Comment proposer de la publicité ciblée aux internautes, sans (trop) les cibler ? Voilà la quadrature du cercle que voudrait bien résoudre Google en imaginant de nouveaux dispositifs capables, sur le papier, de remplacer les cookies tiers et le ciblage individualisé des internautes. Mais sortir ces deux facteurs de l’équation publicitaire est un exercice plus difficile qu’il n’y paraît.
Le projet FLoC n’a pas eu le succès escompté. En résumé, il s’agissait de placer chaque internaute dans un groupe — une cohorte — assez large, de plusieurs milliers d’individus. Les membres d’une cohorte étaient censés partager un profil semblable. En clair, le suivi montait d’un cran : il n’était plus individuel, mais au niveau du groupe.
Mais très vite, l’initiative a suscité de la méfiance. Un premier signal fâcheux a été perçu en 2021, lorsque les premiers tests de FLoC ont commencé dans diverses régions du monde, sauf en Europe, là où s’applique le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Un mouvement anti-FLoC a également vu le jour, avec des sites refusant de participer à ce programme.
Google acte donc l’impasse de FLoC, qui est désormais écarté. Mais Google ne peut pas en rester là, compte tenu de son modèle économique qui repose presque en totalité sur la publicité, notamment ciblée. À titre d’exemple, celle-ci composait 88 % du chiffre d’affaires de sa maison-mère, Alphabet, en 2017. C’est un enjeu stratégique pour le groupe.
Associer 3 centres d’intérêt aux internautes
À la place, Google tente donc une nouvelle approche, présentée ce mardi 25 janvier : il s’agit d’une API (acronyme pour interface de programmation : cela permet à un logiciel d’obtenir des données venant d’une application tierce, nécessaires pour les tâches qu’il a à accomplir, dans les limites de ce que l’API autorise) pour sa Privacy Sandbox.
La Privacy Sandbox est un environnement inséré dans Google Chrome, dans lequel l’entreprise américaine explore des alternatives aux cookies tiers pour ce qui est de la publicité (c’est dans la Privacy Sandbox que se déployait par exemple FLoC). La Privacy Sandbox date de 2019 dans le navigateur et c’est elle qui doit concilier, en théorie, vie privée et publicité.
La nouvelle proposition de Google, qui pourrait être déployée d’ici fin 2022 si les obstacles sur sa route ne sont pas insurmontables, consiste à associer des thèmes (« Topics », qui est d’ailleurs le nom de l’API et de ce nouveau projet) aux internautes. Ces thèmes seraient au nombre maximum de trois, issus des trois dernières semaines de navigation et, enfin, supprimables.
Ces thèmes sélectionnés sur la base de l’historique de navigation sont censés être « représentatifs des principaux centres d’intérêt des utilisateurs pour une semaine donnée » et sélectionnés par les algorithmes de Chrome. Ensuite, ils sont conservés trois semaines, puis supprimés. Google assure qu’à aucun moment, ces processus n’impliquent des serveurs externes, y compris les siens.
Les thèmes, eux, circuleront : Google dit que l’API transmet les centres d’intérêt aux sites qui participent à Topics, ainsi qu’aux annonceurs partenaires. La présence dans ce projet se base a priori sur le volontariat, mais compte tenu de la disparition future des cookies tiers dans Google Chrome, les sites risquent de ne pas avoir de marge de manœuvre pour rester en dehors.
Google précise par ailleurs qu’il y aura des paramètres de contrôle permettant aux internautes de visualiser les thèmes partagés, de supprimer ceux qu’ils n’apprécient pas (on devine alors que les centres d’intérêt rejetés seront remplacés par une autre sélection) et même de « désactiver entièrement la fonctionnalité », assure Vinay Goel, le directeur produit pour la Privacy Sandbox.
« Grâce à Topics, les navigateurs peuvent offrir transparence et contrôle à leurs utilisateurs vis-à-vis de ces données », considère-t-il d’ailleurs. Car ce sont sur ces deux points que Google insiste : le traitement s’effectue intégralement du côté de l’internaute, sur son appareil, et non pas à distance. Et les thèmes sont à la fois temporaires et supprimables si besoin.
Dernière précision d’importance : les thèmes que Topics gère sont censés être à la fois convenables et ne pas être trop sensibles : « les thèmes sont sélectionnés avec attention afin d’exclure les catégories potentiellement sensibles, telles que le genre ou l’appartenance ethnique », déclare ainsi l’entreprise américaine. Un ciblage de ce genre pourrait sinon causer la perte de Topics.
Quelle est la suite du programme ? Maintenant que Topics a été dévoilé, Google prévoit de lancer bientôt une expérimentation sur Chrome avec l’éventail des principales commandes pour l’internaute et un attirail technique pour pouvoir tester l’API du côté des sites web. Google prévient que les contours de l’API sont susceptibles de bouger selon les retours qu’il aura.
Google, en tout cas, cherche à ajouter une logique de co-construction à son projet : ainsi, la conception finale et les aspects techniques « seront définis en fonction de vos retours et des enseignements que nous tirerons de cette expérimentation ». En clair, pour éviter les malentendus et les maladresses avec Topics, Google invite tout le monde à participer à la Privacy Sandbox et sur GitHub.
« Chaque proposition de la Privacy Sandbox fait l’objet d’un processus qui implique de longues discussions avec la communauté web et des phases d’essai. Il s’agit d’un effort collaboratif et open source », insiste d’ailleurs Google. Quel accueil recevra Topics, après la levée de boucliers à l’encontre de FLoC ? La réponse sera sans doute rapidement connue cette année.
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