Le statut d’or numérique du bitcoin, présenté comme valeur refuge next gen, prend du plomb dans l’aile. Le cours de la cryptomonnaie s’est effondré depuis l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie. Mais la réalité financière serait plus nuancée que ce rouge qui domine sur le marché.
Le scénario du pire semble se réaliser. Une pluie de missiles russes s’est abattue sur des villes ukrainiennes. Un conflit armé sur le sol européen avec menace de guerre mondiale proférée par Vladimir Poutine à quiconque s’opposerait à lui.
La plus grande cryptomonnaie par capitalisation, le bitcoin, a vivement rougi en réaction à cette escalade des hostilités. Sa courbe a plongé dès les premières minutes qui ont suivi la déclaration belliqueuse cette nuit. Son prix se tourne désormais plus vers les 30.000 $ l’unité que des 40.000 tenus hier encore.
Boussole pour les autres devises digitales, le BTC a entraîné dans sa chute Ethereum (ETH), Ripple (XRP), Cardano (ADA) dont les pertes oscillent entre 10 et 20 %. Si certaines cryptos font de la résistance, l’ensemble du marché s’est effondré, abandonnant à l’heure d’écrire ces lignes plus de 1 500 milliards de dollars.
Contagion par les marchés classiques
Ce plongeon du bitcoin et de ses alter ego indique que la « crypto-bourse » se comporte grosso modo comme les places financières traditionnelles, les Bourses européennes accusant un « violent trou d’air dû à l’attaque russe » à l’instar de celle de Moscou ou des autres indicateurs boursiers.
Le bitcoin semble se négocier comme des actions d’entreprises cotées au lieu de réagir comme l’or, valeur refuge, dont le cours s’apprécie suite à l’affrontement entre armées ukrainiennes et russes.
Certains argueront que le scénario financier était binaire. Pile ou face. Le BTC pouvait grimper ou dégringoler. Mais le comportement baissier du bitcoin n’en a pas moins surpris les observateurs avisés.
S’avouant lui aussi étonné, Sam Bankman-Fried (SBF pour les initiés), le patron de l’imposante plateforme d’échange crypto FTX, a fait remarquer que « si le monde devenait *shittier*, les gens disposaient de moins de cash libre ». Il n’était donc pas illogique que « vendre du BTC serve à financer la guerre ».
Arsenal financier
Cela étant dit, poursuit le jeune entrepreneur milliardaire, la situation de conflit impacte négativement les systèmes financiers et, par-là, les devises d’Europe de l’Est. Les Ukrainiens pourraient chercher des alternatives dans les cryptomonnaies. En septembre dernier, le Parlement ukrainien avait justement adopté une loi légalisant le bitcoin, première étape d’une campagne visant à installer durablement le commerce florissant des cryptos dans le pays.
En parallèle, le président russe avait récemment multiplié les signaux d’ouverture à l’égard du bitcoin et des monnaies numériques. Contre l’avis de sa propre banque centrale. Mais le Kremlin a étudié la possibilité de traiter le BTC comme une devise étrangère, telle que le dollar américain. Ainsi officialisé, le bitcoin renforce l’arsenal financier de Moscou pour échapper aux sanctions, du rival historique notamment qu’est Washington.
Nous tentons d’attribuer des intentions humaines à toutes ces transactions financières, qui seraient empreintes de stratégies géopolitiques, philosophies monétaires et autres psychologies financières. C’est oublier que les marchés, singulièrement ceux des cryptomonnaies dont certains sont automatisés, sont aussi animés par des algorithmes.
Gavés de données, ces protocoles informatiques dictant des investissements à six chiffres en moins de temps qu’il n’en faut pour lire cette phrase renforcent les corrélations avec les indices boursiers classiques.
Aversion au risque et BTC au rabais
Ou alors, le marché crypto subit mécaniquement l’aversion au risque qui a tendance à assécher les autres places financières en temps de guerre. Tout le monde étant occupé à vendre (un peu, beaucoup, désespérément), les marchés deviennent moins liquides, les prix plus volatiles. Quel investisseur va massivement (r)acheter du bitcoin à ce moment-là ?
Cette chute des cryptomonnaies tendrait à démontrer que ce secteur technologique reste une classe d’actifs naissante et ne remplace pas encore l’actif millénaire qu’est l’or. Cependant, des données permettent de relativiser la dégringolade actuelle. À commencer par le fait que nombre d’investisseurs conservent précieusement leurs bitcoins.
Les analyses permises par la blockchain indiquent que les portefeuilles des « holders », ces détenteurs à long terme, contiennent des volumes record BTC (76,5%). Et ce, malgré la baisse des prix. Le statut d’or numérique qu’on confère au bitcoin demeure valide. Avec ce statut, les potentielles capacités de refuge de la plus grande cryptomonnaie du monde.
Enfin, soulignons que certains indicateurs apportent un peu de réconfort les détenteurs de bitcoins. Sur les crypto-bourses Coinbase et Binance, les « carnets de commandes », c’est-à-dire les listes des ordres qui traduisent l’intérêt des acheteurs et des vendeurs pour un actif, signalent des prochains soutiens techniques.
La vente de bitcoins n’est certainement pas terminée mais des investisseurs se tiennent prêts à acheter du BTC si le prix passe entre 30.000 et 28.000 $. Ce qui amortira possiblement la chute.
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