Le Salvador est le seul pays, pour l’heure, à avoir fait du bitcoin une monnaie légale. Mais d’autres pays pourraient envisager de faire le même pari. Un rapport de KPMG dévoile les raisons qui pourraient les pousser à faire de même et la liste des candidats les plus probables.

Partout dans le monde, désormais, des internautes s’échangent du bitcoin. Mais il n’y a pour l’heure que dans un seul pays, au Salvador, que cette crypto-monnaie possède le statut de monnaie légale (aux cotés du dollar). D’autres États pourraient-ils faire le même pari que le président salvadorien fan de bitcoin Nayib Bukele et donner cours légal à cette crypto-monnaie ?

Dans son rapport sur les perspectives des cryptomonnaies de janvier, Blockchain Partner by KPMG dévoile les facteurs qui pourraient inciter d’autres pays à suivre une stratégie similaire. Le premier : est-ce que le pays reçoit beaucoup de transferts d’argents de l’étranger ? L’argent que des expatriés envoient à leurs proches restés dans leur pays d’origine constitue une part significative des ressources de certains pays. Or, ces transferts opérés notamment par Western Union sont lents et coûtent assez cher. Les crypto-monnaies pourraient à ce niveau offrir une alternative intéressante.

Le président salvadorien Nayib Bukele a mené la transition bitcoin tambour battant. // Source : Flickr / Presidencia El Salvador
Le président salvadorien Nayib Bukele a mené la transition bitcoin tambour battant. // Source : Flickr / Presidencia El Salvador

Des populations qui n’ont pas de compte bancaire

Autre point stratégique : quelle part de la population a accès à un compte bancaire ? Dans le monde, 1,7 milliard de personnes n’en possèdent pas. « En revanche, même dans les zones les plus pauvres, les moins développées, l’accès aux smartphones (et à internet plus largement) est aujourd’hui largement répandu », souligne KPMG. Les options de paiements digitaux qu’offrent les crypto-monnaies sont donc un vrai plus à ce niveau.

Selon le cabinet de conseil, le bitcoin pourrait également intéresser les pays où l’inflation et la volatilité sont un réel problème. Pour lutter contre ces phénomènes, certains États ont dû adosser leur monnaie nationale au dollar ou à l’euro. Cela a l’avantage de stabiliser la monnaie de l’état, mais l’inconvénient de réduire grandement sa marge de manœuvre sur sa politique monétaire. Si le cours du bitcoin devient moins volatil avec le temps, il pourrait représenter une voie alternative pour lutter contre l’inflation, souligne KPMG.

Tirer profit de l’énergie « gaspillée » avec le minage

Autre raison qui pourrait pousser des États à faire du bitcoin une monnaie légale : l’énergie. Les pays utilisant beaucoup l’hydroélectricité par exemple, produisent souvent des surplus d’énergie qu’ils ne peuvent stocker. Cette énergie « gaspillée » pourrait être récupérée et exploitée pour miner des crypto telles que le bitcoin, et donc gagner de l’argent;

D’autres facteurs pourraient également pousser certains pays à adopter le bitcoin comme monnaie légale, par exemple :

  • le niveau d’adoption des crypto-monnaies : dans certains pays tels que le Vietnam, les Philippines ou le Maroc, il est assez élevé
  • l’état de la dette souveraine : si le pays a une grosse dette publique à rembourser dans une monnaie étrangère telle que le dollar, il sera plus réticent à donner cours légal au bitcoin.
  • les sanctions : si un pays est ciblé par des des sanctions / embargos, l’adoption du bitcoin pourrait faciliter les échanges à l’échelle internationale
  • la balance importations / exportations

Les pays qui pourraient faire le pari du bitcoin

En prenant en compte ces divers facteurs, KPMG dresse la liste des pays qui seraient le plus susceptibles de suivre l’exemple du Salvador. En Amérique Centrale, le cabinet de conseil pointe le Honduras, le Nicaragua, le Guatemala, la République Dominicaine et la Jamaïque. En Afrique du Nord-Ouest, le Maroc et le Sénégal. Dans la région Asie Centrale / Caucase, la Géorgie, l’Ouzbékistan, l’Arménie, le Tajikistan, le Kirghizistan et le Pakistan. Dans l’Asie du sud-est, le Vietnam, les Philippines et le Sri-Lanka.

Le nombre de pays qui tenteront ce pari dépendra beaucoup de ce que va donner la loi bitcoin au Salvador. Le bitcoin n’y a cours légal que depuis septembre 2021, et il est encore trop tôt pour dire si ce pari était judicieux.

Comme le note le rapport de KPMG, les petits commerces salvadoriens sont pour l’heure encore loin de tous proposer le paiement en bitcoin. Et, « alors qu’une bonne partie du pays est en zone rurale, certains régions ont des difficultés à bénéficier d’une connexion internet convenable et donc à utiliser Bitcoin ». Le portefeuille crypto Chivo mis à disposition des Salvadoriens pour utiliser le bitcoin connait quelques ratés techniques, avec des transferts de fonds qui n’aboutissent parfois pas.

Le Salvador est la vitrine du bitcoin

Le FMI est très hostile à la stratégie bitcoin du Salvador. Le 25 janvier encore, il a de nouveau exhorté le Salvador à faire machine arrière et à retirer le statut de monnaie légale au bitcoin, estimant qu’il pose « des risques importants sur la stabilité financière, l’intégrité financière et la protection des consommateurs ». La loi bitcoin complique d’ailleurs les négociations du Salvador avec le FMI pour obtenir un prêt de 1,3 milliard de dollars.

Le fait que le bitcoin ait, comme la plupart des cryptomonnaies, dégringolé ces derniers temps, rend le pari du Salvador encore plus incertain. Plusieurs banques centrales ont prévu de remonter prochainement les taux d’intérêt afin de lutter contre l’inflation.

Emprunter de l’argent coutera donc plus cher et cela rend les investisseurs plus frileux à tenter des paris risqués comme les crypto-monnaies. En janvier, le cours du bitcoin a significativement chuté, jusqu’à atteindre 29 770 euros le 24 janvier dernier. C’est quasi deux fois moins que ce que le bitcoin valait en novembre 2021.

Reste à voir désormais dans quelle mesure le bitcoin va rebondir et pourrait aider l’économie du Salvador. Si le président Nayib Bukele, obtient les résultats qu’il espère — une meilleure inclusion financière de la population, des transferts facilités et moins chers et une hausse des investissement étrangers — cela pourrait inciter d’autres pays à suivre son exemple.

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