Localiser une antenne qui émet des signaux vers les satellites n’est pas hors de portée de l’armée russe. Et l’utilisation de Starlink par les Ukrainiens est sue de Moscou. Elon Musk a donc mis en garde Kiev.

L’Ukraine est aujourd’hui un pays en guerre, mais l’Ukraine est aussi un pays qui reçoit de l’aide internationale. Face à la tentative de conquête russe, une assistance variée s’est déployée. Même Elon Musk, le milliardaire derrière SpaceX, a pris la parole. À la demande de Kiev, l’entrepreneur a fait livrer des kits Starlink pour se connecter à Internet.

L’idée, en mobilisant Starlink, est simple : si jamais les réseaux fixes et mobiles s’effondrent en Ukraine du fait de bombardements ou de cyberattaques, il reste possible de se servir des liaisons satellitaires — Starlink est un service qui propose de se connecter à Internet via l’espace. Les premières livraisons de kits ont été signalées dès le 28 février 2022.

Starlink, nouvelle cible militaire dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie ?

Quelques jours plus tard, Elon Musk a toutefois adressé une mise en garde sur son compte Twitter : si Starlink est très utile pour maintenir une liaison avec l’extérieur, et servir éventuellement de solution contre la censure, les paraboles positionnées sur les toits (ou en voiture) pourraient devenir des cibles militaires. En conséquence, un emploi précautionneux est recommandé.

« Avertissement important : Starlink est le seul système de communication non-russe qui fonctionne encore dans certaines parties de l’Ukraine, la probabilité d’être ciblé est donc élevée. Veuillez l’utiliser avec prudence », a écrit Elon Musk le 3 mars. NetBlocks, un observatoire de la liberté d’accès à Internet, signale à ce propos des coupures de connexion régulières en Ukraine.

https://twitter.com/netblocks/status/1499735002313015300

Le message de l’entrepreneur américain a été accompagné de deux conseils : le premier, de n’employer Starlink qu’en cas de besoin, aussi loin que possible des personnes. Le second, de le camoufler autant que possible pour empêcher toute détection visuelle qui pourrait conduire une action militaire de la part des forces russes.

La Russie, justement, n’ignore pas le geste fait par Elon Musk au profit de l’Ukraine, en témoignent les remarques sarcastiques de Dmitri Rogozine, le directeur général de Roscosmos, l’agence spatiale russe, aux médias locaux, le 2 mars dernier. Et dans son propos, il a suggéré que Starlink, qui était présenté au départ comme un projet purement civil, ne l’était désormais plus vraiment.

Est-ce à dire que les satellites Starlink pourraient être considérés comme des objectifs militaires lors de certaines opérations ? Cela reste à voir sur le terrain. Toujours est-il que les signaux satellitaires peuvent être captés pour tenter de lire les échanges si les communications ne sont pas chiffrées. Ils peuvent aussi servir pour tenter de repérer l’émetteur.

La Russie a la capacité de repérer et localiser des liaisons satellitaires

Une mise en garde de cette nature avait été formulée il y a dix ans par le comité pour la protection des journalistes (CPJ) dans un article intitulé « Les téléphones satellites peuvent toujours être repérés ». Et dans un article sur Foreign Policy, le journaliste Robert Young Pelton signalait déjà en 2012 que les Russes disposent de ce type de capacité, depuis les années 90.

« Le 21 avril 1996, le président dissident de la Tchétchénie, Djokhar Doudaïev, s’entretenait par téléphone satellite avec l’envoyé russe Konstantin Borovoï au sujet de l’organisation de pourparlers de paix avec Boris Eltsine. Au cours de l’appel téléphonique, il a été tué par un missile guidé par signal tiré par un avion de chasse russe », était-il raconté alors.

Starlink parabole antenne
Une parabole Starlink sur un toit. // Source : Starlink

Le journaliste ajoutait dans son article que « l’avion de combat avait reçu les coordonnées de Doudaïev d’un avion russe ELINT (renseignement technique d’origine électromagnétique) qui avait capté et verrouillé le signal émis par le téléphone satellite. C’était la tromperie et la brutalité russe à son meilleur. »

La détection et la localisation par les ondes constituent de fait un vrai risque pour celles et ceux qui mettent en œuvre Starlink en Ukraine, compte tenu de l’intensification du conflit. Le danger est d’autant plus grand si ces services satellitaires sont utilisés à des fins militaires, ce qui pourrait conduire l’État-major russe à les considérer comme des cibles à détruire.

Un risque que l’Ukraine semble avoir en tête, mais le ministre en charge de la transformation numérique, Mykhailo Fedorov, s’est montré serein : « Bien sûr, Elon Musk. Nous allons les utiliser pour les Ukrainiens également après notre victoire », écrivait-il en réponse à l’entrepreneur. La veille, il vantait le rôle de Starlink pour soutenir les services de secours de l’Ukraine.

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