler et d’intégrer les puces), la longue d’onde ultraviolet avec l’EUV permet de descendre au seuil des 3 nanomètres
Et les machines fabriquées par ASML sont proprement énormes. Chaque unité pèse 180 tonnes, nécessite un assemblage qui s’étale sur presque vingt semaines et coûte 100 millions d’euros. En 2020, on recensait à peine 31 machines EUV sur les 258 systèmes de photolithographie vendus par ASML. Malgré un nombre de vente EUV en apparence faible, elle est leader de son segment.
Enjeu européen de souveraineté tech
Pour l’Europe, ASML est donc hautement stratégique. Et elle aura un rôle à jouer dans les ambitions du continent en matière de puces : le 20 janvier, Ursula von der Leyen a estimé que les besoins européens « vont doubler dans les dix années à venir ». Et pour des raisons d’indépendance, il faudra que, 20 % de la production mondiale de puces soient en Europe en 2030.
Un plan en ce sens doit être présenté en février, avec une législation dédiée. Cinq axes seront au cœur du projet :
- Renforcer la capacité d’innovation et de recherche, de niveau mondial, en Europe ;
- S’assurer la primauté de l’Europe dans la conception et la fabrication ;
- Adapter les règles en matière d’aides d’État, en les assortissant d’un ensemble de conditions strictes pour offrir un soutien public à des installations de production européennes inédites qui bénéficieront à l’Europe ;
- Étendre gamme d’instruments pour anticiper les pénuries et les crises dans ce secteur et être en mesure d’y réagir, et ainsi consolider la sécurité européenne en matière d’approvisionnement ;
- Soutenir les petites entreprises innovantes pour qu’elles aient accès à des compétences avancées, trouvent des partenaires industriels et bénéficient de financements par fonds propres.
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